"Je ne pensais pas qu’on pouvait avoir autant d’impact dans la vie des gens"
Jason Descamps a 27 ans et il est assistant social pour le Télé-Service à Liège. Il intervient auprès des habitants en difficulté et précarisés des quartiers d’Amercœur, d’Outremeuse et du Longdoz. Il nous raconte ses premiers pas dans le métier et nous livre un témoignage bouillonnant de passion et d’espoir.
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« Je n’ai pas envie d’utiliser le terme frustrant. C’est un métier valorisant pour les personnes qu’on rencontre et pour nous-mêmes ». Jason Descamps a 27 ans et depuis 4 ans il travaille en tant qu’assistant social à Télé-Service Liège, qui fait partie du CLSS (Centre Liégeois du Service Social). Cette structure s’adresse aux habitants des quartiers d’Amercœur, d’Outremeuse et du Longdoz qui rencontrent toute sorte de difficultés. « J’offre une aide sociale administrative au sens large. Mon rôle est d’informer, d’écouter, de soutenir et parfois d’accompagner dans des démarches ».
Tout au long de notre rencontre, Jason Descamps nous parle de sa formation et de sa vision de la profession, lui qui est encore au début de sa carrière. Il n’a pas besoin de le dire que cela nous saute aux yeux : son métier le passionne. « C’est naturel », répète-t-il à plusieurs reprises, sans s’en rendre compte. « Je me sens en accord avec mon identité et mon parcours professionnel. Il n’y a pas de rapport avec l’argent et les gens qui viennent me voir ont envie d’entreprendre des choses pour surmonter leurs difficultés ». Bref, il est exactement là où il doit être.
Toutefois, il a bien conscience de l’usure qui habite certaines et certains professionnels. « Il y a plusieurs raisons : la surcharge du travail, le contact parfois biaisé avec les bénéficiaires, un contexte professionnel qui ne correspond pas à son identité... Mais cela touche beaucoup de métiers comme les infirmiers et les infirmières, par exemple », constate-t-il.
« C’est le contact aux autres qui me motive »
Justement, avant de se lancer dans une formation d’assistant social, Jason Descamps a d’abord pensé à devenir infirmier. « Je suis allé au bout de la première année puis j’ai arrêté. Au fil des stages, je me rendais compte que l’aspect santé prenait parfois beaucoup le dessus sur l’aspect humain. J’avais envie d’avoir plus de contact avec les personnes et donc je me suis dirigé naturellement vers des études d’assistant social. Cela peut paraitre bateau mais c’est vraiment le contact aux autres qui me motive. Avoir l’impression de pouvoir apporter quelque chose à des gens à un moment donné dans leur vie ».
Sa formation à l’HELMo ESAS a confirmé son choix. « Ces trois années ont été très humaines. J’ai eu la sensation d’être accompagné afin de pouvoir utiliser ma personnalité sur le terrain pour entrer en relation avec l’autre, prendre conscience de mes limites et comprendre mes affinités avec tel ou tel public. Ça m’a permis de me développer et de m’épanouir ».
Jason Descamps parle donc d’un parcours « rassurant » qui lui a permis de construire progressivement le professionnel qu’il est aujourd’hui, notamment grâce aux stages. « La première année c’était un stage d’observation, à la découverte du milieu professionnel, puis en deuxième année on va un peu plus loin et c’est en troisième année qu’on commence à agir pour être en contact avec le public ».
Ces premières expériences de terrain lui ont également fait découvrir des contextes professionnels qu’il ne soupçonnait pas. En troisième année, il a effectué son stage dans une structure où l’assistante sociale travaillait au sein d’une équipe uniquement composée de volontaires. « Sans les bénévoles la structure ne pouvait pas fonctionner. Je ne savais même pas que ça existait », commente-t-il. Une spécificité qui a fait l’objet de son travail fin d’étude (TFE). « Je me suis rendu compte qu’il y avait une forme d’insécurité liée à cette organisation, il faut toujours être prêt à rebondir car même si le bénévole s’engage à venir, il n’est soumis à aucune obligation. Parallèlement, cette difficulté m’a beaucoup appris comme le fait de préparer un plan B et d’anticiper pour pouvoir vite trouver une alternative ».
