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Manifestation du Non-Marchand : « Je suis là aujourd’hui parce que je suis fatiguée »

31/01/23
Manifestation du Non-Marchand : « Je suis là aujourd'hui parce que je suis fatiguée »

Ce mardi 31 janvier, le Guide Social s’est rendu à la manifestation du Non-Marchand, en plein cœur de Bruxelles, afin d’interviewer et de donner la parole à des travailleurs et travailleuses qui exercent dans le médical et le social. Manque de reconnaissance, pénurie de professionnels, horaires intenables et salaires indécents : focus sur des témoignages de travailleurs acharnés et mobilisés.

Le dossier du Guide Social :

 Le secteur non-marchand à bout de souffle : « Qui va nous soigner ? »
 « Pour garder un modèle de société basé sur la solidarité, nous devons donner les moyens au Non-Marchand »

Parmi les travailleurs et travailleuses réunis ce matin, un sentiment général se détache : celui de l’inquiétude du futur du domaine médico-social, qui attire de moins en moins la nouvelle génération. Cependant, malgré une pénibilité accrue par un manque de professionnels, des horaires de travail de plus en plus prenants et des salaires trop faibles, ils se lèvent tous, unis pour la survie d’un secteur en profonde difficulté. Dans la foule de manifestants, nous avons rencontré Catherine, Fanny et Christine. Toutes trois exercent dans le secteur social/santé.

Catherine, infirmière : « On nous demande de faire des études quasiment universitaires pour un salaire qui ne l’est pas »

« Je suis là aujourd’hui parce que je suis fatiguée. Il y a de moins en moins d’infirmières, les collègues tombent malades. Je suis la seule infirmière pour 27 patients », clame Catherine, infirmière depuis plus de 25 ans au sein d’un service de neurologie dans le secteur hospitalier. Ce qu’elle attend de cette manifestation ? Que l’on donne plus de moyens financiers et que les autorités politiques revalorisent une profession qui, aujourd’hui, n’attire plus les jeunes. « On nous demande de faire des études quasiment universitaires pour un salaire qui ne l’est pas ». L’infirmière dénonce également une retraite à 67 ans, trop tardive pour des conditions de travail particulièrement pénibles.« Vous me voyez à 67 ans, porter des gens de 100 kilos ? Au bout de 10 ans, on a déjà le dos foutu ».

Catherine met également l’accent sur la difficulté de concilier le travail et la vie de famille. « Quand il faut travailler jusqu’à 21h30, on se retrouve confronté à la fermeture des crèches ». Elle poursuit : « En juillet et août, je suis normalement à mi-temps mais je travaille tout de même à temps plein, parce que les jeunes et les mamans sont en vacances. »

En 27 ans de carrière, cette infirmière a observé un changement dans la manière dont les patients mais aussi les familles s’adressent à elle. Elle souligne une certaine déshumanisation du professionnel : « Avant, les familles nous remerciaient plus facilement. Maintenant, on nous marche dessus, car on ne va pas assez vite, on ne répond pas assez vite à la sonnette. On nous dit : “vous êtes payé pour”. Heureusement, on a encore des patients et des familles gentils. Sinon, ce n’est pas possible de tenir. » Catherine souligne l’importance de remercier le personnel : « Quand je soigne un patient et qu’il me sourit, qu’il me dit merci, c’est mon salaire ».

Fanny, éducatrice : « On a l’impression de plus vivre dans l’institution qu’avec nos familles »

Nous avons ensuite rejoint Fanny, une autre manifestante, éducatrice dans une institution avec des enfants placés.« Ce qui me fait tenir, c’est que j’adore mon travail en tant que tel et ce que j’apporte aux enfants dans l’institution. J’ai déjà eu l’envie de me dire merde, je m’en vais. Mais je ne pense pas que l’herbe soit plus verte ailleurs ». L’éducatrice témoigne de la fatigue générale ressentie au sein des institutions, face à l’amplification de la pénibilité du métier.« Les situations sont de plus en plus lourdes, les enfants stagnent de plus en plus dans les institutions parce qu’on n’a pas de place ailleurs ». Fanny regrette aussi des mauvaises conditions de travail, mêlées au sentiment de ne plus pouvoir s’occuper correctement des enfants au sein des institutions. « On a l’impression de plus vivre dans l’institution qu’avec nos familles ».

Un autre travailleur, pancarte au bras, précise que dans le secteur de l’aide à la jeunesse,« les jeunes en difficulté, ils ont besoin de pas mal de personnes ». Il ajoute : « J’aime mon travail, je m’y retrouve bien. Parfois c’est dur, on est fatigué, on doit faire seul le travail pour trois ».

Christine, logopède : Une faible reconnaissance des professionnels se ressent dans le travail accompli

« On ne trouve personne pour me remplacer », regrette Christine. Après 42 ans dans la profession, cette logopède s’inquiète du manque de professionnels, symptôme d’une société qui ne met pas suffisamment en valeur le médico-social. Pour elle, il est important que les travailleurs se mobilisent :«  Il faut être là pour que les citoyens et les politiques prennent conscience des difficultés. Il est nécessaire de lutter pour le respect du travailleur engagé » .

« Je pense qu’il faut laisser une certaine autonomie et liberté à chaque travailleur qui travaille dans le social », préconise la logopède. « Le but, dans ce secteur, c’est vraiment d’améliorer la vie des gens. Or, en raison du manque de reconnaissance des professionnels, ces derniers perdent en motivation. Cela se ressent dans le travail accompli ».

Mélissa Le Floch



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