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Le KCE plaide pour la mise en place d'un parcours de soins prénatals

06/02/20
Le KCE plaide pour la mise en place d'un parcours de soins prénatals

Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) propose de structurer le suivi de la grossesse par un « parcours de soins prénatals » tissé autour de chaque femme enceinte et adapté à ses besoins spécifiques. Les futurs parents ne trouvent pas toujours facilement leur chemin dans l’offre de soins existante, et certaines femmes enceintes passent encore entre les mailles du filet de sécurité que constitue la prise en charge professionnelle. D’autres, par contre, sont sur-suivies.

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la grossesse et la naissance devraient constituer, pour chaque femme, une expérience positive et épanouissante. Or si c’est bien le cas pour beaucoup d’entre elles, c’est loin d’être le cas pour toutes. Dans notre pays, il y a encore des femmes pour qui la grossesse ne se déroule pas dans les meilleures conditions. Le système de soins prénatals se doit pourtant d’être universel, c’est-à-dire qu’il ne doit laisser personne sur le bord du chemin.

Afin de mettre au point un « parcours de soins prénatals » optimal qui serait accessible à toutes les femmes, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) a analysé l’organisation actuelle de ces soins et a interrogé les principaux intéressés, à savoir les parents d’une part, les professionnels des soins prénatals d’autre part. Il a également analysé les systèmes mis en place dans d’autres pays (Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, France et Suède) afin de repérer des exemples de bonnes pratiques transposables chez nous.

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Une offre de soins riche, mais complexe

Le système belge actuel propose une offre de soins variée, assurée par des professionnels qualifiés, et ce dans différents contextes (hôpitaux, cabinets privés, etc.). Elle peut toutefois sembler complexe.

Pour le suivi clinique (surveillance du poids et de la tension artérielle, analyses de sang et d’urine, dépistages divers…), les futurs parents ont le choix entre un suivi médical (gynécologue ou médecin généraliste), un suivi par une sage-femme, ou encore une combinaison des deux. Ces différents modèles de soins sont présents dans les autres pays également et les études scientifiques montrent que leur sécurité est équivalente (pour les grossesses à bas risque). Les médecins généralistes sont moins impliqués que par le passé dans les suivis de grossesse à proprement parler, mais ils restent évidemment les médecins traitants de la (future) famille.

Les séances de préparation à l’accouchement et à la parentalité sont du ressort des sages-femmes et/ou des kinésithérapeutes (NB : l’étude se limite aux approches reconnues et remboursées par la sécurité sociale). Elles peuvent se faire en séances individuelles ou en groupe (ces dernières uniquement remboursées si dirigées par des sages-femmes).
Enfin, l’accompagnement médico-social est essentiellement proposé par les organismes spécialisés tels que l’ONE (Wallonie-Bruxelles), Kind&Gezin (Flandre-Bruxelles) et Kaleido (communauté germanophone). À côté de ces institutions, il existe également des initiatives locales d’accompagnement des femmes enceintes en situation de vulnérabilité.

Des (futurs) parents parfois désorientés

Face à cette offre d’apparence complexe, les futurs parents se sentent parfois submergés d’informations contradictoires. Ils ne réussissent pas toujours à trouver des réponses à leurs inquiétudes et à leurs questions auprès des professionnels rencontrés.
Ils apprécient les séances de préparation à l’accouchement et à la parentalité, surtout en petits groupes. On perçoit toutefois une certaine confusion entre les activités prénatales proposées par des professionnels de la santé et par d’autres acteurs en dehors du cadre des soins de santé (musique, yoga, etc.), entre ce qui est nécessaire et ce qui est accessoire, et entre le suivi clinique de la grossesse et la préparation à l’accouchement. Cette confusion peut mener à des malentendus et à des déceptions.

Les futurs parents disent aussi se sentir souvent démunis devant les démarches administratives à effectuer. Enfin, il est à remarquer que la préparation du post-partum n’est pas encore proposée systématiquement à tous les futurs parents. Pourtant, déjà en 2015, le KCE avait souligné que la réduction de la durée du séjour en maternité devait s’accompagner d’une meilleure préparation du suivi postnatal pendant la grossesse (Rapport KCE 232).

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Trop ou trop peu de visites prénatales ?

