Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

"Mon job ? Offrir un soutien émotionnel aux mineurs étrangers non-accompagnés”

Le Guide Social est parti à la rencontre d’Aline Van Aerschot, coordinatrice du nouveau Centre d’Observation et d’orientation Fedasil à Auderghem. Le bâtiment fraîchement acquis est une ancienne maison de repos d’une centaine d’années auquel on accède par un petit chemin dans un environnement boisé. Bel environnement, inspirant. Aline Van Aerschot nous accueille grand sourire après la gestion de quelques impératifs logistiques. Echange énergique et passionné d’une assistante sociale qui a trouvé sa voie auprès des mineurs étrangers non-accompagnés.

Le nouveau centre d’observation d’Auderghem est ouvert depuis quelques mois. L’ancienne maison de repos présente des dispositifs adaptés à l’accueil des mineurs étrangers non-accompagnés (MENA) mais demande tout de même certains réaménagements. Cette effervescence des premiers moments d’occupation d’un nouveau lieu, nous saute à la figure dès que l’on met un pied dans le hall.

On voit des travailleurs avec des câbles, d’autres qui portent des chaises, d’autres qui s’arrêtent dans le couloir pour définir comment la manière d’accrocher une lampe... et en fond sonore, de la musique qui sort de portables. Les jeunes sont par petits groupes et échangent, rient aux images qui défilent sur leurs téléphones : moment de temps libre après le repas et avant les activités de l’après-midi. C’est dans cet atmosphère vivante qu’Aline Van Aerschot, 28 ans, nous dirige dans une salle avec vue sur les arbres qui entourent le bâtiment.

Des voyages humanitaires... un déclic

Aline van Aerschot a réalisé un bachelier en Sociologie et Anthropologie à Louvain-la-Neuve qu’elle a agrémenté par un Master en Sciences politiques en relations internationales à finalité actions humanitaires. Via cette formation, elle est partie en stage au Burkina Faso pendant trois mois : "J’étais déjà intéressée par le social et par la géopolitique, les conflits, les autres cultures..."

Le stage se finalise par une désillusion du travail en ONG malgré l’intérêt pour les problématiques humanitaires et internationales mais pour Aline van Aerschot, "il y avait trop d’administratif. J’avais très peu de contacts avec la réalité du terrain alors que c’est ça qui me plaît. J’étais fort derrière mon bureau à rédiger des dossiers, de demandes de fonds... et je me disais “mais je n’ai pas besoin d’être ici en Afrique pour faire ça, je pourrais très bien le faire derrière mon ordinateur en Belgique."

Le retour en Belgique est synonyme de crise et de nouveau départ pour l’étranger. Le manque d’action avait remis en doute l’avenir auquel se promettait la jeune fille. La solution a été de partir un an en Asie et en Europe, " histoire de me recentrer sur ce que je voulais faire."

Les MENA, le coup de cœur

Ce voyage confirme l’envie de concret que recherche la jeune femme dans son activité professionnelle. Ainsi, elle entame des études d’assistante sociale et tout a été très vite : "Au bout d’un mois d’étude, il y a eu un stage que j’ai fait dans un centre Fedasil d’observation et d’orientation pour les MENA et ça a été le coup de cœur. C’était exactement ce que je recherchais. Ça combinait : l’international, le brassage des cultures et un suivi très concret. Je gérais des dossiers et je mettais en place des activités avec les jeunes."

Et la multiplicité des missions qu’entraîne le poste correspond tout à fait à son tempérament : "C’était une super fonction qui touchait à plein de choses et qui me permettait d’être en contact direct avec les jeunes. J’ai donc arrêté mes études car j’avais trouvé le travail qui m’intéressait. J’y ai travaillé pendant deux ans et demi comme travailleuse sociale. C’était deux ans et demi très intense. Le public des MENA est un public spécifique, avec des besoins et des demandes particulières, une approche spéciale. Tout cela m’a vraiment plu."

Un nouveau challenge professionnel : devenir coordinatrice

Cette expérience s’en est suivie d’une nouvelle au Centre du Petit Château. Nouveau lieu, nouveau public. Le Petit Château est un centre d’arrivées pour demandeurs de protection internationale adultes : "Cela a été l’occasion d’apprendre une quantité d’éléments. Ces hommes sont tous demandeurs d’asile, donc mes missions étaient de suivre les procédures et de détecter les vulnérabilités."

