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"Un infirmier sur 10 envisage de quitter la profession"

03/02/20

Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) et la KU Leuven ont constaté que les infirmiers qui travaillent dans les hôpitaux belges s’occupent en moyenne de 9,4 patients, alors que la norme de sécurité internationalement acceptée est de 8 patients par infirmier maximum. Le KCE préconise donc que des moyens supplémentaires soient investis et que l’on veille à ce qu’ils soient utilisés efficacement pour réduire le nombre de patients par infirmier. Les hôpitaux doivent rendre l’environnement de travail attrayant, sûr et agréable pour leur personnel infirmier et les décharger des tÍ¢ches pour lesquelles ils sont surqualifiés. Ces mesures permettront de diminuer le risque de burn-out et de rendre la profession plus attrayante.

[DOSSIER]
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En 2009, la KU Leuven avait réalisé une large étude européenne montrant que le risque de mortalité dans les hôpitaux diminue quand il y a suffisamment d’infirmiers et que ceux-ci sont plus qualifiés. Des conditions qui garantissent également de meilleurs résultats et un vécu plus positif pour les patients, et davantage de satisfaction au travail pour les infirmiers. Cette étude avait révélé que, dans les hôpitaux belges, le nombre moyen de patients par infirmier était de 11, alors que l’on admet généralement, à l’échelon international, que la sécurité du patient n’est plus assurée au-delà de 8 patients par infirmier. À la suite de cette étude, plusieurs pays/régions ont mis en place une politique de renforcement du nombre d’infirmiers, et ont fixé un quota maximum de patients par infirmier pour chaque type de service, afin de garantir des environnements de soins sûrs.

Enquête auprès de 5.000 infirmiers dans 84 hôpitaux

Ces dernières années, en Belgique, les conditions de travail des infirmiers ont été améliorées via des accords sociaux, mais aucune politique structurelle n’a été mise en place pour réduire le nombre de patients qu’ils ont en charge. Aujourd’hui, dix ans plus tard, le KCE a réédité l’enquête de 2009, avec la même équipe de recherche de la KU Leuven, pour voir si la situation professionnelle des infirmiers avait évolué dans nos hôpitaux. Près de 5 000 infirmiers ont été contactés, dans 84 hôpitaux. Ils ont été interrogés au sujet de leur charge de travail, de leur satisfaction et de leur perception de la qualité des soins.

Leur nombre a augmenté...

La bonne nouvelle est que le nombre d’infirmiers a augmenté dans les hôpitaux belges au cours des dix dernières années, ce qui a entraîné une légère diminution du nombre de patients par infirmier. Par ailleurs, de plus en plus d’infirmiers (63 %) sont titulaires d’un diplôme de niveau bachelier. Les infirmiers eux-mêmes estiment qu’ils sont désormais mieux soutenus par leurs superviseurs et que leurs relations de travail avec les médecins se sont améliorées.

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…mais il reste insuffisant, surtout en gériatrie

La moins bonne nouvelle est que leur nombre reste insuffisant pour répondre aux besoins croissants de soins. Chaque infirmier est toujours responsable de 9,4 patients en moyenne (soit 7 patients le matin, presque 9 l’après-midi et 18 la nuit), ce qui, selon les normes internationales, est considéré comme peu sûr. C’est notamment le cas dans les services de médecine interne, de chirurgie et de gériatrie.

Certains soins nécessaires ne sont pas fournis

Les infirmiers eux-mêmes ont également indiqué qu’ils sont de plus en plus souvent dans l’impossibilité, par manque de temps, de réaliser tous les soins nécessaires. Selon eux, ce problème n’a fait que s’aggraver au cours des dix dernières années, notamment parce qu’ils doivent effectuer de nombreuses autres tâches pour lesquelles ils sont surqualifiés. Ainsi par exemple, 82 % déclarent devoir servir des repas et 61 % devoir véhiculer des patients, tâches que les hôpitaux pourraient tout aussi bien attribuer à des aides-soignants ou à du personnel non soignant.

