Charlyne, infirmière à domicile : "Sans passion, difficile de tenir sur la longueur !"
« Dans notre métier, il y a beaucoup de points difficiles, on ne va pas mentir. Mais, il y a tout un tas d’autres points tellement importants et beaux. On est une profession essentielle à la société et ça, je pense que c’est la plus belle des récompenses ». Charlyne Caro, 31 ans, est infirmière depuis 9 ans. Après des expériences peu concluantes à l’hôpital et en maison de repos, elle a trouvé sa voie dans le secteur des soins à domicile. Interview sans langue de bois d’une professionnelle passionnée.
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Le Guide Social : Devenir infirmière, un rêve d’enfant ou bien un accident ?
Charlyne Caro : C’est un peu bateau ce que je vais dire mais c’est vrai : depuis toute petite, je veux faire ce métier. Du moins, je voulais faire un métier dans le domaine de la santé que ce soit infirmière, médecin ou psychologue. Finalement en tant qu’infirmière, on a la chance d’avoir plusieurs casquettes et de collaborer avec une série de professionnels de la santé. Vous savez, notre profession nécessite des personnes passionnées souhaitant transmettre et avancer. Je pense que la passion permet de nous sauver de certains moments de fatigue et d’épuisement.
Le Guide Social : Votre métier est très prenant, effectivement. Il demande de la force et une sacrée dose d’investissement…
Charlyne Caro : Sans cette passion pour notre métier et ses nombreuses richesses, honnêtement, je ne pense pas qu’on puisse rester bien longtemps. Pour ma part, je suis infirmière depuis neuf ans et j’adore toujours mon métier. Plus encore, je souhaite m’investir encore plus d’où mon premier projet de service à la personne à domicile.
"Les stages sont un moment important et fondateur de l’apprentissage"
Le Guide Social : Avant de revenir sur votre projet « Centre ainés », penchons-nous d’abord sur votre parcours d’étudiante en soins infirmiers.
Charlyne Caro : J’ai suivi une spécialisation en gériatrie, en soins palliatifs et j’ai également obtenu mon master en Sciences de la Santé publique à la Louvière et à Bruxelles. J’ai cette chance de savoir ce que je veux faire depuis toute petite. J’ai donc coché scrupuleusement chaque étape dans mon parcours scolaire pour devenir qui je souhaitais être. La gériatrie est le domaine dans lequel je me sens le mieux et la plus utile. Je suis passionnée et éblouie par le savoir, la sagesse et la fragilité des personnes âgées. J’aime encore plus ce rapport qu’on peut développer avec elles.
Le Guide Social : Comment se sont déroulés vos stages ?
Charlyne Caro : Ils sont clairement un moment important et fondateur de l’apprentissage. Pour moi, ils ont été parfois assez éprouvants mais, surtout, ils ont été nécessaires pour savoir comment je voulais exercer le métier. Par exemple, j’ai compris grâce aux stages que je ne souhaitais pas travailler dans le secteur hospitalier. Pourquoi ? Car j’ai eu le sentiment de ne pas être là en tant qu’étudiante qui apprend, mais en tant qu’étudiante qui doit savoir ce qu’elle fait. A l’hôpital, pour moi, on a des responsabilités que des stagiaires ne devraient pas avoir. Et cette situation m’a gênée…
Le Guide Social : Vous souvenez-vous d’une anecdote en particulier ?
Charlyne Caro : Oui… Et elle me marque encore presque dix ans après. Il y avait ce monsieur qui était vraiment sur sa fin de vie. Mon responsable m’a demandé de préparer un médicament, j’ai effectué la manœuvre sans savoir ce que c’était vraiment. J’ai administré ce médicament et une demi-heure plus tard le vieil homme est mort. J’ai cru que je l’avais tué en commettant une erreur de dosage ou autre, mais le médecin m’a expliqué que non, que le médicament était là pour l’accompagner durant ces derniers moments. Ce choc ainsi que cette non-préparation, tout cela a confirmé mon envie de ne pas travailler en milieu hospitalier pour me diriger vers autre chose.
"Avec les soins à domicile et le statut d’indépendant, je peux concevoir ma profession d’une autre façon"
Le Guide Social : Et du coup, une fois votre diplôme en poche, vers quel secteur avez-vous choisi de vous orienter ?
