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Réfugiés, banquiers, reconversion professionnelle : se former pour atténuer la pénurie d’infirmiers

15/09/21
Réfugiés, banquiers, reconversion professionnelle : se former pour atténuer la pénurie d'infirmiers

La Belgique fait face à une pénurie d’infirmier.ère.s Pour lutter contre ce phénomène, plusieurs formations autour des soins sont accessibles dans tout le pays. Différents publics sont visés. Les professionnel.le.s du soin qui souhaitent évoluer vers l’aide aux soins ou l’art infirmier ainsi que les personnes d’autres secteurs qui cherchent à se reconvertir et les réfugié.e.s avec une expérience en soins qui veulent se former. Christine Van Dam, responsable de projets chez FeBi (Association des Fonds Sociaux du Secteur Non-Marchand Fédéraux et Bicommunautaires) nous les présente.

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En 2018, le mouvement des blouses blanches demandait déjà plus de moyens dans les hôpitaux. Le gouvernement y a répondu en créant le Fonds Blouses blanches afin de financer de nouveaux emplois et donner accès plus facilement aux formations en l’art infirmier. Une partie de cet argent a été délégué au Fonds Intersectionnel des Services de Santé (FINSS) qui a donné naissance au projet #choisislessoins. Ce dernier tente de trouver une solution à la pénurie en offrant la possibilité aux travailleur.se.s des autres secteurs que celui du soin, d’envisager une reconversion en tant qu’aide- soignant.e ou infirmier.ère. Christine Van Dam, chargée du projet, nous en dit plus.

Guide Social : Le FINSS propose trois types de formations, une formation en art infirmier uniquement accessible aux travailleur.se.s faisant partie des secteurs de la commission paritaire des établissements de santé et de soins. Ce projet donne la possibilité d’étudier avec maintien du salaire. Le projet #choisislessoins est ouvert aux travailleur.se.s d’autres secteurs que celui du soin. Enfin, une formation d’aide-soignant.e qui n’est plus proposée en partie francophone. Tout d’abord, pourquoi la formation d’aide-soignant.e n’est plus disponible en Wallonie alors qu’elle continue dans les deux autres régions ?

Christine Van Dam : Cette formation a été lancée en 2016 dans tout le pays. On s’est rendu compte que les écoles d’aides soignant.e.s n’avait pas assez de places par rapport aux nombres d’inscrit.e.s et la demande d’aides soignant.e.s n’est pas forcément très forte en Wallonie.

Guide Social : Quelles sont les retombées de la formation en art infirmier ?

Christine Van Dam : Le lancement de cette formation s’est réalisé en 2000. On a des retours très positifs de la part du secteur et des écoles. Concernant les candidatures, on fait face à plus de demandes que de places avec un petit déséquilibre entre les sollicitations flamandes qui sont plus nombreuses que les francophones.

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Un budget plus conséquent

Guide Social : Quel est le nombre de places ?

Christine Van Dam : Il dépend du budget. On a vu une vraie augmentation du budget ces dernières années. Par exemple, en 2016, il était de moitié par rapport à aujourd’hui. On ne pouvait proposer que 200 places alors qu’aujourd’hui, on donne accès à 400.

Guide Social : Qu’en est-il du taux de réussite ?

Christine Van Dam : Il s’élève à 87% et va jusque 93%, ce qui est très satisfaisant. C’est dû en partie à une sélection sérieuse en amont. On recherche des personnes très motivées qui ont fait le point vis-à-vis de leur vie de famille, de leur budget...

Guide Social : Encore ce lundi 6 septembre, on a vu les infirmier.ère.s dans la rue dénonçant le manque de moyens humains entrainant des conditions de travail de plus en plus difficiles. Les participant.e.s sont-ils.elles conscient.e.s de ces difficultés ? Comment est-ce abordé dans vos formations ?

Christine Van Dam : Vers la fin de la formation, il y a 5 à 6 mois de stages, ce qui permet de voir la réalité du terrain et les conditions de travail. Il est également difficile de passer à côté de la difficulté que connaît le secteur grâce aux médias. Et encore une fois, la sélection est très sérieuse. Elle se réalise en deux parties. La première est plutôt logique, la deuxième consiste en une discussion avec un.e psychologue qui pose des questions sur les motivations, sur ce que représente le fait d’être infirmier.ère pour la personne, si elle est consciente des horaires, du travail la nuit, le week-end et les jours fériés.

“La situation est toujours difficile et urgente mais il y a des bonnes choses”

Guide Social : Considérez-vous ce projet comme une solution à la pénurie ?

