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Les ASBL, de futures entreprises marchandes ?

20/03/18
Les ASBL, de futures entreprises marchandes ?

Initiée par le ministre de la justice, Koen Geens, la réforme du Code des sociétés inquiète particulièrement le secteur associatif, qui craint que les futures ASBL soient traitées comme des entreprises marchandes. Plusieurs associations, regroupées sous l’égide de la Fédération des Maisons Médicales, ont co-signé une carte blanche, s’opposant fermement au projet du ministre.

Quel est le point commun entre une ASBL et une entreprise marchande ? Rien ! répondra le secteur associatif, qui voit en la première, un rassemblement citoyen en vue de créer une plus-value sociétale et en la seconde, un objectif premier exclusivement pécunier. Pourtant, pour le ministre de la Justice, Koen Geens, la situation est différente. Ainsi, en tenant compte du fait que les associations réalisent parfois du lucre, le ministre entend les incorporer dans le même Code que les sociétés marchandes. Les ASBL crient au scandale. La Fédération des Maisons Médicales (FMM), à l’origine d’une pétition contre le projet, a signé, avec plusieurs associations du secteur, une carte blanche pour dénoncer cette nouvelle loi.

Code des sociétés, travail semi-agoral…

Le monde associatif semble entrer dans une année de grands changements. Si la réforme du Code des sociétés en est un majeur, la nouvelle mesure instaurée par la ministre de l’Action sociale, Maggie De Block, concernant le travail semi-agoral fait également réagir. Et pas en positif. Le point commun de ces mesures ? Deux ministres qui décident avec leurs équipes, sans concertation avec les associations, de réformer un secteur dont les plus-values sociétale (et économique !) ne sont plus à prouver. Le terrain se crispe. Et gronde. Le politique, lui, garde ses œillères et avance seul. Comme le souligne Philippe Andrianne, secrétaire politique d’Enéo, pour la réforme du Code des sociétés « Le texte de l’avant-projet de loi est impossible à avoir. Il y a bien eu une rencontre entre le ministre et le CSV (Conseil Supérieur des Volontaires) en juin, qui a résulté d’un avis. Cependant, ce dernier est non-publiable. Aucune audition d’experts en droit des ASBL n’a été prévue. »

Concernant le travail associatif, le secteur s’inquiète que la ministre n’ait pas pris le temps d’aménager les défraiements des volontaires (solution fortement encouragée par les travailleurs du non-marchand), mais ait plutôt choisi de réformer entièrement l’organisation du secteur. Cette nouvelle mesure engendre évidemment plusieurs conséquences : d’une part, elle risque de créer une concurrence déloyale entre travailleurs « semi-agoraux » et petites associations, notamment ; d’autre part, le gage de qualité de certains services octroyés sera difficilement garanti. Dans le secteur de l’aide aux personnes, notamment, comme le souligne la Fédération des Centres et Services à Domicile « Quelle va être la formation de ces nouveaux volontaires ? Etre garde-malade ou prendre en charge une personne en situation de handicap ne s’impose pas, il faut connaitre les bons gestes et attitudes à adopter. »

 [A lire] : La proposition de travail « associatif » de la ministre De Block inquiète

L’argent, toujours l’argent…

Pour les associations signataires de la carte blanche, tant la réforme du Code des Sociétés que celle concernant le travail semi-agoral semblent désormais placer l’argent au centre, en faisant fi des principes du non-marchand. Le travail semi agoral oppose ainsi l’individu et son droit fondamental à s’enrichir, au collectif, mû par une vision de la société basée sur des valeurs et des principes d’altruisme. La réforme du Code des sociétés entend faire des ASBL, sous prétexte que certaines ont des rentrées, des sociétés marchandes. Pour les associations, c’est inconcevable et les conséquences seront dramatiques. « Pourtant, intégrer les ASBL au code des sociétés tout en ouvrant la voie à des activités commerciales exclusives conduit à réduire la question fondamentale du droit de s’associer à celui de commercer. La Constitution belge, en son article 27, accorde aux Belges "le droit de s’associer" ; elle précise que "ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive". La Loi de 1921 encadre ce droit puisqu’elle permet à une association d’obtenir la personnalité juridique à certaines conditions, somme toute assez légères », stipule la carte blanche.

 [A lire] : Intérêt individuel vs intérêt collectif, l’éternel dilemme ?

Vers la fin des petites ASBL ?

La question en toile de fond que le secteur associatif n’ose pas poser (par peur de connaitre la réponse ?), suite à cette réforme est celle de la pérennité des petites ASBL et la création des futures. En effet, sans modifications de la loi prévue par le ministre Geens, la crainte de voir les petites associations disparaitre est plus que réelle. Comme le développe la Fédération des Maisons Médicales, « Cette Loi (de 1921 NDLR), outre son objectif de publicité et de contrôle, apporte une sécurité juridique à ses membres et administrateurs ; elle leur permet d’exécuter aisément des opérations de gestion comme l’utilisation collective d’un compte bancaire, le paiement de factures, la location de salle… Demain, il y a fort à craindre que les personnes qui souhaitent s’associer pour mener une action désintéressée renoncent au statut d’ASBL au vu de la complexité, réelle ou supposée, d’un code plus contraignant qui compte plusieurs centaines de pages. À moins qu’elles soient simplement découragées et renoncent à leur projet associatif ». Déjà soulevée par plusieurs experts du secteur associatif, la question reste pour l’instant en suspens. Mais pour plusieurs d’entre eux, les citoyens qui décident de s’associer dans le futur pourraient effectivement préférer au statut d’ASBL celui de l’association de fait.

 [A lire] : Les petites ASBL vont-elles disparaitre ?

Lien vers la carte blanche de la Fédération des Maisons Médicales (FMM)

A.S.E.



Commentaires - 1 message
  • Il peut aussi y avoir des éléments positifs dans cette réforme.
    Exemple : constituer une personne morale qui s'adonne Í  des activités commerciales et marchandes, mais qui n'est propriété de personne. Une telle asbl "nouvelle mouture" permettrait ainsi de développer des activités économiques en sortant tout Í  fait de la logique capitaliste (il n'y a pas de propriétaires du capital qui ont le pouvoir décisionnel final et qui se font rémunérer sur base du capital détenu).
    Bref, sans en avoir conscience (je présume), l'équipe gouvernementale actuelle est en train de préparer un véhicule juridique tout Í  fait intéressant pour le développement d'une économie non capitaliste !
    J'aurais d'ailleurs peut-être pas du l'écrire... car s'ils l'apprennent ils pourraient bien décider de mettre un terme Í  cette modification !

    steflej jeudi 22 mars 2018 21:19

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