France-Belgique : la querelle des psychomotriciens ?

La Fédération Française des Psychomotriciens enjoint dans un communiqué les étudiants à ne pas signer la pétition. Selon l’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones, il s’agit d’une tentative de dissuader les étudiants français de s’inscrire dans les écoles belges.
– Les futurs psychomotriciens en manque de reconnaissance
– « Les psychomotriciens sont parfois vus comme des extraterrestres… »
De nombreux étudiants français choisissent d’étudier en Belgique, après avoir échoué aux concours, seuls accès aux différentes formations françaises publiques. Ils seraient ainsi 200 étudiants français pour 25 Belges inscrits dans la première promotion de bachelier en psychomotricité en Belgique, d’après les chiffres de la Fédération Française des Psychomotriciens (FFP), principal organe représentatif de la profession en France. Dans un communiqué daté du 26 octobre, elle appelle les étudiants à ne pas signer la pétition qui demande la reconnaissance de la profession de psychomotricien en Belgique et l’équivalence de diplôme pour professer en France. C’est surtout ce deuxième point qui fâche, d’après ce qu’on peut lire dans le communiqué : « La FFP soutient depuis toujours l’émergence d’une psychomotricité belge autonome et indépendante. Mais elle ne cautionnera jamais une démarche consistant à laisser croire à des étudiants français qu’ils pourront suite à une formation en Belgique revenir travailler librement en France ». Elle poursuit : « Nous avons déjà, et à plusieurs reprises, informé les étudiants Français des risques qu’ils prenaient en suivant les formations organisées en Belgique alors que la profession n’était pas reconnue dans ce pays. Nous avons tenté de les protéger de ces risques mais des propos manifestement intéressés par le nombre de candidats potentiels à certaines écoles Belges, ont eu raison de ces avertissements. (…) Pour finir, ces études se font sans terrains de stage, réduisant ainsi la formation pratique à néant ! »
Démenti belge
La profession pas reconnue ? Des études sans stage ? Sur la page Facebook de la Fédération française, de nombreux étudiants ou psychomotriciens réfutent. L’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones, par la voix de son formateur et administrateur Jean-Pierre Yernaux, dément aussi fermement les assertions françaises : « Il y a des stages en Belgique et la formation est reconnue. La France joue sur la complexité institutionnelle. Si la psychomotricité n’est pas reconnue au niveau national, elle l’est complètement en Belgique francophone. » Jean-Pierre Yernaux analyse : « De tels discours proviennent surtout des écoles privées de psychomotricité français qui craignent de voir leurs étudiants partir car elles bénéficient du numerus clausus français (concours d’entrée, ndlr) appliqué dans les écoles publiques … »
Un discours pour « faire peur »
Outre cette question de concurrence, il développe aussi un autre point, directement lié à la création voici deux ans du premier bachelier en psychomotricité en Belgique. « Ce communiqué traduit la peur de la Fédération française de psychomotricité de voir revenir en France des centaines d’étudiants qui ont étudié en Belgique à l’issue de leur bachelier en juin 2015 », analyse Jean-Pierre Yernaux. Et d’expliquer : « A ce jour, des étudiants français ayant étudié en Belgique ont le droit d’aller chercher du travail en France, selon la circulaire européenne de libre circulation des travailleurs votée en 2013. Mais chaque pays garde encore sa « méthode ». Et la France est la championne du protectionnisme. Chaque région a des Commissions Santé – composées des représentants des écoles françaises et des Unions professionnelles - qui décident si oui ou non l’équivalence des diplômes est reconnue. A ce jour, les étudiants ayant étudié en Belgique – et possédant donc un post-graduat – sont contraints de faire des stages en plus ou de suivre des cours pour espérer pouvoir pratiquer en France. Les démarche sont très contraignantes ».
Ceci va changer en juin prochain, poursuit Jean-Pierre Yernaux : « Les diplômés français ayant étudié en Belgique vont arriver avec le même titre et le même contenu de formation que ceux dispensés en France. Suivant la règle européenne, les autorités compétentes françaises ne pourront donc plus dire que le diplôme n’est pas valable. Tout ajout d’équivalence devra être motivé auprès des instances européennes. L’étudiant aura aussi le droit d’intenter un recours à l’Europe. Et quand on sait qu’une centaine d’étudiants sont concernés, les recours pourraient être massifs. La France craint donc de perdre son influence ».
Et dans l’autre sens ? Les étudiants français peuvent-ils obtenir l’équivalence en Belgique ?
Actuellement, les psychomotriciens français qui arrivent en Belgique peuvent faire leur demande d’équivalence. Mais comme il n’existe pas encore de diplôme similaire à leur diplôme français en Belgique, il est difficile, voire impossible de l’obtenir.
Ils peuvent avoir un espoir. « A partir du mois de juillet – qui correspond à la sortie de la première promotion du baccalauréat en psychomotricité – un diplôme belge de psychomotricité équivalent à la France existera bel et bien », confirme Jean-Pierre Yernaux.
Manon Legrand
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