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La Commission des psychologues au cœur de la tourmente

13/12/21
La Commission des psychologues au coeur de la tourmente

Un coup de tonnerre a retenti dans le ciel de la Commission des psychologues. L’origine ? Un article du quotidien De Morgen du 2 décembre 2021 relatant des faits de malversations et de harcèlements provenant du Bureau de la Commission. L’enquête a fait grands bruits au sein de la profession. Quentin Vassart, président de l’Union Professionnelle de Psychologues Francophones et germanophones (UPPCF), nous livre son regard sur cette affaire.

Le 2 décembre dernier est paru dans le journal De Morgen un article épinglant une série de dysfonctionnements relatifs à l’activité de la Commission des psychologues, organe public chargé de faire respecter la déontologie des psychologues qui y sont enregistré·e·s  : faux jetons de présence, réunions fictives, création d’une fausse société afin de recevoir des primes et des frais de gestion… Après l’affaire Kaat Bollen, la Commission des psychologues est au cœur d’un nouveau scandale.

 Lire aussi : Chronique d’un psy : « Rififi à la Compsy »

L’affaire

Selon nos confrères du journal néerlandophone  : “Des courriers internes montrent que des réunions fictives ont été créées par des membres du personnel, juste pour s’assurer que la présidente de l’époque, C.H., obtiendrait des compensations plus élevées.” Parallèlement, la directrice J.L. recevait 15.000 euros bruts par mois auxquels s’ajoutaient 2.000 euros de frais, qui n’ont jamais été justifiés selon une source du quotidien flamand. En consultant les données de la Banque Nationale des Entreprises, on remarque qu’elle aurait alors créé une société afin d’encaisser ses frais de gestion.

Alors que ces agissements se sont vus questionnés par le personnel permanent de la Commission des psychologues, soulevant l’hypothèse d’éventuelles malversations, ceux-ci ont été contraints au silence, se voyant brandir la menace d’un potentiel licenciement. S’en est suivi de nombreux faits de harcèlement de la part de la directrice, sous forme de remarques déplacées, de pression constante, d’injures et d’attaques personnelles portant sur le physique des employé·e·s.

Dans la foulée, les employé·e·s concerné·e·s se sont retourné·e·s vers Attentia (conseil en prévention du Comité des psychologues) afin d’introduire une demande d’intervention psycho-sociale formelle pour des faits incluant du harcèlement. La procédure tardant, en l’espace de six mois, cinq des dix employé·e·s de la Commission des psychologues ont démissionné. Le rapport de l’organisme, finalisé il y a quelques semaines est très critique concernant les agissements de l’ancienne directrice qui a, depuis, été démise de ses fonctions.

Champs de compétences de la Commission des psychologues

Chaque année, de nombreux psychologues souscrivent à l’inscription à la Commission des Psychologues ou renouvellent leur cotisation. La mission de l’organisme est double  : la Commission est autorisée à tenir une liste des psychologues qui souhaitent porter le titre de psychologues. Leur deuxième tâche est de mettre en place un organe disciplinaire compétent pour les psychologues inscrit·e·s sur leur registre. Celui-ci peut suspendre ou retirer le titre de psychologue, mais ne peut pas se prononcer sur l’exercice de la psychologie clinique.
En effet, en Belgique, pour exercer légalement la psychologie clinique, il faut obtenir un visa délivré par le SPF Santé Publique. À cela s’ajoute un agrément délivré en francophonie par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celui-ci garantit que le·a psychologue possède les qualifications et les compétences nécessaires pour exercer la psychologie clinique et est donc compétent pour statuer sur l’exercice légal de la psychologie clinique. La Commission des psychologues n’est pas compétente pour statuer de l’exercice de la psychologie clinique qui est régi par le Ministère de la Santé, seul décisionnaire agréé à retirer le visa.

Réaction de l’UPPCF

Quentin Vassart, le Président de l’Union Professionnelle des Psychologues Cliniciens, s’est dit préoccupé par les révélations de ces dernières semaines. Selon lui, elle met en lumière de nombreux dysfonctionnements de la Commission dénoncés depuis plusieurs années par l’UPPCF. Il y a un flou législatif entre le port du titre de psychologue régit par la loi du 8 novembre 1993 protégeant le titre de psychologue clinicien et l’exercice de la psychologie clinique qui est réglementé par la loi de 2016 sur les professions de soins de santé. Or, suite à cette loi, le titre de psychologue délivré par la Commission des psychologues n’est plus une condition nécessaire pour exercer la psychologie clinique. Après l’obtention de son diplôme, on peut aisément se contenter du visa délivré par le SPF Santé Publique et de l’agrément de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il indique que de plus en plus de psychologues clinicien·ne·s se posent la question de l’intérêt d’encore adhérer à la Commission des psychologues.