Au bout de quelques mois, une nouvelle tombe : un centre d’observation et d’orientation Fedasil va ouvrir ses portes. L’agence fédéral pour l’accueil des demandeurs d’asile est donc à la recherche d’un.e coordinateur.rice : "C’était tout à fait naturel pour moi de postuler comme coordinatrice car j’avais envie de retourner avec les MENA. Et c’était d’autant plus excitant car c’est un tout nouveau centre. C’est un projet incroyable de créer un nouveau centre presque de A à Z, de pouvoir proposer ses idées. J’avais ce besoin d’action, de mettre en place des choses, d’organiser... J’avais envie aussi de tester une nouvelle fonction et voir si ça me plaisait de gérer une équipe. Cela implique un retrait du terrain, mais on verra, c’est un test."

Un défi passionnant mais exigeant

Ce poste lui donne la responsabilité du service social et médical à travers la gestion de l’équipe d’assistants sociaux et de l’infirmière du centre. En tant que coordinatrice, le contact avec les jeunes est différent, une certaine distance s’instaure du fait des missions différentes attachées au poste. Aline Van Aerschot n’est plus référente, elle n’a plus en charge les dossiers personnels qui "instaurent une relation spéciale, qui peut parfois être très forte." Mais elle trouve la source de son enthousiasme ailleurs : " Ce nouveau défi me donne envie ! D’autant plus auprès d’un public que j’adore. A Fedasil, j’ai retrouvé l’étranger, le terrain qui venait à moi. Quand on entre dans un centre, on a l’impression de voyager, on entend une série de langues, de musiques différentes, on goûte de la nourriture différente...c’est vraiment incroyable. Je m’épanouis beaucoup dans ce travail."

Le contexte de notre échange est d’autant plus empli d’excitation et d’énergie puisque le centre était ouvert depuis quelques semaines seulement : "On est au début donc il y a beaucoup de boulot et de galères mais nous sommes une équipe super motivée, on se serre les coudes, tout le monde est content d’être là. L’énergie est vraiment positive."

La capacité d’accueil est de 60 jeunes avec un turn-over important car ce nouveau centre est un Centre d’Observation et d’orientation (COO) de première ligne, spécifique aux MENA. Aline Van Aerschot nous en dit plus : " Il propose un accueil temporaire au tout début du parcours des jeunes qui sont identifiés sur le territoire belge comme MENA. Notre mission est de comprendre la situation, ce qui l’est possible de faire pour réorienter les jeunes vers des structures adéquates en fonction de leurs besoins. C’est donc comme un centre de transit. Et c’est très intense car les tous les jours de nouveaux jeunes arrivent, les situations sont toujours différentes. C’est ce que j’aime car ça change tout le temps mais c’est vrai que c’est difficile aussi car on ne crée jamais de liens très durables avec les jeunes. Il y a donc un côté un peu usant d’avoir un groupe qui se renouvelle sans cesse."

Le rôle de l’assistante sociale auprès de MENA

En tant qu’assistante sociale, les missions d’Aline Van Aerschot étaient de créer un projet de transfert avec et pour les jeunes en fonction de leur situation et besoins. En plus des entretiens individuels, elle participait aux activités avec les jeunes : "Cela permet d’avoir deux sortes de lien avec les jeunes, plus formel avec les entretiens et plus informel lors des activités comme aller jouer au foot, aller à la mer… Lors des entretiens, mon rôle était d’informer les jeunes de ce qu’il va se passer pour eux, les renseigner à propos du parcours d’accueil, des procédures et de rechercher une éventuelle famille ici. Les jeunes cherchent en général à se régulariser en Belgique et donc notre rôle est de leur donner toutes les informations concernant la demande d’asile. Enfin, je rendais un rapport concernant les jeunes que je suivais et que je transmettais au prochain centre pour faciliter leur passage en deuxième ligne."

Aujourd’hui, son rôle est différent : "Une des fonctions les plus importantes de coordinatrice est de prendre soin de son équipe, de la soutenir, d’être attentive à ce que chacun puisse mener à bien son travail. Je suis l’huile dans les rouages : voir si tout se passe bien. Je gère les petits problèmes logistiques et fait le lien entre les différents services du centre mais aussi avec ceux de l’extérieur, en dehors du centre., par exemple avec l’office des étrangers, avec le service des tutelles, avec des avocats, avec les centres de la Croix-Rouge, d’Aide à la jeunesse..."

Face à ce public, la gestion des émotions est essentielle

Quand on parle du processus de demande d’asile, difficile de ne pas penser à l’attente d’une réponse positive ou négative concernant l’octroie du statut. Cependant, le centre de première ligne qu’est le COO n’est pas confronté à ce genre de situation mais doit gérer une procédure qui comporte aussi son lot d’émotions : les tests osseux : "Nous avons à faire les tests d’âge. En tant que MENA, ils.elles doivent se confronter à un processus d’authentification car l’état belge émet un doute sur leur âge. Parfois ce genre de décision ne sont pas faciles à annoncer car il arrive souvent que les jeunes soient déclaré.e.s majeur.e.s. Ce sont des moments difficiles car c’est une mauvaise nouvelle mais cela fait partie du travail d’assistante sociale."

