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Gaëtan Mestag, Union4U, sur la manifestation des infirmier.ère.s : "Quand on défend notre profession, on défend la santé de toute la population"

18/03/24
Gaëtan Mestag, Union4U, sur la manifestation des infirmier.ère.s :

Quelques jours avant la manifestation des infirmier.ère.s prévue le 20 mars à Bruxelles, le Guide Social revient sur les raisons qui poussent à cette action. Avec l’aide de Gaëtan Mestag, vice-président de l’Union4U.

Mercredi 20 mars, les infirmier.ère.s sont appelé.e.s à se réunir à Bruxelles, devant le cabinet du ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke. À l’origine de cette mobilisation ? La législation autour du statut d’assistant.e en soins infirmiers (AESI).

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Au départ, toutes les associations professionnelles ne partageaient pas le même avis concernant l’instauration de ce nouveau statut, précise Gaëtan Mestag, vice-président d’Union4U, le Syndicat autonome belge des praticiens de l’art infirmier.

Si certaines militaient pour augmenter le niveau des aides-soignant.e.s, d’autres voyaient dans ce statut une opportunité d’évolution de carrière. "Ça veut dire qu’on peut faire des études d’aide-soignant.e, puis quelques années après devenir assistant.e aux soins infirmiers, puis refaire une formation pour devenir infirmier.ère responsable en soins généraux (IRSG)", observe-t-il. Finalement, les associations ont décidé d’un commun accord de ne pas s’opposer à la création de ce statut.

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Assistant.e en soins infirmiers ou infirmier.ère de base ?

Mais là où "ça a dérapé", raconte Gaëtan Mestag, c’est quand dans la version flamande de la loi du 28 juin 2023 – insérant l’AESI dans l’échelle des soins entre l’aide-soignant.e et l’infirmier.ère IRSG – l’assistant.e en soins infirmiers devient basisverpleegkundige, c’est-à-dire infirmier de base.

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"Cela va générer des conflits dans la compréhension du / de la soignant.e : on ne va pas parler d’infirmier.ère de base, mais d’infirmier.ère alors qu’ils/elles ne le sont pas. La formation ne sera pas du même niveau", s’inquiète-t-il.

De fait, comme le souligne AISPN, l’une des associations organisatrices de la manifestation, l’infirmier.ère est formé.e en 4.600 heures contre 3.800 heures pour un.e assistant.e en soins infirmiers. À ce jour, la Flandre est la seule région à avoir lancé la formation AESI qui se déroule sur trois ans.

Un manque de clarté

Autre point critique : le manque de clarté autour de ce nouveau statut. Et ce, tant dans la loi du 28 juin 2023 – pour laquelle un recours a été introduit par l’Union Générale des Infirmiers de Belgique (UGIB) auprès de la Cour Constitutionnelle – que dans l’arrêté royal du 20 septembre 2023, fixant la liste des prestations techniques de l’art infirmier relative à l’assistant en soins infirmiers.

Par exemple, les textes prévoient que l’AESI peut agir de manière "autonome", dans la limite de ses compétences, dans les "situations moins complexes" et "en concertation" avec l’IRSG ou le médecin "dans les situations plus complexes". Sans donner davantage de précision sur ces notions.

"Ce manque de clarté induit une inégalité, car les assistant.e.s en soins infirmiers ne savent plus avec certitude ce qu’ils/elles sont en droit de faire ou non. Ils/elles ne connaissent dès lors plus les limites de leur responsabilité civile ou pénale", pointe l’UGIB.

"Toute la profession avait exigé qu’on indique que les interventions de l’AESI soient conditionnées à une évaluation initiale du/de la patient.e et de sa complexité par un.e infirmier.ère IRSG. Bien sûr un.e AESI pouvait commencer à soigner dans l’urgence un.e patient.e et être autonome dans sa pratique quotidienne, mais ici le texte lui permettra à la fois d’évaluer lui-même le niveau de complexité du/de la patient.e et sans influence du résultat de cette évaluation d’exercer ses activités B1 de manière autonome", s’inquiète l’association belge de praticiens de l’art infirmier.

