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"Les Câlineurs de bébés" : quand un câlin devient un acte de soin

21/01/25

"Les Câlineurs de bébés" est une association qui se consacre à l’accompagnement des bébés hospitalisés de 0 à 18 mois. L’objectif est simple : créer un cocon de douceur et de réconfort pour ces tout-petits, tout en soutenant les parents dans leur rôle crucial.

Le Guide Social avait rencontré Mélanie McCluskey, secrétaire générale de l’ASBL, en 2018, lorsque le projet n’en était qu’à ses premiers pas. Que sont devenus les Câlineurs de bébés après six années d’activité ? Rencontre avec Francine de Bisscop, présidente du conseil d’administration des calineurs de bébés et calineuse engagée depuis les débuts.

Comme les autres co-fondatrices, Francine de Bisscop est entrée dans l’aventure en 2019, après avoir vu une émission où un grand-père câlinait des bébés à l’hôpital. L’idée les a immédiatement séduites et elles se sont retrouvées grâce aux réseaux sociaux. L’ASBL fut alors fondée sous l’égide de Mélanie McCluskey qui a mis ses compétences en communication et en gestion au service du projet, et qui selon les mots de Francine "reste la tête de proue de ce beau navire".

"Chaque étape a été marquée par des rencontres poignantes"

Le Guide Social : Nous avions rencontré Mélanie lorsque l’ASBL venait d’être créée. Depuis notre rencontre, il y a eu la pandémie de Covid qui est passée par là…

Francine de Bisscop : Oui et malgré la pandémie, nous avons connu une belle évolution, en particulier dans notre collaboration avec les hôpitaux. Plusieurs conventions ont été signées, dont une avec l’ONE. Quelques financements nous ont permis de former nos bénévoles. Par exemple, grâce au Fonds Jean Praet, nous avons pu financer une formation en 2021, animée par un médecin, pour approfondir notre compréhension des bébés, de leurs besoins et de leurs signaux de détresse. De plus, l’ONE a soutenu un projet de formation avec le FRAJE, axé sur la relation entre le bébé, les parents et le personnel hospitalier.

Le Guide Social : Lorsque nous nous sommes rencontrés, vous aviez débuté une collaboration avec l’Hôpital des Enfants Reine Fabiola. Avez-vous élargi vos collaborations avec d’autres hôpitaux ?

Francine de Bisscop : Oui, nous avons élargi notre présence au sein de l’HUDERF (Hôpital des Enfants Reine Fabiola), d’abord dans l’unité de soins intensifs, puis en Néonatologie, et progressivement dans toutes les unités de l’hôpital, y compris l’oncologie. Ce qui avait commencé avec une équipe de 5 bénévoles est désormais un groupe de 24 personnes engagées à l’HUDERF.

Nous avons également signé des conventions avec plusieurs autres hôpitaux, tels que Saint-Luc et Delta à Bruxelles, mais aussi à Charleroi, Namur, Mons, Ottignies et enfin à l’hôpital Ixelles, où Mélanie assure la coordination. Chaque étape a été marquée par des rencontres poignantes, comme celle de ce bébé qui a trouvé une famille d’adoption auprès de deux formidables papas après avoir été longuement câliné.

En outre, nous avons conclu un partenariat avec le service adoption de l’ONE, qui peut désormais faire appel à nos calineuses dans n’importe quel hôpital du pays, pour accompagner un bébé malade en attente de placement ou d’adoption.

Nous sommes également soutenus par "Kids Care", qui nous a notamment aidé à planter un arbre en mémoire d’une petite puce décédée dans un hôpital. Leur soutien nous a permis de renforcer notre crédibilité, notamment auprès de la Fondation Roi Baudouin.

"Les familles nous voient comme un relais de tendresse"

Le Guide Social : Vous êtes donc présents dans plusieurs hôpitaux à travers le pays. Comment les familles et le personnel médical perçoivent-ils votre travail ?

Francine de Bisscop : Les familles nous voient comme un relais de tendresse. 9 fois sur 10, elles sont favorables à notre présence, même si au début, elles hésitent souvent à demander de l’aide. Nous avons aussi réalisé qu’il est parfois important de simplement prendre le temps d’écouter un parent qui a besoin de se confier. Toutefois, il nous a paru crucial de clarifier notre rôle et nos limites auprès des familles. C’est pourquoi nous avons élaboré un document d’information, disponible en plusieurs langues (arabe, ukrainien, roumain, russe, anglais, irlandais), afin d’expliquer clairement notre démarche.