Les recommandations belges en matière de suivi de grossesse (Rapport KCE 248) prévoient, pour une grossesse « à bas risque », 7 consultations prénatales (10 s’il s’agit d’un premier enfant). Trop de femmes enceintes passent encore entre les mailles de ce filet de sécurité : 4% de celles qui sont couvertes par l’assurance maladie restent en dessous du seuil de 7 consultations, et 3% n’ont aucun contact avec un professionnel de santé pendant les 20 premières semaines de leur grossesse.
À côté de cela, on observe aussi qu’une grande partie des femmes enceintes se rendent à plus de 10 consultations prénatales au cours leur grossesse. Il y a donc à la fois sous- et surconsommation de soins.

L’exemple des autres pays

Les pays dont le KCE a étudié les soins prénatals ont (quasi) tous mis en place des « parcours de soins intégrés ». Cela signifie que, pour chaque grossesse débutante, un « plan de soins » est établi en concertation avec la future mère, qui couvre tous les aspects du suivi prénatal et de l’accouchement, et jusqu’aux six premières semaines après la naissance. Un tel plan permet d’aborder les nombreux choix qui peuvent se poser aux futurs parents, tels que la nécessité de tests de dépistage, le lieu de l’accouchement, la manière d’accoucher, le mode de prise en charge de la douleur, etc. Le plan de soins tient évidemment compte des éventuels risques spécifiques de la future mère (qu’ils soient de nature médicale, psychologique ou sociale) et précise la répartition des responsabilités entre les différents professionnels qu’elle a choisis. Toutes les étapes importantes de la grossesse et les rendez-vous nécessaires y sont inscrits et une personne de contact unique est désignée – également chargée de coordonner l’ensemble du parcours.

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Vers un parcours de soins intégré

Les auteurs du rapport publié aujourd’hui par le KCE ont élaboré, en concertation avec les acteurs de terrain et les associations professionnelles, un modèle de parcours de soins adapté aux habitudes en cours dans notre pays. Ils se sont basés sur ce qui existe déjà et y ont ajouté les éléments identifiés comme manquants au cours de leur analyse. Ce parcours de soins devrait être proposé à toutes les femmes enceintes, quel que soit le niveau de risque de leur grossesse. Si l’on identifie chez elles des risques médicaux ou des vulnérabilités psycho-sociales, d’autres interventions pourraient s’y ajouter. Du « sur-mesure », en quelque sorte.

Ce parcours engagerait, en fonction des besoins, différents professionnels de santé : gynécologue, sage-femme, médecin généraliste, kinésithérapeute, psychologue et travailleurs sociaux, qu’ils exercent en milieu hospitalier ou ambulatoire. Au centre de ce « maillage », un coordinateur – désigné parmi les professionnels choisis par la future mère – veillerait à ce qu’aucune étape ne soit oubliée. Les futurs parents pourraient s’adresser à ce coordinateur en cas de problèmes ou de questions. Un dossier électronique partagé servirait de support à la communication entre les différents professionnels impliqués ; il devrait tirer avantage des initiatives déjà existantes en matière de dossier patient informatisé.

La consultation de conseil prénatal personnalisé

Tout ce qui précède existe déjà ; le « parcours de soins » vise surtout à intégrer l’ensemble en une suite cohérente et optimale, ce qui permettrait à la fois de ne rien oublier et d’éviter les doubles emplois. Le KCE, inspiré des modèles étrangers, y ajoute toutefois des consultations de « conseil prénatal personnalisé » (CPP).

Le but de ces CPP est de mettre toutes les cartes dans les mains des futurs parents pour qu’ils puissent piloter en connaissance de cause l’organisation de leur suivi de grossesse, de l’accouchement et des premières semaines de vie de leur enfant. Elles devraient permettre aux futurs parents de mieux définir un trajet sur-mesure selon les besoins, et de limiter les consultations inutiles. La première CPP devrait avoir lieu au début de la grossesse. Elle servirait à fournir toutes les informations (scientifiquement fondées) nécessaires, à désigner les professionnels qui accompagneront tout leur parcours, à détecter d’éventuelles fragilités psycho-sociales, et, en fin de compte, à rédiger le fameux plan de soins. Une deuxième CPP pourrait se tenir au cours du 3e trimestre, pour finaliser les derniers détails concernant l’accouchement et le post-partum.

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Évaluer la qualité et mieux définir les responsabilités

Enfin, le rapport du KCE demande également qu’une série de mesures soient prises, notamment en matière d’évaluation de la qualité de la prise en charge prénatale, de définition des responsabilités de chaque prestataire et de financement des soins, pour permettre aux professionnels de santé constituant le « maillage » de collaborer en bonne intelligence autour de la femme enceinte.



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