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Le Guide Social au cœur du Framboisier, un lieu dédié à la naissance

07/02/25
Le Guide Social au coeur du Framboisier, un lieu dédié à la naissance

Le Guide Social a passé une matinée immersive dans un lieu autour de la naissance situé à Forest : le Framboisier. Ce centre chaleureux, fondé par sept sages-femmes entourées de professionnels de la santé, accompagne les femmes enceintes, les couples et les familles à chaque étape de leur parcours, du désir d’enfant à la naissance.

Dès l’entrée, l’atmosphère invite au calme et à la sérénité. Une subtile odeur d’huiles essentielles se mêle aux effluves d’un thé Genmaicha. Clotilde et Marie, deux des cofondatrices, nous accueillent dans une grande salle baignée de lumière. Ces sages-femmes, aux parcours aussi riches que variés, partagent avec passion leur rôle au sein de ce lieu dédié à la naissance.

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Mais qui sont les femmes derrière ce projet ?

"Je m’occupe principalement des consultations prénatales et des préparations à la naissance", explique Marie, une des forces vives du Framboisier. "Je n’accompagne pas les accouchements, car je ne peux pas garantir une disponibilité complète. Mon accompagnement est donc semi-global : suivi prénatal, préparation à la naissance et suivi postnatal. Après l’accouchement, je rends visite à domicile lorsque la patiente revient avec son bébé et je propose également des consultations de post-partum au centre."

En plus de son activité de sage-femme, Marie gère la trésorerie de l’équipe. Elle exerce aussi à l’hôpital Erasme, où elle réalise des suivis et des consultations médicales de grossesse. "La patientèle y est parfois similaire à celle du Framboisier, mais souvent plus hétérogène et parfois plus précarisée. Cette collaboration avec l’équipe gynéco-obstétrique enrichit ma pratique et me correspond bien."

Un accompagnement global et sur mesure

"A l’époque, la pratique extra-hospitalière était peu valorisée dans le parcours étudiant", nous confie, à son tour, sa collègue Clotilde. "Après mes études, il y a 15 ans, j’ai fait un compagnonnage avec des sages-femmes indépendantes. Cela m’a permis d’explorer des pratiques absentes des stages classiques, comme les préparations à la naissance et les suivis à domicile."

Avec d’autres collègues, elle ressent alors le besoin de créer un cabinet. À cette époque, Marie et Clotilde travaillent encore à l’hôpital tout en exerçant comme sages-femmes indépendantes. C’est dans ce contexte que Marie rejoint le projet. Ensemble, elles prennent le temps de poser les bases d’une philosophie et d’une charte de valeurs communes, donnant ainsi naissance au Framboisier.

“Nous avons voulu que cet espace soit bien plus qu’un cabinet de sages-femmes. Nous avons imaginé un lieu pluridisciplinaire réunissant des professionnels comme des ostéopathes, kinésithérapeutes, acupuncteurs, psychothérapeutes et psychomotriciens. L’objectif était aussi d’ouvrir cet espace à d’autres patients, qu’ils aient un projet de naissance ou non”, précise Clotilde.

Aujourd’hui, elle réalise des suivis médicaux de grossesse, des préparations à la naissance et à la parentalité. Elle propose également des consultations postnatales sur des sujets variés : rythme du bébé, allaitement, sevrage ou encore reprise de la vie intime. "Cela fait quatre ans que je n’accompagne plus les accouchements, car je travaille à mi-temps au planning familial de Saint-Gilles. Là-bas, je suis impliquée dans l’accompagnement à l’IVG et je fais partie d’une équipe pluridisciplinaire autour de la grossesse", ajoute-t-elle.

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Une reconversion après une première carrière et des enfants

Clotilde et Marie sont arrivées au métier de sage-femme après avoir eu des enfants et après une première carrière dans le théâtre et le cinéma. "À un moment donné, nous avons ressenti le besoin de changer de voie pour replacer l’humain au centre de notre projet professionnel."

Pour Marie, ce fut une véritable révélation. "Ce qui m’a touchée, ce n’était pas seulement la naissance, mais tout l’accompagnement des femmes, avec ou sans projet de maternité. Quand on a un coup de foudre, on y pense tout le temps. J’ai donc décidé de sauter le pas. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Clotilde, grâce à une amie commune. Cette rencontre m’a donné l’élan nécessaire pour me lancer, même si reprendre quatre années d’études à plein temps avec une vie de famille n’a pas été facile", confie-t-elle.

Clotilde, de son côté, a vécu une période de profondes remises en question suite à la maternité. "Beaucoup de priorités se réorganisent, et pas seulement pour les mères, mais aussi pour les pères. Avant, j’étais comédienne, un métier passionnant mais exigeant. Travailler en France et devoir quitter mon enfant en bas âge était un véritable déchirement. Devenir sage-femme m’a permis de trouver un ancrage professionnel à Bruxelles, en accord avec mes valeurs et ma vie familiale."

