Rééducation périnéale : "Des sages-femmes sanctionnées par l'INAMI"

Bien que formées à cette pratique, les sages-femmes indépendantes n’ont pas la possibilité d’offrir un remboursement des séances de rééducation du périnée à leurs patientes, contrairement aux kinés. Nombreuses praticiennes contournaient cette situation en utilisant un code INAMI « fourre-tout ». Face à cette utilisation abusive, l’INAMI a serré la vis et a sanctionné des sages-femmes.
« Nous sommes victimes d’une chasse aux sorcières comme si nous étions des illégales, des fraudeuses », s’insurge une sage-femme indépendante, qui a souhaité garder l’anonymat par peur des représailles. « Quatre de mes collègues ont reçu un courrier où on les accuse de fraude à l’INAMI. C’est d’une profonde injustice. Une de ces professionnelles craint carrément de devoir contracter un prêt pour payer l’amende, pour rembourser les heures qu’elle a prestées. C’est fou. L’INAMI a directement procédé à des sanctions, sans rappel à l’ordre préalable. Cela met dans l’embarras toute une profession. » Mais, que reproche concrètement l’INAMI à ces indépendantes ? D’avoir utilisé de manière incorrecte un code INAMI dans le but de permettre aux patientes d’obtenir le remboursement de leurs séances de rééducation périnéale. Or, les sages-femmes n’en ont pas le droit…
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Elles attendent depuis 2006 le fameux code
Actuellement, seuls les kinésithérapeutes sont autorisés à offrir un remboursement des séances de rééducation périnéale aux femmes. Par contre, les sages-femmes, n’en ont pas le droit et ce malgré le fait qu’elles sont tout aussi formées à cette pratique. « Dans notre cursus de base, nous avons des cours au sujet de la rééducation périnéale. De plus, dans les écoles, on nous invite vivement à nous former davantage à cette pratique. Et donc, depuis des années, beaucoup d’indépendantes se sont spécialisées. Elles pratiquent cette rééducation et la facturent aux mutualités », pointe-t-elle. Et de rajouter : « Depuis 2006 nous attendons l’approbation de ce fameux code nous permettant les remboursements pour les séances de rééducation périnéale », note-t-elle. « Ironie de la situation : les kinés l’ont demandé en 2014 et reçu en 2016 ! »
Souci et de taille : comme elles ne disposent pas d’un code INAMI prévu à cet effet, les professionnelles utilisaient, depuis de nombreuses années maintenant, un code INAMI à la dénomination plutôt vague pour permettre aux patientes de bénéficier d’un remboursement des séances. « On justifiait ces soins avec le code « consultation en cas de complications post-partum. » Cela veut tout dire ou rien dire... C’était le seul code à notre disposition qui nous permettait de justifier les soins de rééducation du périnée. Cette dernière nécessite neuf séances. Beaucoup de femmes n’ont pas les moyens de financer tout cela de leurs poches. »
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Une amende salée…
Face à ce qu’il juge comme une utilisation abusive du code voire carrément une fraude, l’INAMI est passé à l’action récemment afin de faire respecter la législation en vigueur. L’arrêté royal n°78 relatif à l’exercice des professions des soins de santé prévoit à l’ Art. 21octiesdecies, §4 : « Le Roi fixe, après avis du Conseil fédéral des Sages-femmes, les modalités et les critères de qualification particulière permettant au titulaire du titre professionnel de sage-femme de pratiquer la rééducation périnéo-sphinctérienne. » Et, à ce jour, le Roi n’a pas encore fixé ces modalités. La rééducation périnéale est donc bel et bien réservée aux kinésithérapeutes, pointe-t-on du côté de l’institut national d’assurance maladie invalidité.
Une lettre recommandée a donc été envoyée à plusieurs praticiennes. Elles sont tenues de fournir des dizaines de preuves concernant une série de prises en charge. « Mes collègues ont des ennuis judiciaires. Une de ces personnes est accusée de pratique illégale de la kinésithérapie. Une première audience a eu lieu et elle a fait appel. Actuellement une enquête est en cours et les avocats sont sur le coup. On parle quand même d’un risque de devoir rembourser 30.000 euros ! L’amende peut en effet aller de 5 à 150% du remboursement initial… C’est totalement injuste. Ces professionnelles ne l’ont pas fait pour s’en mettre plein la poche mais pour aider les femmes à accéder à des soins. » Elle rajoute : « L’INAMI nous dit : vous avez le droit d’effectuer ces gestes sur vos patientes mais vous n’avez pas le droit de nous les facturer. »
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Un coup dur pour les professionnelles et les patientes
Pour notre interlocutrice, c’est un vrai coup dur pour beaucoup de sages-femmes indépendantes qui pratiquent la fameuse rééducation. Certaines ont centré leurs services sur cette pratique. Elle juge également que c’est une catastrophe pour les patientes. « Certaines ne sont pas d’accord d’aller chez un kiné. Elles veulent une continuité des soins avec leur sage-femme. Pourquoi devoir aller voir quelqu’un d’autre quand on est contente et en confiance ? Parfois chez le kiné, elles ne font l’objet d’aucun examen ou doivent suivre des séances collectives. Cela en refroidit certaines. Après loin de moi l’idée de dire que les kinés ne travaillent pas bien. Certains sont convenablement formés et offrent une prise en charge correcte. »
Face à ce resserrement des règles, la plupart des sages-femmes indépendantes ont choisi de cesser tous les remboursements pour les séances de rééducation périnéale. Une question de survie. Elles ne peuvent évidemment pas se permettre de subir les lourdes sanctions de l’INAMI.
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E.V.
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