Psychomotricité : le combat pour la reconnaissance reprend !
Après avoir mis le dossier juridique en standby pendant près de deux ans, notamment à cause de la pandémie, l’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones a décidé de relancer la bataille pour la reconnaissance de la psychomotricité en tant que profession paramédicale. Quelles sont leurs revendications ? Les étapes à venir ? Entretien avec Maiorana Massimo, le président de l’Union.
Mis en veille pendant la pandémie du COVID 19, le dossier de reconnaissance du statut paramédical à la profession de psychomotricien est de nouveau sur table. « Aujourd’hui il est temps de le rouvrir avec une équipe renouvelée », a annoncée l’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones (UPBPF) sur son site internet.
Pour rappel, en 2016 la ministre de la Santé Maggie De Block avait refusé de reconnaitre la psychomotricité en tant que profession paramédicale. Une décision qui a évidemment fait bondir l’UPBPF, décidant, aux côtés de la Fédération des Etudiant∙e∙s Francophones (FEF), de se tourner vers le tribunal de première instance.
Déboutées, mais reconnaissant un préjudice, d’autres démarches ont été entamées. Notamment auprès de la cour constitutionnelle qui, en octobre 2019, a rendu son verdict, assurant qu’il n’y avait aucune anomalie dans la procédure suivie par la ministre. Cependant, les motivations de cette réponse ouvrent de nouvelles questions juridiques...
– Lire aussi : Reconnaissance de la psychomotricité : une bataille de perdue...
"Comment a évolué le métier, la reconnaissance sur le terrain ?"
Le Guide Social : Pourquoi avoir relancé maintenant le dossier de reconnaissance ?
Massimo Maiorana, président de l’UPBPF : En 2020, après le verdict de le Cour Constitutionnelle, nous devions passer à une procédure de fond auprès du Tribunal de première instance de Liège. Avec le COVID, tout a été mis en standby au niveau juridique mais aussi de notre côté car nos membres avaient besoin de notre aide pour traverser cette crise.
Ensuite, nous avons été en plein renouvellement d’équipe. Nous avons désormais une nouvelle responsable de la commission des relations extérieures et de défense juridique et politique, Marie-Jeanne Goffinet. Depuis février, nous avons une équipe stable qui s’est mise au travail et il a fallu le temps de prendre connaissance des dossiers, du travail conséquent fait depuis de nombreuses années, etc. C’est donc maintenant que nous lançons les premières actions.
Le Guide Social : Quelle est justement votre première action ?
Massimo Maiorana : La première étape a été de lancer une enquête, qui a été clôturée le 22 octobre. Nous avons interrogé nos membres psychomotricien.nes pour savoir comment les choses ont évolué dans leur métier, leur reconnaissance sur le terrain... Pour comprendre le mouvement en cours qui tend vers une meilleure reconnaissance sur le terrain, freinée par une non-reconnaissance officielle.
– Lire aussi : L’importance de la psychomotricité dans le développement de tous les enfants
"Il y a encore une méconnaissance de notre métier de la part d’autres professions du secteur"
Le Guide Social : Qu’a révélé cette enquête ?
Massimo Maiorana : Il y a des éléments intéressants. D’abord, parmi les répondant.es, 57% ont un travail salarié et 69% ont un travail indépendant. Parmi les salariés, la moitié a en réalité un statut mix entre temps partiel et indépendant. L’autre moitié est uniquement salariée.
Ensuite, 86% des répondant.es travaillent comme psychomotricien.nes. Pour les autres : la moitié travaille comme intervenant.e ou thérapeute, qui sont des noms plus génériques pour englober différentes professions, et 16 % sont des paramédicaux avec la double casquette de psychomotricien.ne. Ainsi, à peu près 66 % de celles et ceux ne travaillant pas directement comme psychomotricien.ne sont engagé.es parce qu’ils ou elles sont psychomotricien.nes. Il n’y a donc qu’un tout petit pourcentage qui fait autre chose (directeur-trice de crèche, éducateur-trice…).