Surmonter son sentiment d’illégitimité lié à son jeune âge
Une fois son bachelier en poche, Jason Descamps s’est spécialisé en médiation. « Je voulais être encore plus à l’aise dans la communication non violente, pour avoir plus de méthodes de communication et de gestion de conflits. Dans le métier d’assistant social on est en contact avec des gens en situation difficile et il faut pouvoir s’en sortir en prenant en compte parfois l’agressivité de la personne et son découragement », explique-t-il.
Finalement, est arrivé le moment de se lancer dans la vie professionnelle. L’un des premiers défis a été de surmonter son sentiment d’illégitimité lié à son jeune âge. « J’avais face à moi des personnes qui étaient plus âgées et que je devais conseiller. C’était impressionnant ».
Quant au secteur dans lequel il voulait intervenir, il avait déjà les idées très claires. « Je m’étais rendu compte très vite que je voulais rester dans du général. Je voulais pouvoir rencontrer tous les publics et toutes difficultés et pouvoir intervenir dans toutes les thématiques ». Au sein de Télé-Service Liège, ces missions sont effectivement très variées. « Il y a parfois des personnes qui m’interpellent pour un accès à un avocat, à une aide familiale, à une aide-ménagère. Ou encore pour la recherche d’une école, de soutien scolaire. Il y a aussi la question du logement, la problématique de la santé... ».
Aller jusqu’au bout ? Pas toujours possible
Ce qui caractérise son métier c’est aussi le travail dans l’urgence. « C’est un public très précaire et la plupart du temps ils viennent vers nous quand la difficulté se présente. Il faut être là quand ils ont besoin d’aide et éviter que la situation n’empire. Si parfois certains viennent avec des projets à plus long terme, il n’y a pas toujours la possibilité d’aller plus loin ».
Toutefois, Jason Descamps se souvient d’une bénéficiaire avec qui il a pu « aller jusqu’au bout ». « Cette dame était très isolée, en situation de handicap, avec un logement difficile... Puis nous avons mis en place toute une série de choses. Elle vit aujourd’hui dans un centre adapté pour personnes handicapées. Je suis très fier du travail que nous avons réalisé tous les deux, de notre collaboration. Je ne peux pas m’empêcher de me demander où elle en serait si le service social n’avait pas été là ? Je suis allé la voir plus tard et sa situation a totalement changé et elle aussi, elle était beaucoup plus épanouie ».
Et de continuer : « Je ne pensais pas qu’on pouvait avoir autant d’impact dans la vie des gens et qu’on pouvait apporter autant de réponses dans des situations où ils pensaient être sans issue ». Et pour lui, pas besoin de grands miracles pour tirer une satisfaction. « J’en ai même quand je fais juste de l’information parce que je me dis que la personne n’y aurait pas eu accès si la structure n’avait pas été pas là ».
L’importance de se préserver
Au sein de cette structure justement, Jason Descamps travaille seul pour l’aide sociale. « Il y a une équipe autour de moi mais qui s’occupe des transports, de la comptabilité... ». Néanmoins, il peut trouver du soutien auprès des autres antennes du CLSS. Des réunions d’équipes sont régulièrement organisées. « J’ai des personnes ressources, c’est indispensable ».
Le soutien est d’autant plus important qu’avec la crise du COVID et les confinements, l’organisation de travail a été totalement bouleversée. « Avec le COVID, les deux permanences sociales hebdomadaires ont été remplacées par des permanences téléphoniques. Le télétravail a été très pesant. Déjà que j’avais du mal à couper après le travail, ça n’a pas aidé en travaillant de chez moi car j’étais en contact avec les bénéficiaires depuis mon domicile ». Une situation extrême qui l’a poussé à poser des limites. « J’ai pris conscience du fait que je devais me préserver. J’estime que je m’investis à 100% au travail et donc je dois pouvoir me libérer à 100% quand je n’y suis plus. Chose que je n’arrivais pas à faire au tout début ».
Dans l’avenir, Jason Descamps pense reprendre un master pour pouvoir enseigner les sciences sociales. « Je veux d’abord continuer à travailler sur le terrain car je veux pouvoir amener mes expériences ». D’ici là, l’assistant social veut « rester positif et être encourageant pour les personnes qui veulent faire ce métier parce que c’est un beau métier ».
Caroline Bordecq
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