Un métier d’écoute et d’adaptation

Dans leur pratique quotidienne, Clotilde et Marie mettent en avant deux compétences essentielles : une vision globale des patientes et une profonde capacité d’écoute. Pour Marie, il ne s’agit pas seulement d’un suivi médical, mais bien d’un accompagnement qui prend en compte la femme et sa famille dans leur globalité. "L’empathie est primordiale", insiste-t-elle. "Il est crucial de s’adapter au projet de chaque personne et de partir de ce qu’elle sait déjà. Nos patientes ont aussi des connaissances, et il est important de les valoriser." Clotilde partage cette approche et souligne l’importance d’une posture d’écoute, sans idées préconçues. "Cela demande une réelle capacité d’adaptation, car les parcours et les attentes sont extrêmement variés."

Une prise en charge pluridisciplinaire au service des familles

Le Framboisier ne se veut pas seulement un cabinet de sages-femmes, mais un lieu de soins et d’échanges où différents praticiens travaillent en synergie. Cette approche pluridisciplinaire représente une véritable force pour les familles. "Cela les rassure de pouvoir naviguer entre plusieurs professionnels au sein d’un même espace", assure Clotilde. "Comme nous nous connaissons bien, il est facile d’orienter une patiente vers un autre praticien de manière fluide et naturelle."

Marie insiste également sur l’enrichissement que cela représente pour l’équipe. "Cette proximité favorise les échanges. Par exemple, si une maman souffre de crevasses persistantes, on peut proposer une consultation pour son bébé chez un ostéopathe. Grâce à nos discussions, nous partageons nos observations et, en retour, l’ostéo peut nous faire part des siennes après l’examen. Cela enrichit vraiment la prise en charge."

Ce lien de confiance établi avec les patientes se construit avant la naissance et perdure bien après. "Beaucoup de femmes reviennent pour une deuxième ou une troisième grossesse", observe Clotilde. "Même lorsque l’accouchement ne se déroule pas comme prévu, le suivi postnatal leur permet de traverser les premières semaines avec plus de sérénité." Cette continuité dans l’accompagnement est l’un des piliers du Framboisier. "Une femme peut être suivie par la même sage-femme tout au long de son parcours, ce qui crée une relation précieuse et sécurisante", poursuit-elle.

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Les attentes des familles : entre besoin de lien et pression sociale

Parmi les familles qui poussent la porte du Framboisier, beaucoup ne sont pas originaires de Bruxelles et se retrouvent isolées, sans réseau de soutien. Pour Marie, ce manque de repères se traduit souvent par une recherche de lien, que ce soit à travers des activités de groupe ou simplement en trouvant une oreille attentive.

Clotilde, elle, observe une autre tendance : "Aujourd’hui, l’arrivée d’un enfant est souvent un projet très réfléchi, ce qui peut mettre une pression énorme sur les parents. Avec toutes les connaissances actuelles sur le développement de l’enfant, la peur de mal faire est omniprésente." Un des rôles majeurs des sages-femmes est alors de redonner confiance aux parents et de les aider à se détacher des injonctions extérieures. "L’objectif n’est pas qu’ils deviennent dépendants des professionnels, mais qu’ils osent se faire confiance dans leurs choix", souligne-t-elle.

Ce besoin de repenser son vécu se retrouve également chez les femmes qui reviennent pour une nouvelle grossesse. "Certaines nous disent : ‘C’est mon deuxième enfant et je ne veux pas revivre la même expérience. Cette fois, je veux me préparer différemment.’ Elles cherchent à mieux comprendre les options qui s’offrent à elles et à savoir quelles questions poser à l’équipe médicale", pointe Clotilde.

Gérer l’imprévu et s’adapter à toutes les réalités

Accompagner la parentalité, c’est aussi savoir faire face à des situations complexes et parfois très éloignées du cadre purement médical. Clotilde évoque les patientes particulièrement anxieuses, dont les craintes dépassent souvent le simple fait de donner naissance. "Leurs angoisses ne sont pas toujours liées à la grossesse en elle-même, mais peuvent être enracinées dans leur histoire personnelle ou des blessures du passé. Ce sont des accompagnements qui demandent une écoute fine et beaucoup de souplesse, car les besoins dépassent souvent le cadre strict de la naissance."

Les réactions face aux difficultés varient énormément. "Parfois, dans des situations complexes, comme une pathologie chez le bébé, les familles trouvent des ressources insoupçonnées. À l’inverse, des circonstances en apparence plus simples peuvent être très éprouvantes pour des personnes particulièrement fragiles ou isolées", observe-t-elle.