Charlyne Caro : J’ai d’abord travaillé pour plusieurs maisons de repos. Au moins quatre ou cinq sur quelques années où à chaque fois on me proposait un CDI. Cependant je n’ai pas accroché. C’était éprouvant mentalement et dur physiquement. Alors, je me suis dirigée vers les soins à domicile et le statut d’indépendant. Ça permet de voir et de concevoir ma profession d’une autre façon. Pour moi, cette voie permet de replacer l’humain et la relation au même point que les soins apportés. C’est important, on est en contact très intime et récurent avec nos patients. On est chez eux, il doit avoir ce respect et cette relation aussi, c’est autant nécessaire pour eux que pour nous.
Le Guide Social : Vous avez été plus loin dans votre pratique, en lançant en octobre 2021, le « Centre ainés ».
Charlyne Caro : Il s’agit d’un projet que je porte en moi depuis quelques années déjà et dont je viens d’ouvrir les portes récemment. Cette initiative est née d’un constat simple. Il y a un véritable manque au niveau de l’accompagnement des personnes âgées à leur domicile ainsi qu’un manque d’information pour les aidants proches. Souvent le choix de nos ainés n’est pas pris en compte. Alors j’ai mûri ce projet-là d’aide. Il s’agit de gérer de façon globale la vie quotidienne des personnes âgées, mais aussi de faciliter la vie des aidants proches. Cela va de l’aide à la gestion des différents prestataires, aux aspects médical et paramédical en passant aussi par des activités de loisirs.
Le Guide Social : Pouvez-vous nous donner un exemple de l’aide hors médicale que vous pouvez apporter ?
Charlyne Caro : Le dernier exemple que j’ai en tête, c’est un monsieur qui adore aller à la piscine. Cependant il n’avait pas nagé depuis des années. Dernièrement, on a fait le nécessaire pour réaliser son petit rêve. Il était tellement heureux. On ne changera pas le monde, mais on fait quelque chose de tout aussi bien, il me semble. C’est ça qui rend mon travail si beau au final. Le truc qui est vraiment agréable et jouissif c’est le lien que je développe avec les personnes. Même s’ils savent que c’est d’abord un lien professionnel, ça n’empêche qu’on passe de sacrés moments.
"Ce n’est pas un boulot facile, mais il n’en est pas moins magnifique"
Le Guide Social : Pour l’instant, vous continuez à travailler en parallèle comme infirmière indépendante.
Charlyne Caro : Oui, mais d’ici un ou deux ans, je souhaite me consacrer pleinement à « Centre ainés » et engager une personne pour m’aider. Donc, si de jeunes infirmières veulent venir, allons-y. En plus, j’ai beaucoup de projets. Je trouve qu’on est de plus en plus concerné par les personnes avec des troubles cognitifs par exemple. C’est souvent délicat à appréhender et à gérer à domicile alors qu’on se trompe. Ces personnes-là peuvent faire encore beaucoup de choses. Il faut les stimuler et préserver leurs capacités. On a la chance en tant qu’infirmière de pouvoir avoir un impact positif, alors il faut améliorer ce volet-là. Et pour cela, le réseau est essentiel. Petite anecdote, je faisais une formation il y a peu de temps et une jeune femme m’a dit que ça serait génial de collaborer ensemble et maintenant, on va surement le faire. Peut-être dès janvier il y a aura un autre pôle que là où je suis.
Le Guide Social : Pour finir, si votre métier était un film, lequel serait-il ?
Charlyne Caro : Je pense au film « Plus fort que la haine » de Tim Guénard ! Au début, la profession d’infirmière peut paraitre dure et ingrate. Mais petit à petit, on découvre ou plutôt, on redécouvre le pourquoi de ce choix de profession. Nous avons un beau métier qui a du sens et qui est nécessaire à la société. Nous pouvons couvrir énormément de domaines et de besoins des personnes tout en collaborant avec un tas de professionnels. Ce n’est pas un boulot facile, mais il n’en est pas moins magnifique. On ne s’ennuie jamais et nous pouvons avoir un nombre de casquettes considérable. Et puis la passion prime avant tout non ?
B.T.
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