Prestations de nuit des éducateurs : le nouveau décret a ses limites…

Les conditions de travail des éducateurs en internat, homes d’accueil et CDPA ne sont pas idylliques. En cause ? La faible rémunération du temps de travail presté la nuit et le manque d’encadrement en termes de personnel. Pour changer la donne, la Fédération Wallonie-Bruxelles a pris un décret, entré en vigueur ce 1er septembre. Pour le député Rodrigue Demeuse, la réforme ne résout pas tous les problèmes rencontrés. « S’il octroie le paiement de 4h de nuit pour 8 heures prestées, il ne prévoit aucune embauche compensatoire malgré la réduction de 2h ou plus par semaine de prestation, ce qui risque d’aggraver une situation déjà très tendue sur le terrain », alerte-t-il.
Jusqu’il y a peu, le régime de travail des éducateurs qui œuvrent notamment en internat était régi par un arrêté royal remontant au 8 avril 1959. Un texte qui n’était plus en adéquation avec les conditions de travail de ces professionnels, tant au niveau du public de jeunes accueillis qu’au niveau de l’encadrement nécessaire au bon exercice de la fonction. « Ainsi, jusqu’il y a peu, les prestations de nuit, d’une durée de 9 heures, étaient comptabilisées comme 3 heures et rémunérées comme telles », a rappelé le député écologiste Rodrigue Demeuse, en séance du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Il a rajouté : « Ces heures, considérées comme dormantes, sont pourtant loin de l’être et supposent en tout état de cause une présence sur le lieu de travail et une disponibilité pour les jeunes. Il arrive par ailleurs que certains éducateurs enchaînent jusqu’à 4 nuits et cumulent parfois jusqu’à 60 heures de travail par semaine. Ils ne disposent visiblement pas non plus des 11 heures de repos obligatoires entre deux prestations et ne peuvent prendre aucune pause légale. Enfin, compte-tenu du non-remplacement immédiat des absents, un éducateur peut, semble-t-il, se retrouver seul pour gérer jusqu’à 60 jeunes répartis sur plusieurs étages. »
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« 4 heures par nuit restent impayées »
Un constat des plus interpellant qui a poussé la Fédération Wallonie-Bruxelles à prendre un nouveau décret, modifiant ainsi l’arrêté royal du 8 avril 1959, afin que la législation colle davantage aux réalités du terrain. Pourtant, selon Rodrigue Demeuse, cette réforme, entrée en vigueur le 1er septembre dernier, ne résout malheureusement pas l’ensemble des problèmes rencontrés.
Le député a salué une des nouvelles mesures : le paiement de 4 heures de nuit pour 8 heures prestées. Par contre, il a déploré avec force que le nouveau texte n’envisage nullement une embauche compensatoire malgré la réduction de 2 heures ou plus par semaine de prestation. Une situation qui, pour lui, risque d’aggraver une situation déjà plus que tendue sur le terrain… « Comme le précise la récente circulaire du 10 juillet 2019 sur les gardes dormantes, 4 heures par nuit restent en outre impayées et aucune limite au nombre d’heures ou de nuits d’affilée prestées par semaine n’est prévue, si ce n’est 2 gardes par semaines et 48 heures, mais sur une période de référence extrêmement longue de 10 mois », a-t-il analysé. « Aucune pause légale n’est en outre prévue, pas plus que le respect de la période de 11 heures entre deux services. »
Face à cette situation, l’écologiste a interpellé Caroline Désir, la nouvelle ministre de l’Education. Il a ainsi tenu à savoir si le gouvernement communautaire avait notamment prévu des embauches pour compenser la diminution de cadre liée à la réduction du nombre d’heures prestées la nuit. « Si non, comment allez-vous organiser concrètement la situation sur le terrain pour que les éducateurs ne voient pas leurs conditions de travail se dégrader encore ? », a-t-il également demandé, avant de rajouter : « En outre, la circulaire du 10 juillet 2019 sur les gardes dormantes prévoit que la limite de trois nuits de garde et de 48 heures par semaine peut être dépassée en cas de circonstances exceptionnelles. Que qualifiez-vous de « circonstances exceptionnelles ? »
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Les circonstances exceptionnelles doivent être motivées
Concernant les fameuses circonstances exceptionnelles, la ministre socialiste a pointé qu’elles « permettent à un administrateur d’internat, d’un home d’accueil, d’un home d’accueil permanent et/ou à un directeur d’un CDPA, de porter les prestations de nuits à maximum quatre par semaine au lieu de trois. Elles n’ont pas été définies par le législateur afin de garder la liberté à chaque administrateur et/ou directeur de gérer le fonctionnement de son établissement. » Par contre, elle a tenu à rassurer les professionnels concernés. Ainsi, elle a fait savoir que ces circonstances exceptionnelles doivent être dûment motivées par l’administrateur et/ou le directeur. De plus, elles devront au préalable être constatées par le COCOBA, soit le Comité de concertation de base.
« Les nuits dormantes des éducateurs d’internats et de homes d’accueil doivent être entièrement comptabilisées comme du temps de travail et ne peuvent plus n’être comptabilisées que pour trois heures de service », a-t-elle annoncé. « Toutefois, l’impact budgétaire important de la mise en application de la jurisprudence belge et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes nécessite de procéder d’une manière progressive. Dès lors et dans un premier temps, la nuit prestée par un éducateur d’internat, de home d’accueil et/ou de CDPA sera comptabilisée pour quatre heures de service au lieu des trois heures actuelles. »
Et quid des possibles engagements ? Ils ne sont pas à l’ordre du jour. « Le nombre d’éducateurs nécessaires pour le réseau WBE est d’environ 75 équivalents temps plein », a indiqué la mandataire politique. « Ce nombre est parfaitement en adéquation avec les prévisions d’impact budgétaire ayant présidé à l’adoption des mesures envisagées. »
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