Marie, elle, pointe un défi récurrent : les projets de naissance très rigides. "Certaines familles ont une idée extrêmement précise de ce qu’elles veulent vivre, et il peut être difficile de leur faire accepter que l’accouchement ne se déroule pas toujours comme prévu", explique-t-elle. Son rôle consiste alors à amener de la souplesse dans la démarche. "Cela ne veut pas dire abandonner leurs souhaits, mais plutôt apprendre à s’adapter aux imprévus."

Certaines patientes ont aussi des demandes spécifiques, parfois marquées par des expériences médicales antérieures difficiles. "Des femmes nous demandent une césarienne programmée ou une épisiotomie anticipée, par exemple", poursuit Marie. "Chaque requête mérite d’être entendue et accompagnée avec respect. Beaucoup ont aussi besoin de parler de sujets sensibles, comme la maltraitance en gynécologie-obstétrique. Ces thématiques trouvent rarement leur place dans les consultations médicales classiques, qui restent souvent axées sur l’aspect physique."

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Un engagement émotionnel fort

Dans un métier où l’humain est au centre de tout, il est parfois difficile de ne pas être touché par certaines histoires. "Dans ces moments-là, pouvoir en parler entre nous est essentiel. Ces échanges nous permettent de déposer ce qui nous pèse et de trouver du soutien", partage Marie.

Clotilde regrette cependant le manque de ressources dédiées à cet aspect du métier. "Idéalement, nous devrions avoir accès à des séances de supervision ou à un suivi thérapeutique, mais cela demande des moyens financiers que nous n’avons pas." À défaut, les réunions d’équipe jouent un rôle crucial. "Ce sont des moments où nous discutons de l’organisation du Framboisier, mais aussi des situations difficiles. Nous avons appris à nous écouter et à nous soutenir mutuellement", ajoute Marie.

Les défis et la vision pour l’avenir

Comme pour beaucoup de structures similaires, le Framboisier fait face à un manque de ressources. "Ce qui nous freine le plus, ce sont les moyens financiers, confie Clotilde. Il existe des subsides pour les associations de première ligne, mais monter un dossier demande du temps et de l’énergie, ce qui est compliqué avec nos vies bien remplies."

Développer davantage d’activités de groupe au sein du centre serait une belle opportunité, mais cela impliquerait de consacrer encore plus de temps personnel. "Trouver un équilibre est un défi constant", atteste Marie. Du coup, pour l’avenir, les deux sages-femmes souhaitent avant tout préserver l’essence du Framboisier : un lieu épanouissant pour les familles, mais aussi pour les professionnels qui y travaillent.

"Nous avons fait des choix, comme ne pas proposer de suivis avec gardes pour les accouchements, afin de préserver nos vies personnelles", précise Clotilde. "Cela nous permet de travailler dans un cadre qui nous correspond." Sa collègue renchérit : "Nous savons que la vie de sage-femme indépendante devient de plus en plus complexe, notamment sur le plan financier. Nous verrons dans quelques années, lors du renouvellement de notre bail, si nous devons repenser notre fonctionnement ou transmettre le relais."

Au-delà des défis, ce qui motivent Clotilde et Marie, ce sont les relations privilégiées qu’elles tissent avec leurs patientes : "C’est un vrai plaisir de revoir des femmes revenir avec leurs poussettes pour un massage ou une consultation avec un ostéo. Cela montre que ce lieu est devenu une ressource pour elles, un espace qui fait sens."

Une anecdote marquante illustre l’impact de leur accompagnement. "Je me souviens d’une femme qui abordait son accouchement avec beaucoup de pessimisme", raconte Marie. "Après notre suivi, elle a finalement vécu une expérience très positive. Savoir que nos échanges ont contribué à transformer son vécu est une immense satisfaction."

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Un appel à la collaboration entre professionnels

La réputation du centre s’est construite grâce au bouche-à-oreille. Selon Marie, les gynécologues reconnaissent de plus en plus l’importance de la préparation à l’accouchement pour transformer l’expérience des femmes.

"Nous rêvons de synergies plus fréquentes, révèle Marie. Lorsqu’un gynécologue, une psychologue ou un pédiatre nous donne un retour sur une patiente, c’est toujours très enrichissant. Nous aimerions voir davantage de collaborations de ce type."

Clotilde conclut : "Une femme enceinte n’est pas obligée d’être suivie par un gynécologue. Les sages-femmes peuvent tout à fait assurer le suivi des grossesses à bas risque, en partenariat avec d’autres professionnels si nécessaire. Nous connaissons nos limites, mais notre rôle en première ligne est essentiel."

Un reportage de Laura Mortier



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