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Inclusion : Florence, logopède, crée des comptines en langue des signes

27/06/22
Inclusion : Florence, logopède, crée des comptines en langue des signes

Passionnée par la langue des signes, Florence Marenne a lancé un projet de comptines inclusives. Grâce à sa créativité débordante, cette logopède invente des comptines qu’elle transmet aux enfants sourds mais aussi entendants. Son objectif : intéresser les entendants à la langue des signes pour favoriser l’intégration des personnes sourdes, à l’école et dans la vie professionnelle.

Florence Marenne a suivi une formation de logopède et a travaillé pendant huit ans avec des enfants et adolescents sourds, comme aide à la communication. Elle les accompagne dans une école spécialisée dans la province du Luxembourg et interprète leurs cours en langue des signes. “Je préfère utiliser le terme d’aide à la communication à celui d’interprète car j’ai réalisé toutes les unités de formation en langue des signes, mais n’ai pas suivi la formation d’interprète”, précise Florence.

“Je trouve la langue des signes tellement expressive”

Depuis très jeune déjà, Florence est passionnée par la langue des signes : “J’ai commencé l’apprentissage quand j’étais en 5ème secondaire, je l’ai poursuivi en parallèle de mes études de logopède à Liège, et à force d’être en contact avec des enfants sourds, la langue des signes est devenue mon champ de bataille.” Dans ses débuts professionnels en tant qu’indépendante ou en milieu spécialisé, elle utilise cet outil même auprès de patients entendants. “Ils avaient des blocages en langage oral et pouvoir communiquer sans avoir recours à la parole a vraiment été révélateur pour beaucoup d’entre eux”, raconte-t-elle.

Sa passion pour la langue des signes a même trouvé une place dans l’éducation de son fils, pourtant entendant. Elle commence à signer avec lui dès ses 4 mois : “J’ai attendu qu’il ait un contact visuel et puisque ça faisait partie de mon métier, c’était assez automatique de ma part, je n’ai pas dû forcer.” Florence et son compagnon continuent de signer avec leur fils et celui-ci commence à produire ses premiers signes à l’âge de 8 mois. “Au fur et à mesure que notre fils grandissait, dès qu’il rencontrait une difficulté, nous l’encouragions à signer et c’est vite devenu automatique de sa part, c’était magique pour moi”, se souvient Florence. Trois ans plus tard, la famille continue d’utiliser régulièrement la langue des signes, par exemple pour communiquer dans un lieu bruyant.

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Des comptines en format papier mais aussi en vidéo

Pour continuer l’apprentissage de son fils en langue des signes, Florence improvise pour lui des comptines thématiques à partir de leur quotidien, comme une balade en forêt ou une fête de carnaval. “J’ai toujours adoré écrire et chanter. Lorsque j’ai commencé à écrire les comptines, cela me permettait de choisir le vocabulaire que je voulais transmettre à mon fils. Etant donné que j’utilisais déjà les signes avec lui, je lui chantais mes comptines avec l’accompagnement des signes.” Florence accompagne ensuite ses comptines des signes spontanément, comme elle en a désormais pris l’habitude avec son fils.

Au fil des comptines et inspirée par sa patientèle, Florence rassemble sa créativité sous la forme d’un recueil. Pour la création de son premier livre sur le thème de la rentrée scolaire, elle est accompagnée d’une illustratrice et d’un guitariste. Chaque double page illustre les quatre signes du couplet et le livre compte 16 signes en tout : “C’est une comptine assez courte. En revanche, la prochaine dédies aux émotions aura un paquet de signes plus important à apprendre”, poursuit la logopède.

Les comptines sont aussi disponibles en format vidéo à l’aide d’un QR code, et pour s’assurer de la justesse des signes, Florence a été épaulée par des professionnels : “Je suis en contact avec mes deux anciennes professeures de langue des signes pour qu’elles corrigent éventuellement ce qui ne va pas, car je signe en école et je ne rencontre plus de sourds. Je ne maitrise donc pas toujours les expressions spécifiques au monde des sourds et je tenais à créer un format qui réponde à leurs attentes.”

