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Comment bien choisir sa formation dans le social ?

19/01/18
Comment bien choisir sa formation dans le social?

Dans le champ social, nombreuses sont les formations qui fleurissent tant au bénéfice des professionnels de l’aide, qu’à celui des personnes qui veulent justement réorienter leur carrière. L’offre est si diversifiée qu’elle invite à réfléchir à la dimension qualitative de ces formations.

Il y a peu, les médias nous ont relaté les observations de la Fédération des Etudiants Francophones dans le champ formatif. Son enquête dénonce le fonctionnement de certains établissements belges qui proposent une formation au minerval exorbitant, mais qui ne garantit pas pour autant l’accès au métier par la suite. Ces écoles privées ne peuvent en effet pas toujours prétendre délivrer un diplôme reconnu. Cette actualité, qui met en lumière la situation de certains étudiants sortant du secondaire, ouvre aussi la question des formations alternatives en général, comme leur coût et les garanties apportées à la personne formée.

Formation alternative ou complémentaire ?

Lorsqu’on survole le champ des formations, on peut d’emblée y repérer deux catégories : celles qui complètent un diplôme déjà acquis dans le secteur psycho-social et celles qui offrent au à la personne formée une possibilité de changer de voie, quel que soit son bagage initial. Ainsi, des formations comme l’EMDR, le Coaching de vie (uniquement s’il est enseigné à l’université !) et l’hypnose Ericksonienne sont davantage placées dans la « case » des formations « complémentaires », tandis que le massage initiatique (par exemple) sera plutôt qualifié de thérapie alternative. Pour Philippe Mouchet, formateur et thérapeute corporel, ce terme n’est pas forcément péjoratif : « On peut dire que c’est alternatif, dans le sens ou c’est novateur, bien que l’approche se développe de plus en plus. »

Pré-requis ou fibre sociale ?

Une différence importance qui peut être faite entre les formations alternatives et complémentaires tient dans les acquis de ceux qui y participent. L’alternative, comme l’indique sa définition première, propose à la personne formée un « autre possible » dans son champ professionnel actuel. Au tournant de sa carrière, la personne formée se voit ainsi accéder à un nouveau défi, parfois opposé à son parcours initial. De banquier insatisfait, par exemple, il peut (moyennant parfois un sacré budget) se lancer dans une pratique de l’aide sans pré-requis. A l’inverse, les formations complémentaires offrent une boîte à outil, des moyens supplémentaires pour affiner une pratique psycho-sociale qu’on a déjà. Ici, c’est par exemple le psychologue confronté à une impasse thérapeutique qui s’attèlera à donner un souffle différent à son travail en acquérant de nouveaux outils.

Un argument qui fait la différence

Cette différenciation peut s’avérer être un argument d’accréditation pour certains organismes. Comme l’explique par exemple Moïra Mikolajczak, responsable académique du Certificat en Life Coaching de l’UCL, l’humain est complexe, et la démarche d’un patient de solliciter un life coach peut révéler des difficultés plus profondes qui nécessitent « d’être suffisamment outillé pour les travailler également ». Ludwig Cornil, responsable de la formation européenne en EMDR rejoint ce présupposé important : « Comme tous les outils puissants, il faut faire attention : si on n’a pas de formation de base, c’est dangereux ». C’est aussi pour cette raison que ce certificat ne s’adresse qu’aux seuls psychologues, psychiatres et – sur candidature – assistants en psychologie. La formation en EMDR, quant à elle, s’adresse aux mêmes professionnels, mais aussi aux psychothérapeutes (dont la formation de base est parfois plus variée, allant de l’assistant social, à l’éducateur, en passant par le psychologue).

Cas particuliers

Les exceptions semblent nombreuses dans le milieu formatif : il n’est pas rare que les professionnels du domaine de l’aide côtoient des personnes formées venues d’ailleurs, désireuses de réorienter leur carrière vers des horizons plus attrayants. C’est ce mélange d’univers variés que rencontre notamment Philippe Mouchet lorsqu’il donne ses formations. Pour autre exemple, l’hypnose Ericksonienne peut aussi, dans certaines écoles, être transmise à des personnes non-formées dans le secteur de l’aide, sur la base d’un entretien préalable.

Qu’est-ce qui fait crédit ?

