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"Assistant social de formation, je suis devenu directeur d’une maison d’accueil"

Corentin Letocart, 34 ans et originaire de Mons, est assistant social de formation et directeur depuis 2018 de la maison d’accueil @ Home 18-24 pour jeunes hommes sans-abris à Bruxelles. Dans cette carte blanche, il nous livre son parcours, son quotidien et pourquoi il aime tant mon métier. Témoignage inspirant d’un assistant social devenu directeur d’une maison d’accueil  !

 Découvrez la campagne : "J’aime mon métier" : un focus sur les professionnels du social et de la santé

Dès mon adolescence, j’ai de suite su que je voulais faire un métier pour venir en aide aux personnes et très vite l’aide aux sans-abris a été pour moi une voie.

C’est tout naturellement que je me suis dirigé vers les études d’assistant social à l’ISSHA à Mons. Durant ces années, j’ai eu l’occasion de découvrir une profession, des professeurs motivés, d’autres étudiant(e)s et mieux encore ma femme qui est également assistante sociale.

Etant donné que l’aide aux sans-abris était pour moi ma destinée, j’ai pu faire en sorte de réaliser mon stage de 3eme année au sein d’une maison d’accueil à Mons  : la Maison d’accueil Saint-Paul à destination des hommes seuls.

Le secteur du sans-abrisme, une évidence

Dès l’obtention de mon diplôme en 2011, j’ai eu la chance de pouvoir directement être engagé comme assistant social au sein de la maison d’accueil Saint-Paul et plus précisément en intégrant le service d’accompagnement extérieur. C’était donc mon premier contrat mais celui-ci était de remplacement, le temps que l’assistante sociale revienne de son repos d’accouchement.

Etant donné que je devais trouver un autre emploi mais qu’en plus de cela, je n’avais qu’une envie, continuer dans ce secteur, j’ai postulé dans différentes structures d’aides aux sans-abris en Wallonie. Il n’y avait aucune place vacante et je me suis donc dirigé naturellement vers la Capitale.

C’est aux Petits Riens que j’ai eu la chance d’avoir un poste de travailleur social au sein de la maison d’accueil des Petits Riens avec la particularité que j’avais la casquette logement (aide à la recherche d’un logement, guidance à domicile, animation…). Quelques mois plus tard, j’ai signé mon contrat CDI toujours aux Petits Riens mais au sein de l’ASBL Un Toit à Soi qui est le service de guidance à domicile des Petits Riens.

Durant ces 6 années au sein de l’ASBL Un Toit à Soi, j’ai non seulement suivi des centaines de personnes (hommes anciens sans abris) en logement avec des moments joyeux (entrées en logement, petites victoires, belles rencontres…) mais également des moments moins drôles tels que des tensions, des échecs ou encore des décès.

J’ai aussi eu l’occasion de développer mon réseau et de proposer différentes animations pour que le public puisse rencontrer d’autres personnes et aussi sortir du train-train quotidien.

J’ai en tête de nombreuses visites de villes à travers la Belgique ou encore des sorties sportives comme le kayak, la marche ou encore le VTT dans les Ardennes. Quel plaisir, tant pour les usagers que pour les travailleurs sociaux, de partager des moments comme ceux-là.

L’envie d’aller plus loin, d’apporter ma petite pierre à l’édifice

Après plusieurs années et autant d’énergie à revendre, j’ai eu l’envie d’aller plus loin, de me dépasser et surtout de pouvoir «  changer les choses  », «  d’apporter ma petite pierre à l’édifice  ».

Cependant, j’étais certain d’une chose  ! J’avais l’envie de rester aux Petits Riens car c’est une boite qui me plait énormément avec plusieurs ressources/services pour venir en aide aux publics (3 maisons d’accueil, un service de guidance à domicile, un centre de jour, un service d’aide général, un service d’aide aux assuétudes…).

C’est suite à une opportunité (poste de direction vacant) et à la confiance de quelques personnes que j’ai pu être engagé comme jeune Directeur de la maison d’accueil @ Home 18-24 à Forest.