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De plus, "le/la médecin interférerait dans la prise en charge et dans la manière d’évaluer les soins infirmiers, une chose pour laquelle il/elle n’est pas formé.e", déplore Gaëtan Mestag.

Des conséquences sur la qualité des soins

Les associations s’inquiètent donc d’une baisse de la qualité des soins. "Si la nuit on enlève l’infirmière dans un service de chirurgie générale et on met une assistante en soins infirmiers qui est moins bien formée, s’il y a un couac la réaction sera moins bonne, donc il y a un risque pour la santé", illustre le vice-président de Union4U avant d’insister : "Quand on défend notre profession, ce n’est pas nous qu’on défend, c’est la santé de toute la population".

Pour lui, le seul objectif de cette politique menée par le ministre Frank Vandenbroucke est de faire des économies. "Dans sa tête de financier c’est très intéressant, si on met quelqu’un qui est moins bien payé que l’infirmière, mais qui dans les normes d’encadrement peut la remplacer, c’est bingo ! La qualité des soins, le risque pour les patient.e.s, ce n’est pas son problème", dénonce-t-il. Une logique pourtant contre-productive selon Gaëtan Mestag car "en réduisant la qualification des soignants, on va augmenter les coûts des soins de santé".

La perte d’attractivité du métier

Parallèlement, le ministre Vandenbroucke propose un projet de loi visant à moderniser la définition de l’art infirmier "mais permettant autant à l’infirmier.ère qu’à l’assistant.e d’exercer l’ensemble de cette discipline sans distinction entre les deux métiers !", écrit l’association belge des praticiens de l’art infirmier qui y voit un risque pour l’attractivité du métier.

"Il n’y a aucune raison que des étudiant.e.s choisissent de s’engager dans des études longues et complexes, et aucune raison que certaines fédérations d’employeurs continuent à engager des infirmières dans certains secteurs… nous pouvons être remplacé.e.s par des assistant.e.s en soins infirmiers formés en 3 ans presque partout !", continue l’association.

Un risque pour un métier qui souffre déjà d’une importante pénurie sur le terrain. Gaëtan Mestag rappelle qu’il existe tout un bassin d’infirmier.ère.s diplômé.e.s qui n’exercent plus dans les soins. "Ce qui fait aujourd’hui en partie que la profession est moins attrayante qu’avant, c’est que l’infirmier.ère n’a plus le temps du contact-patient, de la discussion et de la réflexion mais seulement de la technique. Finalement, on nous enlève ce qui nous donne envie de continuer parce qu’on a une véritable plus-value", observe-t-il.

Selon lui, "si on veut garder des gens dans la profession et si on veut en attirer d’autres il faut vendre un peu du rêve". Et pour cela, l’Union4U a quelques idées : rémunérer les stages des étudiant.e.s en 4e année d’études, reconnaitre la pénibilité de la profession notamment pour la pension, mettre en place un système de parrainage entre les ancien.ne.s et les nouveaux.elles infirmier.ère.s, forcer les hôpitaux à créer des crèches pour le personnel...

Découvrez le mémorandum du Guide Social

Les revendications de l’Union4U :

1. Clarifier rapidement les normes dans les établissements de soins afin de garantir à notre population un encadrement infirmier suffisant et permanent ;
2. Clarifier les deux filières de formation infirmière en une seule formation IRSG Euro-mobile et un AESI dont la fonction est clairement différenciée de l’infirmier. L’AESI est bien un praticien de l’art infirmier mais pas un infirmier ;
3. Définir clairement les prises en charges complexe et non complexe ;
4. Une décision adéquate et ferme sur cette loi sur les hôpitaux de la part des ministres durant le Conseil inter ministériel santé.

"On demande un plan d’attractivité, une concertation, une réflexion et de pouvoir être présent.e.s dans les organes qui prennent des décisions pour notre profession", conclut Gaëtan Mestag tout en rappelant qu’il y a près de 140.000 infirmier.ère en Belgique. "Et pas seulement deux ou trois".

Les associations de secteur ont déjà prévu d’autres actions prochainement devant les cabinets des ministres wallon, bruxellois et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Caroline Bordecq



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