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Les effets du Coronavirus : "62% des infirmiers risquent un burnout"

04/05/20
Les effets du Coronavirus:

Le 21 avril dernier, la SIZ nursing (société des infirmiers(e) de soins intensifs de Belgique) lançait une étude sur l’impact de la pandémie Covid-19 sur la vie privée et professionnelle de l’ensemble des infirmières et infirmiers en Belgique francophone. Plus de 3.500 infirmiers(e) ont déjà répondu. Les résultats sont alarmants : parmi les répondants, 20% ont un score élevé de perte d’accomplissement personnel, 33% ont un score élevé de déshumanisation et 46% ont un score élevé d’épuisement professionnel.

Les deux chercheurs doctorants, Pierre Smith et Arnaud Bruyneel, ont utilisé un outil validé au niveau international pour mesurer la prévalence de burnout au sein du personnel infirmer, le Maslach Burnout Inventory. Cette échelle est composée de trois dimensions, l’épuisement émotionnel, la déshumanisation et la perte d’accomplissement personnel. Un score élevé dans une des trois dimensions étant considéré comme suffisant pour parler de risque de burnout. Parmi les répondants, 20% ont un score élevé de perte d’accomplissement personnel, 33% ont un score élevé de déshumanisation et 46% ont un score élevé d’épuisement professionnel (voir graphique). En tenant compte des trois dimensions, 62% des infirmiers(e) qui ont répondu à l’enquête peuvent être considérés à risque de burnout.

Ce risque de burnout n’est pas le même pour tous les infirmier(e). En effet, 68% des infirmiers sont à risque de burnout en comparaison à 61% des infirmières. Les infirmiers(e) plus jeunes ou avec moins d’années d’ancienneté présentent aussi des prévalences plus élevées de risque de burnout.

Les maisons de repos et les urgences fortement touchées

Le risque de burnout du personnel infirmier est aussi directement lié à la pandémie covid-19 et à leurs conditions de travail. Certains services de santé sont en première ligne face à l’épidémie de covid-19 et/ou prennent en charge des patients particulièrement à risque face au virus. Le personnel infirmier de ces services est donc plus exposé aux conséquences de l’épidémie et présentent une prévalence accrue de risque de burnout. Par exemple, la prévalence de risque de burnout atteint 69% chez les infirmiers(e) des maisons de repos et de soins et 68% chez les infirmiers(e) des services d’urgence des hôpitaux.

Ce risque de burnout est aussi associé à la charge de travail du personnel infirmier depuis le début de l’épidémie de covid-19. En effet, 70% des répondants déclarent que leur charge de travail a augmenté suite à l’épidémie et ces infirmiers(e) ont 83% fois plus de chance d’être à risque de burnout en comparaison aux infirmiers(e) dont la charge de travail est restée la même. La prévalence de risque de burnout augmente aussi avec le nombre de patients porteurs du covid-19 qu’ils ou elles doivent prendre en charge ainsi qu’avec le nombre de décès de patients liés au virus dans leur service. Par exemple, les infirmiers(e) dont la moitié des patients sont porteur du covid-19 ont 26% plus de chance d’être à risque de burnout en comparaison aux infirmiers(e) travaillant dans des services sans patient porteur du covid-19. Aussi, 20% des infirmiers(e) déclarent que dans leur service, un patient porteur du covid-19 sur quatre est décédé et ces infirmiers(e) ont 85% plus de chance d’être à risque de burnout en comparaison aux infirmiers(e) qui ne déclarent aucun décès de patient dans leur service.

Le manque de protection, facteur aggravant

La part du personnel infirmier à risque de burnout augmente aussi s’ils n’ont pas l’équipement de protection adéquat et en suffisance face au covid-19 dans leur service. En effet, en l’absence de matériel adéquat et en suffisance, les infirmiers(e) ont 65% plus de chance d’être à risque de burnout. Malheureusement, 61% des répondants expriment qu’ils n’ont pas le matériel adéquat et en suffisance dans leur service face au covid-19 et ce pourcentage monte à 66% dans les maisons de repos et de soins, 71% dans les centres de revalidation et de rééducation, 74% dans les services psychiatriques hospitaliers et 81% dans les soins infirmiers à domicile.

Enfin, cette prévalence de risque de burnout est aussi associée au ratio moyen de patients par infirmier(e), c’est-à-dire au nombre de patients par infirmier. Nos résultats montrent qu’un ratio plus élevé et donc un nombre plus élevé de patients par infirmier(e) est associé à une augmentation du risque de burnout. D’autres études internationales ont aussi montré qu’un faible ratio, donc un nombre limité de patients par infirmier(e) était associé à une meilleure qualité des soins et à une diminution de la mortalité des patients.

Des mesures pour éviter d’aggraver la pénurie

En Belgique, en janvier 2020, le KCE (rapport 325B) préconise que des moyens supplémentaires soient investis chaque année, de façon structurelle, et que l’on veille à ce qu’ils soient utilisés efficacement pour augmenter le nombre d’infirmier par patient dans les services où c’est le plus nécessaire. Les hôpitaux doivent rendre l’environnement de travail attrayant, sûr et agréable pour leur personnel infirmier et les décharger des tâches pour lesquelles ils sont surqualifiés. Ces mesures permettront de diminuer le risque de burn-out et de rendre la profession plus attrayante, avec l’espoir d’attirer (à nouveau) de nouvelles recrues.

Avec le ralentissement de l’épidémie et le déconfinement, les consultations et interventions non urgentes vont reprendre dans les hôpitaux ainsi que dans les soins extrahospitaliers. Dans ce contexte, la SIZ Nursing recommande de prendre en compte la santé mentale et physique des infirmiers et infirmières afin d’éviter d’aggraver la pénurie d’infirmière. La mise à disposition de matériel adéquat et en suffisance face au covid-19 ainsi qu’un nombre suffisant d’infirmiers(e) dans les services nous semble être des prérequis non négociables pour la santé du personnel infirmier et de leurs patients. De plus, elle préconise également une valorisation urgente de la profession comme une prime de risque dans ce contexte de crise sanitaire ET des changements structurels durables pour les infirmières (mémorandum de l’Union Générale des Infirmiers de Belgique).

L’enquête est ouverte jusqu’au 11 mai sur le site de la SIZ nursing : http://www.siznursing.be/questionnaire-sur-le-covid-19-et-les-infirmiers/

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