Le bulletin social : "La magie scientifique au secours des politiques"

Alors que l’on nous annonce qu’un futur gouvernement est sur les rails, T. Persons a eu l’occasion de s’entretenir avec un de nos Élus qui - pour d’obscures raisons - a préféré garder l’anonymat…
« Supercallifragilisticexpialidocious »
M. Poppins
J’en ai une bonne pour vous. L’autre jour, j’étais sereinement occupé à regarder ma bulle sociale s’activer ardemment autour d’un jeu de société lorsque mon téléphone s’est mis à vibrer. Il faut savoir que, lorsque cet engin de malheur se met en route, tel un chien de Pavlov, je me mets à saliver : du travail ! Et pour être honnête, en ces temps de crise, même si l’on appelle un dimanche après-midi, je réponds. Étais-je émoustillé par l’idée de recevoir une nouvelle demande ? Oui, au point de ne pas reconnaître le numéro de téléphone de mon Ministre préféré…
On ne va pas se mentir, ça n’allait pas fort pour lui… Une crise à gérer, des masques et des vaccins à commander. Tant de décisions et d’économies à faire, c’en était trop pour un homme de pouvoir habitué à déléguer ce genre de basse besogne à des sous-fifres. D’une nature assez courtoise, de prime abord, je lui ai demandé s’il voulait simplement prendre rendez-vous afin qu’on en discute, qu’on fasse le point sur sa vie, sur ses perspectives, ses regrets et ses capacités. Une sorte de bilan de compétence en soi, pour le futur. Ça ne pouvait certes pas lui être inutile pour le casting de notre prochain gouvernement. Malgré tout, sa réponse fut assez cinglante. Non, mais non, me dit-il, j’y crois pas à toutes vos conneries, moi !
Ah. Un sceptique. Je lui ai donc répondu qu’avec tout le respect que je lui devais, il semblait faire un amalgame entre les croyances et les faits. On peut croire ou pas en une divinité suprême qui régirait la famille libérale francophone. Par contre, il est difficilement soutenable de penser que la terre est plate. Elle est ronde mon Philou, insistai-je. Les sciences ne sont pas matière de croyances, mais uniquement des faits tangibles, vérifiables, d’hypothèses que l’on peut tester, puis inférer. Ah bon ? me dit-il, intéressé. Une sorte de vérité qu’on ne peut contredire ? Parce qu’à l’heure actuelle, je te l’avoue, c’est de ça dont j’ai besoin, exprima notre Élu d’un air décidé.
Il ne vaut mieux pas plonger du côté obscur
Non ! déclamai-je avec un ton semblable aux sitcom françaises des années nonante. Une vérité qu’on ne peut contredire, c’est l’opposé de la science. C’est le dogme, l’obscurantisme. Parfait ! me dit le Ministre, c’est exactement ce qu’il me faut. Et ça se trouve où les dogmes ? Ça se commande ? Amazon ? Wish ?
Ah, non, mon Philou, soulignai-je. Il ne vaut mieux pas plonger du côté obscur. Non, il va falloir faire confiance à la science, au progrès, à l’innovation et puis, surtout à l’humain. Ah, bah c’est trop tard, j’ai commandé 3 millions de pensées dogmatiques venant de Russie. C’était le moins cher. Perplexe, je lui demandai la raison de son appel, si au fond, il n’attendait pas de moi un quelconque service. Et c’est là qu’on touche à quelque chose d’important. Il ne voulait pas de mon aide, il préférait s’enquérir de mon expertise. J’ai besoin que tu me pondes un texte scientifique disant qu’on peut raccourcir la quarantaine, parce qu’à ce rythme-là, tous les fainéants de Belgique vont se retrouver coincés chez eux… C’est pas bon pour l’économie, tu piges ? me susurra-t-il.
Alors, j’ai pris le temps de lui expliquer qu’on ne pouvait pas faire plier la science pour qu’elle colle à ses envies. Au contraire, c’est au Politique de prendre des actions en fonction de ce que les experts lui disent. Pas l’inverse. Jamais ! J’ai insisté sur le fait que l’histoire regorge de Gouvernements qui ont voulu faire plier les scientifiques. J’ai argumenté en lui disant que c’était grave et qu’on ne pouvait pas aller vers des experts comme on va au restaurant en s’attendant à ce qu’on vous serve le steak exactement comme vous l’avez demandé. Il y a eu un blanc de cinq secondes, puis il m’a dit, platement : Oui, mais non, mais j’y crois pas à toutes vos conneries, moi.
En conclusion, je n’ai pas su répondre aux attentes de mon Ministre adoré. Je lui ai conseillé malgré tout d’écouter d’autres professionnels de la santé, des experts dans leur domaine, avant de commencer à faire quoi que ce soit de stupide. M’écoutera-t-il ? Je ne le crois pas. Prendra-il ses responsabilités le jour où on lui demandera des comptes ? Allons-nous, dans le futur, assister à une vraie commission d’enquête qui prendra le temps de comprendre les prises de décision de nos Ministres ? Un vrai travail de démocratie politique ! Je peux vous le confier, à vous, malheureusement, je ne crois plus à toutes ces conneries…
T. Persons
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