Sur le ring des formations, la question du savoir est, forcément, la plus prégnante. Si une catégorie s’appuie sur l’argument scientifique pour étayer son offre, l’autre se sent renforcée par les expériences positives que révèle le champ empirique. Les responsables du certificat universitaire en Life Coaching (à ne pas confondre avec la formation non universitaire) et en EMDR insistent notamment sur l’importance de la recherche scientifique et des preuves qui révèlent l’efficacité de la méthode (EMDR) ou des outils qui la constituent (Coaching). La thérapie corporelle quant à elle, ne repose pas sur des écrits scientifiques. Philippe Mouchet peut toutefois se référer à ses nombreuses années d’expériences et lectures : « Il s’agit d’une recherche empirique initiée par une intuition et soutenue par les découvertes faites dans mes lectures. »

Pour quelle reconnaissance ?

Les récents chamboulements relatifs à la loi sur la psychothérapie pourraient-ils orienter les futurs formés à se diriger vers l’une ou l’autre formation ? Pas si sûr : qu’elles soient étayées scientifiquement ou non, alternatives ou complémentaires, les formations qui sortent du socle de connaissances acquises dans le réseau de l’enseignement traditionnel ne sont, en fait, pas directement associées à la loi De Block, puisqu’elles n’offrent pas le bagage psychothérapeutique en soi. La reconnaissance dont elles jouissent tient donc surtout aux arguments exposés précédemment : le public est libre de simplement se montrer plus sensible à l’un qu’à l’autre…

Que choisir ?

De façon générale, l’argument scientifique, au travers des vérifications et tests de fiabilité qu’il implique, peut apparaître comme une force aux yeux du public. Mais peut-être qu’il s’agit surtout pour le futur formé de penser ses attentes en termes de légitimité : sont-elles plutôt d’ordre idéologiques (« l’expérience de terrain est la seule vraie ») ou sociétales (« Seule la science peut nous assurer de l’efficience de l’outil »).
Cela dit, la part idéologique nécessite probablement davantage de s’armer d’une foi inébranlable en la matière choisie (laquelle peut apporter en elle-même des effets tangibles pour le patient). Pour Philippe Mouchet, « Aucune reconnaissance n’est recherchée (…)On ne cherche pas à s’inscrire dans un champ officiel car dès qu’il y a une réglementation, cette législation a tendance à ne légiférer que ce qui est en place depuis plusieurs années, ce qui pénalise les « nouvelles » approches. »

Et tout cela à un coût…

Allant de 1900€ à 5000€ par an (et des montants qui se voient décupler dans certains établissements privés), on ne peut pas dire que le prix des formations, toutes catégories confondues, soit donné. Pour justifier de tels montants, les explications font surtout état d’une nécessité matérielle : il s’agit de payer les syllabi et de rémunérer des formateurs émérites, transmetteurs d’un savoir précieux. Pour Ludwig Cornil, le coût de la formation en EMDR est aussi relativement élevé car « c’est une formation qui change la vie professionnelle, c’est un outil novateur. »

… Qui s’explique

Et puis il y a la logique économique qui ne peut être négligée, explique Moïra Mikolajczak, évoquant le « Benchmarking » : « la formation ne nous coûte pas tout à fait ça, mais on ne peut pas casser le marché. Comme la plupart des formations en coaching sont assez coûteuses, et qu’on part du principe psychologique selon lequel les gens accordent du crédit au prix, on est obligé de s’y ranger plus ou moins » (Le certificat universitaire reste quand même moins coûteux). A titre d’exemples, le collège académique que représente Moïra Mikolajczak a pris le pli, pour pallier ce coût, d’utiliser les bénéfices de ces frais pour la recherche et accroître ainsi la qualité de la formation. De son côté, Philippe Mouchet, prélève 10% de chaque paiement pour créer un fond permettant d’offrir une bourse à un formé n’ayant pas les moyens d’accéder à la formation.

Le panel est riche !

Cet article propose un éclairage restreint et non exhaustif de l’offre existant dans le champ social. Cela étant, en regard des échanges divers qui lui ont donné naissance, force est de constater qu’aussi variable que soit l’offre, l’importance d’un étayage scientifique et/ou empirique est une évidence. La question de la reconnaissance apparaît comme une affaire subjective, dépendante de ce qui compte en priorité pour le formateur/futur formé. Reste à déterminer si la recherche scientifique doit rester l’unique voie pour déterminer la qualité d’une formation. A ce que révèle le succès de certaines formations et leurs formation auprès du public, rien n’est moins sûr…

Préalable

Ce billet n’a pas valeur d’imposer une vérité. Il s’agit davantage d’ouvrir une réflexion, au départ de contacts qui ont été pris avec divers organismes de formations (Hypnose, Thérapie Corporelle, Coaching de vie, EMDR). La liste étant loin d’être exhaustive !

LT, assistante en psychologie

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