Christine Van Dam : C’est une des solutions mais quand on regarde le manque de personnel, on voit bien qu’on ne peut pas former tout le monde via notre projet. La situation est toujours difficile et urgente mais il y a des bonnes choses qui se passent comme l’IFIC et le déblocage de budgets. Après, nous ne sommes pas les seuls acteurs, je pense aussi aux fonds Maribel qui existent depuis 1998. Ils obtiennent un certain budget provenant d’une partie des cotisations patronales. Ce budget est ensuite insufflé dans différents sous-secteurs pour la création d’emplois.

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Guide Social : Concernant le projet #choisislessoins, combien comptez-vous d’inscrit.e.s depuis son lancement ?

Christine Van Dam : Le projet a été lancé en janvier 2021. Il y a eu plus de 800 inscrit.e.s dont 450 ont été sélectionné.e.s. Ce projet a pu voir le jour grâce au Fonds Blouses Blanches dont une partie du budget nous a été octroyé dans le cadre de ce projet. Nous sommes assurés d’être financé en 2022 et 2023, après il faudra relancer la demande.

Guide Social : Les inscrit.e.s ont des profils très divers.

Christine Van Dam : On retrouve le secteur de la petite enfance, du handicap, administratif mais aussi des personnes issues de l’Horeca, du secteur du tourisme qui ont subi de pleins fouet le confinement imposé par le Covid. Le secteur des métiers lourds est également représenté comme la construction ou les chauffeur.se.s

Participer à une aventure humaine

Guide Social : Quelles sont les motivations qui expliquent le choix d’une telle reconversion ?

Christine Van Dam : Beaucoup nous disent qu’ils.elles ne savaient pas quoi faire étant jeunes mais qu’aujourd’hui ils se connaissent mieux et savent vers quoi ils.elles veulent aller.

Les médias ont beaucoup joué aussi. De voir ce qu’il se passe dans les hôpitaux, ça a motivé des personnes à faire partie de “la famille” des soins, de participer à cette aventure humaine. Concernant les personnes de l’Horeca, c’est l’envie d’avoir un emploi fixe et d’être valorisé qui joue beaucoup.

Guide Social : Deux nouveaux projets pilotes ont récemment débutés. Le premier relève d’un partenariat entre FINSS et Febelfin qui veut faire le lien entre les employé.e.s de banque qui risque de perdre leur travail à cause de la digitalisation bancaire et le secteur des soins. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Christine Van Dam : C’est un petit projet. On voulait en faire un comme ça il y a quelques années car on avait des demandes extérieures. Le secteur bancaire est venu nous voir en nous annonçant qu’ils allaient devoir licencier dans les mois et années à venir mais qu’ils ne voulaient pas laisser leurs employé.e.s sans solutions de repli. Ils veulent proposer 6 mois d’accompagnement dans la définition des nouveaux projets de leurs ancien.ne.s collaborateur.rice.s. Et nous représentons les projets autours du soin. Finalement, ils se rendent compte qu’ils vont certainement garder plus de personnes que prévues, ce qui est une très bonne nouvelle. En tout cas, le projet est en place et nos portes sont ouvertes !

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IntegraSoins : des formations accessibles aux réfugié.e.s

Guide Social : Le deuxième est lié à un sujet d’actualité : les réfugié.e.s. A travers le projet IntegraSoins, vous cherchez à donner la possibilité aux réfugié.e.s reconnu.e.s avec de l’expérience dans le secteur des soins de se former en tant qu’aide-soignant.e.s ou infirmier.ère.s.

Christine Van Dam : Ce projet a été lancé en mars 2020, juste avant le Covid. Ça a été très difficile de gérer le lancement à ce moment mais il y avait 15 personnes d’inscrites et on a pu commencer quand même.

Le nombre de place normal est de 45 : 15 en Wallonie, 15 en Flandres et 15 à Bruxelles. Il y a peu de places car ce projet demande un accompagnement très important autant pour les candidat.e.s que les employeur.se.s. On reste jusqu’à la fin de la formation comme l’organisme de référence qui travaille avec les réfugié.e.s.

La formation se passe dans une école qui demande donc un certain niveau de français. Du coup, l’organisme de référence, Actiris, le Forem et le CRi travaillent avec la personne pour lui permettre d’accéder au niveau demandé. Malgré ces quelques soucis de langue, on a eu 100% de réussite pour la promotion de l’année dernière. Ce qui est également une très bonne nouvelle, d’autant plus que les retours des travailleur.se.s et des écoles sont très bons.

 A lire : Formation, débouchés, rémunération : le métier d’aide-soignante

T.A.

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