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Mon psy, coûte que coûte !

04/06/18
Mon psy, coûte que coûte !

L’accès aux consultations chez un psychothérapeute peut varier en fonction de différents critères, notamment financiers. Aller à la rencontre d’un thérapeute de renom peut ainsi s’avérer impossible si le budget ne suit pas.

Trouver un psy à sa convenance n’est pas une mince affaire : on parle de « feeling », de rencontre ou, pour les plus calés, de « résonances », nécessaires au bon commencement d’une thérapie, mais on ne se pose pas toujours mille questions sur ce qui justifie le prix des consultations. Psychothérapie et aspects financiers font pourtant l’objet d’une réflexion éthique depuis longtemps. Parfois, le paiement fait même partie intégrante du travail thérapeutique. A ce titre, nombreux sont les professionnels qui réfléchissent à deux fois avant de déterminer le prix de leur consultation : il faut à la fois que les séances permettent au thérapeute de vivre mais aussi, si possible, que le patient puisse s’y retrouver.

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Coût et notoriété

La mécanique est d’autant plus compliquée que la question du coût semble, encore trop souvent, étroitement liée à celle de la notoriété. Récemment, une amie me faisait part de sa démarche d’aller voir enfin un psychothérapeute. En faisant des recherches, cette personne avait été attirée par les écrits d’un thérapeute qui explorait des thématiques proches de ses sensibilités. Sa surprise fût d’autant plus étourdissante quand, après avoir eu le courage de prendre son téléphone pour solliciter un rendez-vous, elle apprit qu’elle devrait se munir de 180€ pour honorer la séance. 180€… C’est plus que le budget prévu pour payer mes courses mensuelles !

Syllogismes ?

Certes, l’ampleur d’une carrière et l’apport dans le monde de la psychothérapie peuvent expliquer le coût élevé d’une thérapie mais, à l’inverse, un psy qui ne demande pas trop cher est-il, de facto, quelqu’un de moins compétent ? C’est la question que je me pose en regard de la logique que j’entends parfois au détour de certains cabinets : pour pouvoir concurrencer loyalement les psychologues remboursés par la mutuelle, et étant moi-même assistante en psychologie (d’origine contrôlée) j’ai fait le choix de proposer des séances thérapeutiques à moindre coût, soit 10€ moins cher que la moyenne (ce qui équivaut au remboursement de certaines mutuelles).

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Une connaissance, toute inquiète qu’elle était de voir mon statut se précariser à vue d’œil, s’est avancée : « Tu sais, si tu fais des consultations si accessibles, ça ne fait pas très crédible… Ca veut dire que tu es en manque de patientèle et que tu es un peu prête à tout… Pas top pour les affaires ! »

Pas top pour les affaires ?

Si j’avais choisi un métier pour la qualité de vie qu’il promettait, pensez bien que je n’aurais pas choisi le mien. Je me demande – sans doute un peu trop naïvement – pourquoi aujourd’hui encore (aujourd’hui plus que jamais ?) la place du financier est souveraine, même dans l’univers de l’aide. La qualité d’un thérapeute est gagée, en tout ou en partie, par le prix qu’il demande pour un entretien et il y a là quelque chose de foncièrement injuste. Pire, d’un point de vue politique, cette logique libérale peut renforcer les inégalités sociales.

Inégalités renforcées

Je peine aussi à croire que de tels tarifs correspondent au palier supérieur que l’on détermine en fonction de son ancienneté dans le secteur. Prenons l’exemple de ce thérapeute de renom qui demande près de 200€ à ses patients par séance : il a bâti sa réussite sur la finesse de ses théories, la qualité avec laquelle il a pu les transmettre à ses disciples et leurs effets prouvés sur un nombre représentatif de patients.

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Si le sujet prête sans doute à débat, on peut difficilement nier que tout le monde ne peut pas se permettre d’aller consulter ce ponte de la psychologie pour une telle somme. On part donc avec un a priori logique : les personnes qui jouissent d’un statut financier confortable ont plus de chances de pouvoir consulter ce spécialiste renommé que des individus à faible revenu.

Chronique d’une réussite annoncée

Outre cette particularité déterministe, on peut aussi se poser la question de ce qui pérénise réellement une réussite. Il suffit de voir : celui qui s’investit dans une thérapie très coûteuse, au-delà du fait qu’il en ait les moyens, a fort probablement la motivation suffisante pour se lancer dans un processus de changement. On imagine donc aisément qu’il soit tout à fait disposé à ce que la thérapie fonctionne, confortant ainsi la réputation du thérapeute ! On est alors bien loin des enjeux observés notamment dans les institutions d’aide sous contraintes ou orchestrées par un tiers (parent, ami…).

Et les Services de Santé Mentale dans tout ça ?

Les « SSM » comme on les appelle, regorgent d’intervenants de grande qualité. Ils proposent des services à moindre coût, justement pour rendre les soins psychologiques accessibles au plus grand nombre. Seul bémol : l’ampleur de la demande. Nombre d’entre eux croulent sous le travail et sont contraints d’allonger leur liste d’attente encore et encore… Ou de ré-orienter certaines demandes vers des cabinets privés. Il y a donc fort à penser qu’un certain nombres de personnes plus précarisées se retrouvent face au choix entre une psychothérapie un peu plus coûteuse, ou pas de psychothérapie tout court !

C’est là qu’intervient notre chère ministre…

On le sait, un des objectifs portés par la ministre de la santé est de permettre, à terme, le remboursement des séances de psychothérapie. Je passerai les moyens effrayants qu’elle envisage pour l’atteindre, mais me questionnerai tout de même sur un point : plutôt que de s’évertuer à cadenasser l’accès à ce qui est désormais un acte technique, n’y a-t-il pas lieu de poser un cadre sur le coût des séances, de telle sorte que chacun (quel que soit son milieu d’origine), puisse rencontrer le thérapeute de son choix ? Il s’agirait d’établir, pourquoi pas, un système de barème comme pour les employés, où l’ancienneté serait reconnue, mais dans une juste mesure…

L. – Assistante en psychologie



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