Et face à ces moments difficiles, la gestion des émotions est primordiale. Pour Aline Van Aerschot, la mise à distance a pris quelques mois à se mettre en place, sans qu’elle s’en rende compte réellement. Pour elle, pas de secret mais de l’apprentissage.

Mais le plus important pour la jeune coordinatrice est l’idée du coup de cœur. Le public MENA en a été un pour elle. Travailler à leur contact l’enrichit et donne du sens : "C’est un milieu et un public très spécifiques pour lesquels on a un coup de cœur ou pas. Si on ne l’a pas, ça risque d’être difficile. Je le dis tout le temps, j’ai le plus beau métier du monde, j’ai une chance incroyable. Pour travailler dans un CO, il faut aimer travailler avec des cultures différentes. Le plus gros challenge, c’est la communication, comment échanger avec des jeunes qui ne comprennent pas du tout la langue, qui n’ont pas les mêmes repères que nous… C’est important d’être inventif. Et il faut avoir une vraie énergie car c’est un travail très intense !"

Un métier aussi magique que difficile...

Cette vocation est d’autant plus importante dans un contexte de travail peu valorisé où les moyens manquent : "Après je reconnais que les conditions de travail sont dures. Le boulot est magique mais il est réalisé dans des conditions assez lourdes et je trouve cela dommage car ce public est incroyable. De ces conditions difficiles découle cette nécessité de vocation, de passion car elles produisent l’énergie dont nous avons besoin. Nous sommes un soutien émotionnel pour des jeunes qui ont vécu des choses vraiment difficiles, qui sont en pleine adolescence, en souffrance et seuls dans une culture différente. Cela implique un don émotionnel important car ce sont avant tout des jeunes, des adolescents qui parfois ont des besoins affectifs et nous devons être capable de l’apporter."

Le manque de moyens dont souffre ce genre de structures se répercutent sur les équipes de travailleur.se.s mais aussi sur les usager.ère.s : "Je pense que le travail d’AS en lien avec les réfugiés n’est pas assez valorisé. Nous avons très peu de moyens par rapport à ce qui nous ai demandé, aux besoins considérables qu’ont ces jeunes… Et c’est frustrant de ne pas avoir les moyens nécessaires à leur bonne intégration. Cette situation se répercute sur les résidents aussi. Tout le monde en souffre. Cependant nous menons à bien notre mission en dépit des moyens que l’on nous octroie. Tout repose sur les personnes qui composent les équipes qui s’investissent énormément pour combler ce manque. Les travailleur.euse.s sont les clés. Je leur dis vraiment chapeau car c’est grâce à eux qu’on réussit notre mission."

En tout cas, l’enrichissement personnel qu’apporte ce travail annihile les côtés sombres. Aline Van Aerschot enfonce le clou en concluant avec un sourire et des étoiles dans les yeux : "C’est un boulot passionnant, il n’y a aucune routine. Si on aime le contact avec les autres, le métier d’assistant.e social.e est incroyable. Son essence est tellement riche : les rencontres humaines."

A.T.

Et pour aller plus loin :

[Regardez]

[Ecoutez]

 La totalité du podcast de Fiona, assistante sociale dans le secteur du sans-abrisme en cliquant sur ce lien

 La totalité du podcast d’Aurélie, assistante sociale dans le secteur carcéral en cliquant sur ce lien

[Découvrez les fiches métiers dédiées à la profession d’assistant social] :
 Formation, débouchés, contrats… : découvrez le métier d’assistant social
 Quelle formation pour devenir assistant social en Belgique ?
 Quel est le salaire d’un assistant social en Belgique ?
 Vous êtes travailleur social et vous souhaitez intégrer un CPAS ? Voici tout ce que vous devez savoir !
 L’importance de la déontologie pour l’assistant social
 Quel est le travail de l’assistant social de CPAS en ILA ?

[Découvrez les autres témoignages d’AS] :
 "Je suis fière lorsque je peux aider une personne à atteindre ses objectifs"
 "Le travail en planning familial ? Il n’y a pas de routine !"
 Assistantes sociales indépendantes : "Pour retrouver l’essence de notre métier"
 Fiona, assistante sociale : une reconversion professionnelle au service des SDF
 "Le métier d’assistant social n’est pas un sacerdoce"
 "Je ne pensais pas qu’on pouvait avoir autant d’impact dans la vie des gens"
 "Assistant social de formation, je suis devenu directeur d’une maison d’accueil"

[Découvrez les autres professions du secteur psycho-médico-social] :
 Les témoignages
 Les fiches métiers



Ajouter un commentaire à l'article





« Retour