Pour les salarié.es, 44 % ont trouvé leur poste car il s’agissait d’une place ouverte et 29 % ont créé leur poste, par exemple après un stage. Ce qui montre un certain mouvement positif dans l’ouverture de postes de psychomotricien.nes.
Il est aussi intéressant de noter qu’à peu près 25% des répondant.es trouvent un travail via des sites d’offre d’emploi tel que le Guide Social et un autre quart, grâce au bouche-à-oreille.
La majorité des salarié.es travaillent dans des ASBL, et un bon quart dans des institutions. Alors qu’en tant qu’indépendant.e, la grosse majorité travaille en cabinet privé et le reste en centre paramédical (équipe pluri) ou auprès d’ASBL.
Ce qui ressort des impressions des psychomotricien.nes : c’est qu’ils et elles ont besoin d’assumer une communication sur leur métier auprès des employeurs mais aussi auprès des autres professions susceptibles de renvoyer des patients vers nous. Il faut faire un travail sur leurs représentations du métier pour que ces derniers voient notre intérêt. Il y a donc encore une méconnaissance de notre métier de la part de certains de ceux qu’on appelle envoyeurs. Mais cela dépend des régions et l’union est en train d’y réfléchir et d’y travailler.
En tant que psychomotricien.nes, cela nous invite à nous mettre au travail pour avoir des représentations claires au sujet de notre métier pour les communiquer plus facilement aux autres professions et nous assurer de la bonne compréhension.
Objectif élections 2024 !
Le Guide Social : Que dit cette enquête sur la question de la reconnaissance ? En quoi est-elle importante ?
Massimo Maiorana : Après la crise, nous avons eu une augmentation de 10% des psychomotricien.nes qui ont été confronté.es à des envoyeurs qui ne trouvaient pas de psychomotricien.ne. Ce qui prouve qu’une fois que les envoyeurs connaissent notre métier il y a un engouement, de la collaboration, de la demande. Des besoins ne sont pas révélés car nous ne sommes pas reconnu.es.
De plus, il y a déjà une dynamique positive par rapport à l’ouverture de postes, qui pourrait être facilitée par la reconnaissance.
En ce qui concerne le remboursement, il y a déjà des mutuelles qui nous soutiennent et qui remboursent en partie nos séances. Toutefois, la reconnaissance permettrait d’entamer des discussions avec l’Inami et les partenaires.
En tant qu’UPBPF, la reconnaissance nous permettrait d’avoir un poids en plus au niveau politique et des administrations pour l’ouverture de postes, l’intégration dans des équipes, etc.
Pour donner un exemple concret : dans le cadre de l’éducation/prévention, la ministre Maggie De Block a confirmé que la non-reconnaissance ne nous empêchait pas de travailler dans ce secteur. Ce qui nous a permis, grâce au soutien du cabinet de la ministre Linard, d’être intégré.es dans les tables rondes autour de la réforme MILAC, aboutissant à une intégration des psychomotricien.nes dans l’équipe psycho-médico-sociale de la petite enfance. Nous aimerions la même dynamique dans les autres secteurs. Grâce à la reconnaissance, les psychomotricien.nes pourraient être directement intégré.es pour l’ouverture de postes, l’attribution des subsides…
– Lire aussi : Petite enfance : l’ONE dresse un état des lieux
Un autre exemple : pendant crise du COVID, nous n’avons pas être intégré.es dans la plateforme de première ligne à cause de la non-reconnaissance.
Le Guide Social : Que va-t-il se passer maintenant ?
Massimo Maiorana : Nous relançons nos collaborations avec la FEF et nous allons établir un plan stratégique. Sachant que nous sommes dans la perspective des élections 2024.
Propos recueillis par Caroline Bordecq
– Découvrez notre dossier dédié au métier de psychomotricien !
Ajouter un commentaire à l'article