A 30 ans, marié et 2 enfants, j’étais totalement épanoui tant dans ma vie privée que professionnelle  !

Ma fonction et mon quotidien

@ Home 18-24 est une maison d’accueil unique en son genre car elle a la spécificité d’accueillir des jeunes hommes sans-abris entre 18 et 24 ans. Au-delà du gîte et du couvert, notre volonté est de mettre l’accent sur la poursuite/reprise des études/formations. La maison est composée de 15 chambres et l’équipe est composée de 7 travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs) et un bénévole pour assurer une présence 24h/24, 7j/7.

Être directeur d’une maison d’accueil ne s’apprend pas en un jour mais j’avais un objectif clair : être le Chef que j’ai toujours rêvé d’avoir à savoir celui qui va dire les choses tant positives que négatives et surtout promouvoir un management bienveillant. Je me suis donc formé, j’ai beaucoup échangé avec d’autres professionnels et j’ai également profité des ressources en interne (l’équipe ou encore les collègues) pour me forger une identité.

Mon quotidien est assez difficile à décrire tant nous sommes régulièrement confrontés à des urgences. Je dois tout d’abord veiller à ce que l’institution puisse fonctionner, à savoir gérer les horaires pour assurer la présence 24h-24, 7j/7. Mon job consiste également à appliquer et faire vivre notre projet pédagogique et assurer le respect des règles au sein de notre structure avec parfois des moments moins funs comme les recadrages.

Je suis également en charge de la comptabilité de la maison d’accueil et je dois régulièrement compléter des dossiers (dossiers de subsides, appels à projets…). Enfin, et c’est peut-être le plus chouette à réaliser, c’est un rôle de représentation auprès des différents organes pour parler de l’institution mais également de la cause. Le réseau est primordial dans le social et cela facilite grandement l’accompagnement des usagers.

Enfin, afin de pouvoir être au plus près de la réalité du secteur et des enjeux de demain, je suis également Administrateur à la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aides aux sans-abris, soit la Fédération Ama qui regroupe une centaine de services qui viennent en aides aux publics les plus précaires. Ces rencontres entre différents services sont une richesse  !

Si je dois résumer en une phrase, je pense que je fais le plus beau métier du monde car chaque jour, j’ai l’occasion de faire des belles rencontres avec des usagers en souffrance, d’avancer avec une équipe et des collègues de qualité pour rendre notre monde plus juste.

Plus qu’un simple métier...

Le métier d’assistant social est plus qu’un simple métier. Un peu comme des médecins, des policiers, des avocats…l’assistant social ne sait pas dire ce qu’il va se passer sur sa journée tant cela dépendra des rencontres et des récits de vie qu’il entendra.

L’assistant social est souvent perçu comme un généraliste qui va dans un premier temps écouter la personne, prendre le temps de donner une place à cette personne et une confiance pour qu’elle puisse se libérer d’un poids. Suite à cela, l’assistant social va pouvoir organiser son travail et faire jouer son réseau tout en veillant à garder la personne au centre pour qu’elle puisse être actrice de son changement.

Je pense que c’est cela qui me plait le plus dans ce travail, c’est le fait de faire chaque jour des choses différentes. Cela permet, selon moi, de devoir sans cesse se remettre en question, chercher d’autres pistes et ne pas tomber dans une routine.

Beaucoup pensent encore que les assistants sociaux ont une baguette magique et qu’il suffit d’aller voir un assistant social pour sortir d’une solution. Alors oui, aller discuter avec un professionnel du social est déjà une première étape mais ensuite le processus peut être plus au moins long et souvent il y a des facteurs indépendants à la personne qui entrent en jeux. L’assistant social va donc devoir endosser différents rôles pour décrypter les rouages et fixer des priorités.

