Vers une filière unique pour les infirmières en Fédération Wallonie-Bruxelles : une bonne nouvelle, selon l’UGIB
En Fédération Wallonie-Bruxelles, la nouvelle majorité MR – Les Engagés souhaite réduire la formation en soins infirmiers à une seule filière, celle du bachelier. Une annonce qui va dans le sens des revendications de l’Union Générale des Infirmiers de Belgique, nous explique sa coordinatrice Deniz Avcioglu.
Juste avant la pause estivale, la toute nouvelle majorité en Fédération Wallonie-Bruxelles (MR – Les Engagés) a présenté, dans sa Déclaration Politique Communautaire (DPC), les grandes lignes qui jalonneront les cinq années de cette législature.
L’un des points de ce document est consacré à la formation des infirmier.ère.s. Concrètement, après avoir examiné le paysage des formations, la nouvelle coalition entend garder une seule filière : celle du bachelier en soins infirmiers.
Pour rappel, aujourd’hui, deux parcours sont possibles pour exercer le métier d’infirmier.ère :
- d’un côté, le bachelier professionnalisant, dispensé en Haute Ecole ou en promotion sociale (A1) ;
- de l’autre, le brevet obtenu dans l’enseignement professionnel secondaire complémentaire ou dans l’enseignement secondaire de promotion sociale du quatrième degré (A2).
L’annonce de la nouvelle majorité francophone est-elle une bonne nouvelle pour le métier ? C’est la question que Le Guide Social a posé à Deniz Avcioglu, coordinatrice au sein de l’Union Générale des Infirmiers de Belgique (UGIB).
"Il faut les même droits pour toutes les infirmières"
Le Guide Social : Un passage à une seule filière de bachelier en soins infirmiers serait-il une bonne nouvelle ?
Deniz Avcioglu : En tant qu’UGIB, nous avons toujours été favorables à une seule filière de formation, débouchant à un titre unique, conforme aux exigences européennes. Nous défendons aussi que le visa - pour pouvoir pratiquer - soit accordé à partir du niveau 6, c’est-à-dire un bachelier avec quatre ans de formation.
Attention, ici nous parlons bien des étudiant.e.s qui vont s’engager aujourd’hui dans la formation pour le futur. On ne parle pas des infirmier.ère.s déjà formé.e.s.
Le Guide Social : Pourquoi c’est important pour vous qu’il n’y ait qu’une seule formation ?
Deniz Avcioglu : Il faut que la fonction soit claire pour tout le monde, et pour cela il faut une seule filière de formation qui mène à un seul titre. Il faut aussi les mêmes reconnaissances et les même droits pour tout.e.s les infirmier.ère.s.
Aujourd’hui, il y a une fragmentation de la formation qui crée une fragmentation de la profession et une confusion à la fois pour les professionnel.le.s des soins de santé, et pour les bénéficiaires de soins qui ne savent pas par qui ils/elles sont soigné.e.s.
De plus, si nous estimons qu’un.e infirmier.ère doit être euromobile, donc pouvoir aller dans un autre pays de l’UE pour soigner, l’Européen.ne qui vient en Belgique doit pouvoir être soigné.e par un.e infirmier.ère responsable en soins généraux [donc qui répond aux critères européens, ndlr].
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"La différence se situe à la fois au niveau de l’intitulé du diplôme et dans le niveau de la formation"
Le Guide Social : Aujourd’hui, les infirmier.ères titulaires d’un bachelier ou d’un brevet sont équivalent.e.s ?
Deniz Avcioglu : Dans les deux cas, on parle d’infirmier.ère.s. Dans le cas des A1 [titulaires d’un bachelier, ndlr], on parle d’infirmiers responsables en soins généraux (IRSG), alors que pour les A2 [titulaires d’un brevet, ndlr], on parle d’infirmiers hospitaliers. La différence se situe à la fois au niveau de l’intitulé du diplôme et dans le niveau de la formation.
Le Guide Social : Quelque chose change dans la pratique ?
Deniz Avcioglu : Les deux exercent le même métier.
Mais les infirmier.ère.s hospitalier.ère.s ne peuvent pas faire de master, ne peuvent pas faire de spécialisation et n’ont pas accès à certaines fonctions car, par exemple, une législation hospitalière prévoit que pour être infirmier en chef il faut être titulaire d’un master. Elles/Ils n’ont donc pas les mêmes droits.