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Une perte de confiance au sein de la profession

Pour Quentin Vassart, les éléments les plus dommageables touchent en premiers lieux les personnes qui ont démissionné : “La commission a perdu de nombreux·ses professionnel·le·s expérimenté·e·s., sans parler des conséquences inadmissibles pour ces personnes à de nombreux niveaux“. Il pointe également que lorsque l’on sonde les psychologues clinicien·ne·s en exercice, on peut observer une perte de confiance en la Commission déjà mise à mal par le flou autour de ses missions : “Les psychologues ont l’impression de s’être fait avoir. De nombreux questionnements sont mis sur la table. Quelles sont les réelles raisons de la dernière augmentation des cotisations annuelles qui s’élèvent aujourd’hui à 95 euros  ?” Ce qui met un coup de projecteur sur un manque de contrôle au sein de la Commission : “On ne doit pas rester dans le statuquo qui dessert tout le monde”, pointe le Président de l’UPPCF. Il considère qu’il faut également réfléchir à propos des qualités sur lesquelles sont sélectionnés les membres du bureau : “L’ancienne directrice a été sélectionnée pour ses qualités managériales : il y a comme un décalage.” Enfin, il déplore que cette affaire entache le crédit de toute la profession.

Face à ces constats, Quentin Vassart estime qu’il est primordial d’apporter de la clarté quant aux missions de la commission. Il va plus loin, pour lui, “il faut réunir l’ensemble du corps de psychologues sous le joug du Ministère de la Santé afin que les décisions de retrait de titre aillent de pair avec le retrait de visa.” Il faudrait également rendre les comptes de la Commission des psychologues transparents, afin d’apporter des réponses aux questionnements autour de l’augmentation des cotisations. Enfin, face à une profession qui se reconnaît de moins en moins vis-à-vis de son organe déontologique, le Président de l’UPPCF tire la sonnette d’alarme : “La commission risque de devenir obsolète s’il n’y a pas d’évolution législative”. Il considère essentiel de faire évoluer la déontologie en fonction des évolutions sociétales et législatives, en particulier depuis l’arrivée des entretiens cliniques par vidéo-consultation.

Quid de l’avenir  ?

D’après Quentin Vassart, il y a de moins en moins d’intérêt pour les psychologues de s’inscrire à la Commission puisque, depuis 2016, le seul fait de posséder un visa et un agrément, permet de pratiquer en tant que psychologue clinicien·ne.

Il ajoute : “ 90% des psychologues sont clinicien·ne·s. Les 10% restants n’ont pas besoin de visa pour exercer. Ceux et celles qui possèdent un visa et souhaitent porter le titre de “psychologue” doivent s’inscrire à la Commission. Cependant, les professionnel·le·s des champs psychologiques de l’éducation, de la recherche et du travail exercent souvent sous un autre titre que celui de psychologue. Par exemple, pour les PMS, c’est un décret qui légifère la profession. Dans les domaines du travail et des organisations, les psychologues de formation exercent sous le titre de directeur des ressources humaines."

À l’inverse, les psychologues clinicien·ne·s étaient obligé·e·s de s’inscrire à la Commission, car c’était le seul outil légal sur lequel pouvait se baser les mutuelles afin d’effectuer les remboursements mais, depuis le 1er septembre 2016, les psychologues clinicien·ne·s sont considéré·e·s comme des praticien·ne·s d’une profession des soins de santé. Ainsi, les mutuelles remboursent tous·tes les professionnel·le·s qui ont le droit d’exercer, défini sur base d’acquisition du visa du SPF Santé Public et de l’agrément de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

L’inscription à la Commission n’est donc plus obligatoire. Toutefois, cela implique que les patient·e·s sont privé·e·s d’une certaine protection puisqu’ils·elles ne pourront pas soumettre de plaintes aux instances disciplinaires de la Commission pour des violations présumées du code de déontologie. Pour Quentin Vassart, “le besoin d’intégrer le code déontologique dans le champ de la santé est de plus en plus pressant.”

