Pas le temps de souffler : les infirmiers saturés
Avec la fin de la première vague, on pourrait croire que les infirmiers soufflent enfin mais c’est tout le contraire qui se passe : arrivée des patients hors-Covid, manque de personnel, rebond des contaminations... A cran, les infirmiers saturent.
Avec tout le courage et la ténacité qui les caractérisent, les infirmiers ont survécu, tant bien que mal, à la première vague. Alors qu’il serait temps pour eux de se reposer, ils n’ont malheureusement pas droit au répit. Le retour des patients hors-Covid, les conditions de travail toujours aussi pénibles et la hausse des infections poussent les infirmiers à bout.
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“On n’est donc pas saturés de cas Covid mais de tout le reste”
Les infirmiers doivent faire face au retour en force des patients “normaux” qui ont dû reporter leur consultation à l’hôpital depuis de nombreux mois. La prise en charge tardive des patients a ainsi aggravé mais aussi augmenté le nombre de cas de maladies graves. « D’habitude, ces patients lourds représentent 30% du total. Aujourd’hui, on tourne entre 50-70% parce que les gens ont attendu avant d’être pris en charge, de peur du coronavirus. On n’est donc pas saturés de cas Covid mais de tout le reste », explique Yannick Hansenne, chef des soins intensifs au CHC de Liège au magazine Moustique.
Comme s’il n’y avait pas déjà assez de boulot comme ça, les hospitalisations de malades Covid repartent à la hausse. La prise en charge de ces patients en soins intensifs, bien que peu, représente tout de même une charge de travail supplémentaire. Pour des soignants qui carburent depuis de nombreux mois, c’est la goutte d’eau de trop. Ainsi, Jérôme Tack, président de SIZ Nursing affirme dans Moustique que « de base, nous avons une activité de 80-90% des lits pris en soins intensifs. Sauf qu’à cela, on va ajouter 25% de patients Covid. Ça va être très compliqué ». Compliqué au point qu’ils vont devoir renvoyer des patients dehors alors qu’un jour ou deux en plus en soins intensifs ne leur feraient pas de mal.
A l’arrivée massive de patients “normaux” et au rebond des hospitalisations Covid-19, il faut encore ajouter le sous-effectif des équipes. Alors qu’en moyenne, un patient Covid en soins intensifs nécessite les soins d’une infirmière à part entière, Jérôme Tack souligne que le manque de personnel contraint les infirmiers à traiter au moins trois patients dans ce type de service.
"On est dans un cercle vicieux” : les infirmiers proches du burn-out
La demande en soins intensifs était telle que les soignants ont dû constamment reporter leurs congés. Aujourd’hui épuisés, ils aimeraient s’offrir une pause mais sont obligés de tenir le coup à cause du manque de personnel. « Le risque de burn-out atteint vraiment ses limites chez un grand nombre de personnes. Et si certains collègues ne prennent pas leurs congés, cela va être très compliqué. Mais en même temps, s’ils prennent leurs congés, on va manquer de personnel sur le terrain. On est dans un cercle vicieux. Les horaires de fin d’année vont vraiment être impossibles », déplore Jérôme Tack.
Dans certains hôpitaux, la prise de congé inévitable a entraîné la suppression de lits. Cependant, ce phénomène n’est pas nouveau : « C’est un tabou mais en Belgique, on a des lits qui sont fermés continuellement et des opérations annulées par manque d’infirmiers. Je serais vraiment curieux de voir ce qui va se passer en décembre, quand le personnel en aura marre de devoir annuler ses congés. Je suis certain qu’il y aura plein de lits de soins intensifs fermés », annonce Arnaud Bruyneel, vice-président de SIZ Nursing, dans le magazine Moustique.
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Des solutions à long terme sont nécessaires
Pour comprendre cette situation, il faut remonter à la source du problème : le nombre d’étudiants inscrits en soins infirmiers ne fait que chuter. Le salaire insuffisant et les conditions de travail médiocres dissuadent les jeunes d’apprendre ce métier. Il est donc plus que temps de redorer l’image des soignants et de revaloriser leurs compétences.
En outre, Arnaud Bruyneel regrette l’absence totale de visibilité des infirmiers dans les médias et parmi les experts. Comme il fait remarquer, ce ne sont jamais eux qu’on va interroger pour des reportages. En cette période de crise, la promotion de la santé est vitale et pourtant, même pour ce genre de matière, les infirmiers ne sont pas écoutés.
Quant aux autorités politiques, il semblerait qu’elles les aient négligés aussi : « On a entendu parler de primes Covid et des défiscalisations d’heures mais on n’a presque rien eu », se désole Jérôme Tack. Ce n’est que par des réformes et un refinancement de la part du gouvernement que de réels changements peuvent être apportées pour pallier le manque de personnel et améliorer les conditions de travail de ces soignants.
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