En raison de cette charge de travail, 37 % ont déclaré que, lors de leur dernière prestation, ils n’ont pas pu surveiller correctement leurs patients et n’ont pas pu les changer de position pour leur éviter des escarres. Plus de la moitié n’ont pas de temps à consacrer à l’information des patients. Et près de 70 % ont indiqué ne plus avoir le temps de parler avec les patients ou de les réconforter. Non seulement cette situation est dangereuse et/ou inconfortable pour le patient, mais elle contribue également à l’insatisfaction croissante des infirmiers.

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Un infirmier sur 10 envisage de quitter la profession

Un infirmier sur quatre n’est pas satisfait de son travail actuel, et 36% sont même menacés d’épuisement professionnel. Par ailleurs, 10% envisagent de quitter la profession. Ces résultats ne se sont pas améliorés au cours des dix dernières années.

Éliminer en un an les situations où la sécurité n’est pas assurée

La conclusion de l’étude est qu’il est nécessaire de mettre en place une politique fixant un nombre légal maximum de patients par infirmier, et d’y investir les moyens nécessaires, afin d’améliorer à la fois les conditions de travail des infirmiers et la sécurité des soins. Les tâches qui ne relèvent pas des soins infirmiers devraient être prises en charge par d’autres professionnels. Comme on le voit dans d’autres pays, ces mesures permettraient d’augmenter l’attrait de la profession, d’y attirer un plus grand nombre de nouvelles recrues et de diminuer le nombre d’abandons.

Dans un premier temps, les situations à risques devraient être supprimées dès cette année. Cela nécessiterait une augmentation des effectifs de 1 629 équivalents temps plein, c’est-à-dire un budget annuel supplémentaire de près de 118 millions d’euros. Cette mesure doit être considérée comme une mesure d’urgence, et comme le minimum absolu de ce qui doit être entrepris.

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Des quotas sûrs dans les 5 ans

Pour une politique plus durable, il est souhaitable de fixer, endéans les 5 ans, un nombre optimal de patients par infirmier, par type de service (en fonction de l’intensité des soins et du type de pathologie) et par équipe (jour/nuit). Cela nécessite des actions concrètes de la part des autorités fédérales et régionales, du secteur hospitalier et des associations professionnelles d’infirmiers.

Pour les services de chirurgie, de médecine interne, de gériatrie, de revalidation et de pédiatrie, ce renfort représente environ 5500 infirmiers à temps plein, pour un budget annuel supplémentaire de plus de 403 millions d’euros.

Des premières mesures ont déjà été prises

Récemment, le Parlement fédéral a décidé de créer un fonds pour l’engagement de personnel de santé supplémentaire, à titre de mesure provisoire. Ce fonds a été crédité de 67 millions d’euros à la fin de l’année dernière, et 100 millions devraient être libérés pour le premier trimestre de 2020. Toutefois, il est prévu que ce fonds finance non seulement les types de services étudiés par le KCE, mais aussi, entre autres, les services et hôpitaux psychiatriques, ainsi que les soins à domicile. Le KCE préconise donc que des moyens supplémentaires soient investis chaque année, de façon structurelle, et que l’on veille à ce qu’ils soient utilisés efficacement pour réduire le nombre de patients par infirmier dans les services où c’est le plus nécessaire.

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Créer un environnement de travail sûr et agréable

Le secteur hospitalier doit rendre l’environnement de travail des infirmiers attrayant, sûr et agréable. Cela signifie non seulement un cadre infirmier suffisant et monitoré en permanence, mais aussi un investissement dans le leadership, une participation de la direction du département infirmier à la gestion de l’hôpital, de bonnes relations avec les médecins et une bonne qualité des soins.

Rendre la gériatrie plus attrayante

Des initiatives sont également nécessaires pour rendre les soins gériatriques plus attrayants pour les infirmiers. Ces initiatives pourraient être prises au niveau des pouvoirs publics (p.ex. avec des campagnes pour redorer l’image de ce secteur), de la formation (p.ex. en accordant une attention accrue à la gériatrie dans la partie théorique et dans les stages), des partenaires sociaux et du secteur hospitalier (p.ex. par l’importance accordée aux soins et à l’expertise en gériatrie).

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