Réaction de la Commission

Suite à la publication de l’article dans le journal De Morgen, la Commission des psychologues a réagi à travers un communiqué de presse en précisant que “les responsables de la Commission (Bureau et Assemblée plénières) sont conscients d’un certain nombre de problèmes issus du passé et mettent actuellement en œuvre des mesures correctives, basées en partie sur le rapport fourni par Attentia, en vue de restaurer l’intégrité de la Commission d’une part et de continuer à servir toutes les parties prenantes de manière appropriée d’autre part.

A. Teyssandier



Commentaires - 5 messages
  • Je suis tellement d'accord avec cet article.. Je n'ai plus confiance en la commission. Ses missions sont obscures et le montant de la cotisation me semble tout à fait surélevé. Je me demandais de plus en plus la raison pour laquelle nous payions autant avec le visa et l'agrément déjà obligatoires. Tout cela nécessite de la clarté !

    Charlott lundi 13 décembre 2021 15:24
  • Je n'ai jamais compris pourquoi nous devions renouveler notre adhésion CHAQUE année alors que le diplôme, nous l'avons.

    Delle mardi 14 décembre 2021 11:05
  • Si ces affirmations s'avèrent exactes, on se croirait de retour aux habitudes de certains politiciens! 17000 euros correspondent à peu près à 8h de consultations par jour, dimanches compris, sans un seul jour de répit ! En brut. Choquant et déontologiquement inacceptable, une insulte à la personne du ou de la psychologue.

    Bronselaer jeudi 16 décembre 2021 11:03
  • QUI VEUT NOYER SON CHIEN ...

    QUELS SONT LES ENJEUX DE LA CAMPAGNE MENÉE CONTRE LA COMMISSION DES PSYCHOLOGUES ?

    Si nous voulons rester sensibles à une approche non corporatiste du champ de la santé mentale et au respect de sa spécificité psycho-sociale, ne nous laissons pas abuser. Ce qui est véritablement en jeu dans les attaques menées contre la Commission des Psychologues, c'est la défense du secret professionnel, plus fragilisé que jamais, à un moment où l'érosion des garanties démocratiques protégeant les données personnelles est à ce point menacée que la vice-présidente de l'Autorité de Protection des Données (APD) - Alexandra Jaspar - vient de donner sa démission pour ne pas cautionner de fatales dérives.

    En lisant l'article publié le 16 décembre dans le Guide Social - et sans vouloir ignorer de légitimes questions - il faut se rappeler qu'«un train peut en cacher un autre», tout en gardant à l'esprit que celui «qui veut noyer son chien l'accuse de la rage». Si nous gardons la tête froide, ce soudain intérêt critique pour la Commission des Psychologues dans la presse (2 articles dans De Morgen, puis un remake dans Le Soir et dans le Guide Social) devrait nous mettre la puce à l'oreille. En effet, si la commission est loin d'être parfaite, comparativement à son passé chaotique, elle a été gérée ces dernières années mieux que jamais. C'est facile à démontrer. De plus, il est étrange de voir tout à coup critiqué par certains un système qu'eux-mêmes avaient institué (rémunération de la directrice , par exemple) et une institution dont ils ont délibérément entravé l'évolution.

    À y regarder de près, il s'agit d'une cabale : l'important est d'en saisir les enjeux. Même si certains points sont sujets à critiques, ils doivent être recontextualisés plutôt qu'instrumentalisés. Ce n'est pas le lieu de tout détailler, mais il est malheureusement clair que ceux qui s'empressent aujourd'hui d'attaquer la Commission des Psychologues sont exactement les mêmes que ceux qui ont cautionné, sous l'ancien directeur, sa gestion désastreuse et des privilèges sans rapport avec sa fonction. Qui plus est, après l'avoir soutenu, ils ont empêché l'adoption d'un Arrêté Royal d'optimisation et de démocratisation de la Commission des Psychologues. Étaient notamment prévues l'élection directe par tous les psychologues inscrits de leurs représentants à l'Assemblée Plénière (l'équivalent d'un CA), la nomination d'un(e) psychologue - et non plus d'un(e) juriste - à la présidence, la désignation par le ministère de tutelle d'un Commissaire du Gouvernement chargé du contrôle de la gestion et des comptes.