Avec le personnel des hôpitaux, il est essentiel de prendre le temps de s’apprivoiser mutuellement. Il y a beaucoup à comprendre, à ressentir, et parfois il faut aussi évacuer certaines peurs ou idées préconçues. Finalement, on nous remercie souvent, car notre présence soulage le personnel infirmier. Parfois, à peine arrivées, on nous tend déjà un bébé à câliner !

Les bienfaits des câlins ne font aucun doute : ils réduisent le stress et la douleur, tout en améliorant le sommeil et la santé des bébés. Ces effets sont liés à la libération d’hormones du bien-être comme l’ocytocine, la sérotonine et la dopamine. La littérature médicale confirme ces observations.

Même si cela ne résout pas tout évidemment. Nous avons malheureusement connu des décès de bébés qui ont été câlinés longuement, parfois depuis leur naissance.

Le Guide Social : Un travail émouvant et éprouvant pour vos bénévoles. Bénéficiez-vous d’un soutien psychologique ?

Francine de Bisscop : Nous avons créé un espace à l’HUDERF pour échanger nos expériences. Les bénévoles peuvent demander un soutien psychologique si nécessaire. Nous avons la chance de bénéficier de quatre séances de supervision de deux heures par an, animées par deux psychologues et réunissant toute l’équipe.

Ces ateliers de partage d’expériences sont conçus pour faire émerger des questions ou des vécus au sein du groupe, et pour inviter chacun à réfléchir et contribuer à la discussion. Cela nous a énormément apporté. J’ai vu chaque membre de l’équipe partager son vécu, souvent différent de celui des autres, et découvrir que ces perspectives variées pouvaient se compléter, s’enrichir mutuellement et être tout à fait légitimes. Dans ce cadre bienveillant et sans jugement, nous pouvons avancer ensemble face aux problématiques ou questions soulevées.

"Lorsqu’un petit sourire d’apaisement apparaît, c’est un véritable cadeau"

Le Guide social : Que diriez-vous à une personne ou une organisation qui souhaiterait s’investir au sein de l’ASBL ? Quels sont les besoins prioritaires que vous souhaiteriez combler ?

Francine de Bisscop : Le financement est notre principal défi. Pour continuer à offrir des formations de qualité à nos câlineuses et maintenir notre site internet qui sera bientôt lancé, nous avons besoin d’aides financières. Actuellement, chaque câlineuse contribue par une cotisation annuelle de 50 euros, ce qui nous permet de financer l’assurance et les T-shirts pour l’équipe. Cependant, nous aimerions également pouvoir couvrir les frais de transport et de parking pour nos membres. Et, bien sûr, nous avons besoin de poursuivre notre visibilité dans les hôpitaux, afin de maintenir et développer ce cercle vertueux.

Nous espérons nous étendre davantage, notamment à Liège. Mais nous avons déjà réussi à nous installer à Mons, grâce à des partenariats locaux, et nous sommes motivées pour aller plus loin.

Notre devise, c’est "qui va piano, va sano" : aller doucement et prudemment, c’est avancer sûrement. Nous veillons donc à rester crédibles et à honorer nos engagements avec sérieux et rigueur. C’est cette garantie de qualité que les hôpitaux apprécient. Si nous étions trop farfelus, nous ne serions pas là aujourd’hui.

Le Guide Social : Pour terminer, avez-vous envie de nous partager une histoire récente qui reflète bien l’impact de vos actions ?

Francine de Bisscop : Récemment, une maman m’a confié que sa petite fille prématurée, qui avait été câlinée ici en Belgique, avait fait d’énormes progrès grâce à ces moments de câlins. Elle m’a dit : "C’est un supplément d’âme que l’on offre aux bébés et aux parents." Ce terme m’a profondément touchée, car il résume parfaitement ce que nous faisons.

Lorsque nous câlinons un bébé, nous nous immergeons dans un espace de pure relation, d’empathie. Quand un bébé, même fragile, plonge son regard dans le nôtre, c’est déjà un signe qu’il va mieux. Un bébé qui ne va pas bien évite le contact visuel. Et lorsqu’un petit sourire d’apaisement apparaît pendant son sommeil, c’est un véritable cadeau. Bien sûr, on ressort fatiguée, mais aussi profondément transformée par ce lien créé.

Laura Mortier



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