La psychothérapie, appauvrie ?

En faisant de la psychothérapie un traitement, Maggie De Block a occulté toute une vision de cette pratique. Désormais, l’accompagnement psychothérapeutique des personnes qui ne sont pas diagnostiquées d’un trouble psychique modéré ou complexe, n’est plus envisagée. Selon Françoise Raoult, membre fondatrice d’Alter-Psy, il s’agit d’un véritable appauvrissement de la psychothérapie.
La profession de psychothérapeute a disparu avec la loi De Block. Seuls des psychologues cliniciens, médecins et orthopédagogues cliniciens pourront revendiquer ce titre, à condition d’avoir suivi une formation universitaire spécialisée. En portant ainsi l’université au pinacle, la ministre fédérale de la Santé met fin à la grande diversité de la pratique. Au nom de la suppression du charlatanisme et de la garantie d’une formation plus complète pour les praticiens, Maggie De Block pourrait en réalité appauvrir la formation de psychothérapeute, selon le terrain. Françoise Raoult d’Alter-Psy revient sur l’apprentissage du métier.
[DOSSIER]
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Savoir et savoir-être
La nouvelle formation pour porter le titre de psychothérapeute sera proposée à des psychologues cliniciens, orthopédagogues cliniciens et médecins ayant suivi un enseignement universitaire. Il s’agira d’un cursus en 2 ans, qui abordera divers courants de la psychothérapie. Si des stages sont prévus, il s’agit avant tout d’une formation théorique, d’un enseignement de savoirs. Or, pour Françoise Raoult, il existe une réelle différence entre apprendre la psychothérapie et apprendre à être psychothérapeute et la nouvelle formation néglige cette différence. Elle explique que sur ce point, les anciennes formations pour devenir psychothérapeutes étaient plus complètes : "Ce que proposaient les instituts de formation, c’était une formation théorique mais aussi expérientielle. C’était vraiment apprendre à ÊTRE psychothérapeute. Il y avait une formation conceptuelle, mais aussi tout un volet de transmission de pratiques. Ce n’était pas seulement un savoir principalement livresque."
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Quid du travail sur soi ?
La membre fondatrice d’Alter-Psy regrette aussi l’occultation du travail personnel dans la formation universitaire. En effet, il était nécessaire dans les écoles privées, comme en psychanalyse, de suivre d’abord une psychothérapie avant de pratiquer. Selon elle, cette dimension "est absolument nécessaire pour devenir psychothérapeute. C’est important de se connaître soi-même et de pouvoir avoir la distance nécessaire dans le travail avec la personne."
La supervision, mal comprise
La loi de Maggie De Block, dans son article 11 qui a été annulé par la Cour Constitutionnelle, prévoyait une supervision pour les psychothérapeutes déjà en exercice qui ne possédaient pas de diplôme de soins de santé. Si les psychothérapeutes reconnaissent la nécessité de la supervision, celle prévue par loi ne correspondait pas à la supervision à laquelle ils ont recours. Maggie De Block a voulu créer une supervision qui ressemblerait plutôt à une sorte de "surveillance", "un peu comme les médecins maître de stage supervisent leur assistants afin de les orienter dans la prise en charge des patients", commente Françoise Raoult. Les psychothérapeutes et l’association Alter-Psy envisageaient quant à eux une supervision plutôt sous forme de "collaboration", visant certes à aborder des cas plus complexes, mais aussi à étudier les phénomènes de transferts et contre transferts.
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Les psychothérapeutes, mal formés ?
Pour justifier sa réforme, Maggie De Block a invoqué le cursus des psychothérapeutes. Selon la ministre, certains psychothérapeutes n’étaient pas suffisamment formés et l’idée de psychothérapeutes "charlatans" s’est ainsi développée. "C’est faux !" rétorque Françoise Raoult. "Les critères de l’Association européenne de psychothérapie, qui sont largement exigés par les associations professionnelles, requièrent une formation conséquente, une thérapie personnelle et une supervision. On brandit l’étiquette du charlatanisme, mais une très large majorité de psychothérapeutes est correctement formée. Beaucoup se sont formés pendant 3, 4, 5, voire 6 ans, et continuent encore" poursuit-elle.
Avant la loi, de nombreuses personnes accédaient à des formations privées qui leur donnaient le titre de psychothérapeute. Tous les bacheliers, aussi bien assistants sociaux ou éducateurs qu’assistants en psychologie ou encore philosophes, pouvaient y prétendre. "Nous revendiquons la diversité des parcours", affirme Françoise Raoult, "ce qui faisait la richesse de cette profession, c’est qu’il y avait des gens qui venaient de différents milieux."
La rédaction
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