Nous entendons aussi régulièrement que les assistants sociaux ont choisi cette profession car elles ont-elles même traverser des épreuves de vie compliquées. J’ai envie de dire et Alors  ? Même si c’était le cas, le principal est la motivation et l’envie de faire bouger les choses. Si en plus d’apporter une aide à la personne, cela peut également être bénéfique pour l’assistant social en lui-même tant mieux. Cependant, il ne faut pas généraliser, les motivations à exercer cette profession sont diverses et variés et l’important est de maintenir cette énergie positive tout au long de sa carrière pour le bien des usagers.

Je pense sincèrement que les assistants sociaux ont une grande capacité, qui est indispensable à cette fonction, qui est de pouvoir prendre le temps pour écouter sincèrement une personne sans la juger. Il m’arrive encore souvent de pouvoir discuter, simplement parler avec des bénéficiaires sans rien en attente car nous l’oublions trop souvent mais le simple fait de pouvoir parler avec quelqu’un est bénéfique et malheureusement nous sommes régulièrement confrontés à des personnes fort isolées pour qui l’assistant social est parfois le seul contact/ lien avec la société.

Les petites victoires du quotidien

Dire que chaque matin je suis hyper motivé à aller au travail serait mentir mais néanmoins, il est vrai que chaque jour nous sommes confrontés à des récits de vie très violents mais nous sommes aussi heureusement face à des petites victoires. Exemples  : un bénéficiaire a retrouvé son droit au chômage, Monsieur X a su renouer les contacts avec ses enfants ou encore un autre usager qui, sourire aux lèvres, annonce qu’il a trouvé un appartement.

Ce sont ces petites victoires qui font avancer et qui motivent à aller de l’avant. Si je devais donner un conseil aux collègues ce serait cela, pouvoir cibler les petites victoires et s’en réjouir.

Pour moi, également, un des meilleurs moments de la journée c’est quand je commence ma journée en partageant une tasse de café avec un bénéficiaire ou encore lors du repas de midi. C’est un moment un peu en dehors du temps où celui-ci peut se livrer sur ce qu’il va faire de sa journée, ses envies parfois ses rêves et pour moi, c’est l’occasion de pointer l’évolution et lui faire part de ma fierté envers lui. Je pense que les gens ont ce besoin de reconnaissance et souvent je remarque que les assistants sociaux sont parfois les premiers à dire à une personne «  c’est bien  », «  tu peux être fier de toi  »… car ils ont trop souvent été rabaissés ou pire encore, certains en sont arrivés à ne plus croire. Aux changements, aux rêves, en soi…

Nous, les travailleurs sociaux, avons un pouvoir énorme

Travailler dans le social c’est un peu mettre les pieds dans la réalité de la société avec ses forces et ses faiblesses. Dans ce cas-ci, bien souvent, c’est être confronté aux victimes de la société mais c’est aussi une opportunité énorme de changer les choses et de redonner confiance en une personne.

Nous, les travailleurs sociaux, avons un pouvoir énorme et il ne faut pas l’oublier  ! Le pouvoir de redonner l’envie d’avancer, de croire en soi, de vivre une vie meilleure mais également, le pouvoir de dénoncer, interpeller et être le porte-parole des nombreuses personnes précarisées.

Mon message pour les futurs travailleurs sociaux est de mettre sans cesse la personne au centre de son action, d’être le plus bienveillant possible et de ne pas oublier que la personne en face de nous à un vécu avec des forces et des faiblesses. Il faut donc dans un premier temps prendre le temps et ensuite, ajouter à cela la relation de confiance, vous pourrez déplacer des montagnes.

Mais une chose est également essentielle à retenir, vous n’êtes pas seul, il y a toujours des collègues, des partenaires, différents services ou parfois simplement le bénéficiaire en tant que tel pour vous aider dans ce travail fastidieux.

Corentin Letocart

Et pour aller plus loin :

[Regardez]

[Ecoutez]

 La totalité du podcast de Fiona, assistante sociale dans le secteur du sans-abrisme en cliquant sur ce lien

 La totalité du podcast d’Aurélie, assistante sociale dans le secteur carcéral en cliquant sur ce lien

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 Formation, débouchés, contrats… : découvrez le métier d’assistant social
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