    Rédigé par une juriste du cabinet des Classes Moyennes, ce projet d'arrêté était le fruit du consensus de toutes les associations représentées à la Commission. Il se trouvait sur le bureau du Conseil des Ministres, prêt à être signé. Mais du jour au lendemain, sans préavis, la VVKP (association majoritaire de cliniciens flamands) et l'UPPCF (association de cliniciens francophones) ont changé d'avis. Tout à coup, ils ne voulaient plus d'une Commission des Psychologues rénovée, transparente, efficace ... Au regard de leurs dénonciations actuelles, ce revirement laisse rêveur mais il est facile d'en saisir la portée. Sous les discours rassurants aux oreilles de jeunes psychologues aux abois - «Vous êtes désormais une profession de la santé» - se dessine hélas un piège funeste pour leur pratique ainsi que pour l'ensemble du secteur de la santé mentale.

    Car bien évidemment, les psychologues cliniciens ont toujours travaillé officiellement dans le domaine de la santé (SSM, etc.) sans le confondre pour autant avec celui de la médecine. Les mutuelles l'ont compris lorsqu'elles ont initié des remboursements pour consultations psychologiques en se gardant de questionnaires intrusifs pour leurs affiliés. La Commission des Psychologues, de son côté, reste gardienne d'un code de déontologie spécifique, rédigé par des représentants autorisés de tous les secteurs de la psychologie. Ce code est exigeant en matière de secret professionnel et l'adhésion à ses normes conditionne l'octroi du titre de psychologue — et c'est évidemment là que la commission dérange et qu'il serait confortable de la tranférer vers le SPF-Santé pour la mettre aux normes techno-médicales. Ceci du moins dans la logique de celles et ceux qui, en s'inscrivant dans le sillage de Maggie De Block , ont empêché la mise en oeuvre d'un Conseil Supérieur de la Santé Mentale tel que prévu par la loi Onkelinx sur la psychothérapie et la psychologie clinique. Ce conseil devait réunir tous les représentants du terrain réel (psychologues, travailleurs sociaux, éducateurs, infirmiers, médecins généralistes, psychiatres, psychothérapeutes, policiers de quartier, enseignants, ...) pour penser la spécificité d'un champ thérapeutique dont l'accès est souvent barré par un sentiment de honte, de culpabilité ou de peur. On comprend sans peine qu'il requière une confidentialité sans faille et un secret professionnel rigoureux, incompatibles avec un dossier médical où tout pharmacien, en un click, sait ce que vous avez consommé durant l'année. Comme l'attestent des incidents répétés, la «sécurité informatique» s'avère en ce domaine illusoire, de même que tout «consentement éclairé» semble relever ici de la case à cocher plutôt que d'un véritable choix. Il est temps d'élaborer des critères de formation, d'organisation et d'évaluation accordés au domaine spécifique de la santé mentale — un champ contigu et complémentaire à la techno-médecine mais hétérogène à celle-ci.

    Du projet de «Conseil Supérieur» évoqué ci-dessus, ouvert sur l'avenir et respectueux de l'autonomie des psychologues, il ne reste que le nom. Leur identité, leur liberté thérapeutique, sont moins reconnues à ce jour que celles des dentistes. Le Conseil de la Santé Mentale a été réduit à une instance corporatiste de psychologues, d'orthopédagogues et de médecins . Il travaille en secret. En échange d'un «pseudo-code» de remboursement - terme employé par l'INAMI - les prestations conventionnées sont formatées selon un mode hospitalo-centré qui fait peu de différence entre le placement d'une prothèse et l'accompagnement d'un deuil. La spécificité des psychologues n'est pas prise en compte.

    Si l'on ajoute que le principe d'égalité entre psychologues de formation identique, le libre choix des patients, le secret professionnel, semblent des valeurs périmées, on comprend que la Commission des Psychologues apparaisse comme un obstacle à éliminer. La campagne menée contre elle - en toute bonne foi par certains, par pur goût du pouvoir chez d'autres - devrait nous alerter.

    Francis Martens, président de l'APPPsy
    17 décembre 2021

    Francis Martens samedi 18 décembre 2021 14:00
  • J'ai siégé longtemps à la commission et lorsque j'ai été évincé par la directrice pour qu'elle puisse asseoir son pouvoir je les avais prévenus de ses agissements douteux au travers de détournements de fonds et de facturation abusive ! Je ne suis pas étonné que sous le règne de cette directrice la commission se soit totalement perdue.
    Triste sort venu de décisions politiques égoïstes !

    Gyzmoo jeudi 23 décembre 2021 10:50

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