Tout cela n’est pas forcément clair pour les étudiant.e.s. Moi-même je suis infirmière de formation et quand j’ai fait mes études je ne savais pas qu’il existait des formations A1 et un A2. J’ai choisi mon école en fonction de sa situation géographique et non pas du fait que c’était un bachelier ou un brevet.
"Cela permet de développer le talent de chacun et chacune, au bon endroit"
Le Guide Social : Le Fédéral a créé la nouvelle fonction d’assistant.e en soins infirmiers. Etes-vous favorables ou pensez-vous qu’il ne doit y avoir que la fonction d’infirmier.ère, justement pour éviter la fragmentation ?
Deniz Avcioglu : Nous sommes favorables à la création de la fonction d’assistant.e en soins infirmiers (ASI) car nous sommes favorables à une formation de différents niveaux.
Selon nous, cela permet à un plus grand nombre de personnes de pouvoir s’inscrire dans la filière des formations aux soins de santé mais avec des niveaux adaptés à leurs capacités et à leurs centres d’intérêts. Tout le monde ne veut pas devenir infirmier chercheur clinicien.
De plus, cela permet d’avoir le principe de subsidiarité. Chacun effectue l’acte qui est dans ses compétences, à son niveau. Aussi, cela permet de développer le talent de chacun.e, au bon endroit. Dans ce contexte il est essentiel d’avoir une différenciation claire entre la fonction et les compétences de l’infirmier responsable de soins généraux et l’assistant en soins infirmier.
C’est pour cela qu’il faut des formations solides et claires.
Le Guide Social : La nouvelle fonction d’assistant.e en soins infirmiers pourrait changer quelque chose à la formation en soins infirmiers ?
Deniz Avcioglu : Pour les bacheliers, cela ne change rien. Pour le brevet, la législature sortante de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est posée la question de créer ou pas une formation d’assistant.e.s en soins infirmiers car il y avait déjà les infirmier.ère.s breveté.e.s.
Plusieurs scénarios ont été envisagés : maintenir les bacheliers, les brevetés et créer la formation des assistants de soins infirmiers ; ou enlever les brevetés et maintenir les bacheliers et les assistances soins infirmiers ; ou encore ne pas créer de formation d’assistante en soins infirmiers et rester dans la configuration actuelle.
En tant qu’UGIB nous avons été en faveur de la deuxième option.
"La question la plus importante ? Celle des passerelles entre les formations !"
Le Guide Social : Si le gouvernement francophone respecte ses engagements et réduit à une seule formation pour les infirmier.ère.s, à quoi l’UGIB sera attentive ?
Deniz Avcioglu : La formation bachelière qui se fait au niveau des Hautes Ecoles est conforme à la législation européenne donc il n’y a pas de questionnement par rapport à cela.
En revanche, encore une fois, il est essentiel d’avoir une différenciation claire entre la fonction et les compétences de l’infirmier responsable en soins généraux (IRSG) et de l’assistant en soins infirmiers (ASI). Ensuite, la question la plus importante est celle des passerelles entre les formations. Il faut qu’elles soient fluides et réalisables pour permettre aux professionnel.le.s de continuer à se former et à évoluer dans leur carrière. C’est ce qu’on appelle l’ascenseur social.
Le Guide Social : Dans la Déclaration politique communautaire, la majorité annonce également qu’une attention particulière sera donnée aux conditions de stage des étudiant.e.s, notamment pour améliorer l’attractivité du métier...
Deniz Avcioglu : Cela va également dans le sens de ce que nous demandions, parce qu’effectivement les stages sont en partie le reflet de ce qui attendent les étudiant.e.s. Ils sont importants parce que quand on est bien intégré.e dans les équipes, on se sent bien et on peut bien se projeter dans sa profession.
Le souci étant qu’aujourd’hui, vu le manque énorme d’effectifs, les infirmier.ère.s sont parfois surchargé.e.s et la transmission de l’information n’est pas toujours fluide.
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Le Guide Social : Quelles sont vos revendications à ce sujet ?
Deniz Avcioglu : Il faut renforcer ce qu’on appelle des infirmier.ère.s-professeur.e.s qui évaluent les étudiant.e.s en stage et les infirmier.ère.s ICANE (infirmière chargée de l’accueil des nouveaux engagés) qui sont là pour accueillir les étudiant.e.s.
Enfin, il faut soutenir les déplacements et logements pour se rendre aux stages plus éloignés du domicile.
Propos recueillis par Caroline Bordecq
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