Les comptines ne sont pas seulement destinées aux enfants sourds, mais aussi aux entendants : l’illustration des signes facilite l’apprentissage et permet aux parents de raconter l’histoire à leur tour. A ce jour, Florence a imaginé 10 comptines qui attendent d’être illustrées : “Je m’inspire de ce que nous vivons au quotidien et une mélodie me vient ensuite en tête. Ce n’est pas du tout calculé, je ne choisis pas le thème pour écrire ma comptine parce que ça ne marche pas, j’ai déjà essayé”, rit Florence. “Il faut que ça vienne spontanément et puis c’est parti.”

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Des formations pour les professionnels de la petite enfance

Le financement de l’autoédition de ce premier livre a été un succès et les demandes sont nombreuses, sa publication est prévue pour le mois d’août avant la rentrée scolaire. Le crowdfunding pour le financement de la seconde comptine est encore ouvert, Florence et son équipe se penchent déjà sur ce projet. Ils attendent de voir le succès que rencontrera leur premier livre mais ont bon espoir de susciter l’intérêt des enfants. Florence a déjà proposé quelques matinées d’ateliers à des élèves de maternelle, qui ont rencontré un franc succès : “Certaines mamans étaient subjuguées car leurs enfants avec des tendances à l’hyperactivité sont restés captivés par les comptines pendant une heure. En portant son attention sur notre visage, l’enfant comprend mieux la prononciation des mots et c’est très intéressant pour sa progression. Le sens du message est aussi mieux transmis par la communication non-verbale.”

Dès le mois de juillet, Florence ouvre ses formations aux professionnels de la petite enfance et aux institutrices maternelles. Elle propose aussi des ateliers de comptines pour les enfants de maternelle et primaire : “Chaque atelier est ouvert aux sourds et aux entendants pour permettre une meilleure inclusion. D’habitude, il y a peu d’activités mixtes et je trouve ça dommage parce que l’échange peut être riche pour les entendants au contact des sourds, et vice versa.”

Avec son premier livre et ce type d’activité, Florence pense répondre à une certaine demande locale dans la province du Luxembourg. “Le but est vraiment d’ouvrir ces activités au plus grand nombre, car il est important de se rappeler que certains enfants n’entendent pas et qu’ils ont besoin de ce moyen de communication pour se faire comprendre”, explique-t-elle.

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"Tant que mes comptines répondront à la demande des gens, je continuerai d’en écrire”

Florence participe à l’intégration des personnes sourdes dans le milieu scolaire, mais également professionnel : des communes et des entreprises font appel à ses services pour organiser des formations à la langue des signes. “J’ai récemment été contactée par une entreprise qui a engagé 3 personnes sourdes, mais qui passaient la journée sans communiquer avec autrui. C’était compliqué pour elles parce qu’elles se sentaient isolées, même lors des pauses elles ne pouvaient pas interagir avec leurs collègues.” Les employés dans cette situation doivent faire appel à un médiateur en langue des signes, qui n’est pas toujours disponible au vu de l’importante demande et du faible nombre d’interprètes. “La direction s’est alors rendue compte qu’elle ne pouvait rester sans rien faire et a décidé de former ses employés à la langue des signes. C’est super, j’ai l’impression que la situation commence à évoluer.”

Pour la suite de son projet, Florence espère continuer de publier ses comptines et peut-être même de concevoir des jeux pédagogiques en langue des signes francophone belge. En suivant sa créativité et son inspiration, elle veut continuer à soutenir l’intégration des personnes sourdes dans le milieu scolaire : “Certains enfants sourds seraient capables de suivre l’enseignement ordinaire si les enseignants étaient formés à la langue des signes et si les enfants y étaient sensibilisés.”

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Luisa Gambaro



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