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Avez-vous déjà pensé à travailler dans une maison médicale ?

01/06/22
Avez-vous déjà pensé à travailler dans une maison médicale ?

En Belgique, les maisons médicales sont des structures de santé de première ligne. Toutefois, en plus de l’aspect curatif, on y défend surtout des principes de promotion de santé et de prévention. Pour en savoir plus, Le Guide Social s’est entretenu avec Fanny Dubois, secrétaire générale de la fédération des maisons médicales.

C’est dans les années 70 que les premières maisons médicales ont vu le jour en Belgique francophone. L’objectif  : garantir un accès à tous et à toutes aux soins de santé. Depuis, le mouvement n’a cessé de grandir. Si bien qu’en 2020, la fédération des maisons médicales recensait près de 120 structures. Qu’est-ce que cela représente de travailler dans une maison médicale  ? Comment sont-elles organisées  ? Fanny Dubois, secrétaire générale de la fédération des maisons médicales, a répondu aux questions du Guide Social.

" L’un de nos principes est qu’on ne se limite pas qu’aux aspect curatifs mais on essaie de travailler aussi dans la prévention"

Le Guide Social  : Avant toute chose, qu’est-ce qu’une maison médicale  ?

Fanny Dubois  : C’est une structure de santé de première ligne qui fait des soins de santé globaux. L’un de nos principes étant qu’on ne se limite pas qu’aux aspect curatifs mais on essaie de travailler aussi dans la prévention pour que le/la patient.e puisse conserver sa santé plutôt que de gérer ses maladies.

On travaille également à la plus grande accessibilité possible pour la patientèle. Nous sommes donc sensibles à conserver le plus possible de mixité car on a un principe de solidarité. Les maisons médicales ne sont pas des centres de santé seulement pour les personnes plus précaires, comme on peut parfois l’entendre.

Enfin, les structures fonctionnent en multidisciplinarité car on part du principe que croiser les savoirs permet une prise en charge plus qualitative du patient.

Le Guide Social  : Quelles professions médicales y sont exercées ?

Fanny Dubois  : Il y a des médecins, infirimiers, des kinés, parfois des psychologues et des travailleurs sociaux. Il peut aussi y avoir des diététiciens et des dentistes.

En revanche, on n’intègre pas de spécialités. En effet, on reste sur de la première ligne de soins car notre objectif c’est de travailler l’efficience de nos systèmes de santé pour éviter que des maladies plus aigües se développent et, donc, de devoir recourir aux spécialistes.

Il n’empêche qu’on a bien conscience qu’il est nécessaire de travailler avec eux/elles. Ainsi, on essaie de fonctionner de manière collaborative avec les autres acteurs du système tout en gardant le patient au centre. C’est ce qu’on appelle le système de santé intégré.

Le principe étant de ne pas faire son marché dans le système de santé mais s’assurer que quand on va voir un spécialiste c’est pour une bonne raison.

"Les professionnels sentent qu’ils font un métier qui a du sens et non pas un métier où il faut produire des actes pour s’assurer une survie financière"

Le Guide Social : En quoi est-ce différent de travailler dans une maison médicale plutôt que dans une autre structure ?

Fanny Dubois  : La grande différence c’est que ça fait plus sens car ça répond à des valeurs de santé publique. Par ailleurs, le sens au travail est élémentaire aujourd’hui quand on voit le nombre de burn out dans les professions de soins et du social. En maisons médicales, comme on met l’accent sur le sens, il y a moins de risques de tomber dans ce genre de maladie.

On est inquiets d’une certaine dérive financière que pourrait prendre le système de santé. La rentabilité est de plus en plus dominante, les conditions de plus en plus difficiles, les structures travaillent avec une forte hiérarchie et de manière plus impersonnelle.

Dans notre secteur, on essaie de faire en sorte qu’il y ait une collaboration effective entre les professionnel.les, que les valeurs démocratiques soient davantage mises en lumière et que les travailleur-euses aient leur mot à dire sur la gestion budgétaire et financière de la maison médicale.

Le Guide Social : Aussi, dans vos structures, vous pratiquez généralement le financement au forfait...

Fanny Dubois  : C’est un contrat tripartite entre la maison médicale, le/la patient.e et la mutuelle. Le/la patient.e reçoit des soins de santé multidisciplinaires et globaux sans payer de ticket modérateur (le montant avancé de la poche du ou de la patient.e, ndlr) et la l’organisme assureur/mutuelle accepte de payer un forfait mensuel à la structure.

Les forfaits sont les mêmes pour tout le monde ce qui permet un principe de solidarité car un.e jeune qui entre dans la structure mais ne consulte pas beaucoup va financer les soins d’une personne plus âgée ou plus précaire qui est plus susceptible d’être dans des conditions de mauvaise santé.

Parallèlement, le financement au forfait permet aux travailleur.euses de mieux conserver leurs droits au travail et de bien faire la distinction entre la vie privée et professionnelle. Comme c’est un financement qui vient quel que soit le contexte, il y a une certaine stabilité financière. Et avoir une stabilité réduit le stress au travail.

De plus, contrairement au financement à l’acte, où le/la soignant.e est stimulé.e à faire un maximum d’actes possibles, le financement au forfait permet de ne pas être dans une logique de production. Ça c’est une grande différence. Les profesionnel.les sentent qu’ils/elles font un métier qui a du sens et non pas un métier où il faut produire des actes pour s’assurer une survie financière.

Enfin, il y a un autre aspect qui est celui de la formation continue entre professionnel.les qui est très fort stimulée dans le secteur. À travers notre fédération on a des groupes locaux de travailleur.euses dans lesquels on échange des trucs et astuces pour la gestion de la structure ou bien où on organise des coopérations.

Le Guide Social : Ce système de financement au forfait permet donc d’accorder plus de temps aux patient.es  ?

Fanny Dubois  : C’est sûr que le temps est organisé différemment qu’on soit à l’acte ou au forfait. Mais ça ne fait pas tout. Il y a des maisons médicales qui sont financées à l’acte et qui en mutualisant davantage leurs ressources au sein de la structure parviennent à organiser des soins de la manière la plus accessible et la plus respectueuse des droits des travailleur.euses.

Aussi, le fait de travailler dans une structure groupée permet d’assurer une gestion de la patientèle. Quand on est malade ou en voyage, en congé, les collègues prennent le relais. La charge mentale est diminuée grâce au collectif qui porte la pression.

Toutefois, il faut être honnête, nous sommes aussi soumis à la pénurie de médecins généralistes, les soignant.es de maisons médicales ont de plus en plus de travail et les conditions de travail sont quand même dures.

"Il y a des politiques salariales assez variables, mais ça se réfléchit démocratiquement entre les soignants"

Le Guide Social : Comment s’organise justement le temps de travail  ?

Fanny Dubois  : En principe le financement au forfait impose une continuité des soins  : 24/24 et 7/7. Les soignant.es des maisons médicales sont lié.es à des gardes organisées avec les médecins généralistes et infirmier.ères indépendant.es. On travaille en coopération avec des structures type ASD. On mutualise surtout les horaires un peu plus contraignants pour éviter que les personnes doivent trop travailler sur ces heures-là.

Le Guide Social : Le personnel est-il salarié au sein d’une maison médicale  ?

Fanny Dubois  : Il y a les deux, des indépendant.es et des salarié.es, mais le salariat augmente clairement. C’est lié à la féminisation du secteur et aussi au fait que ça rassure les jeunes d’avoir un contrat.

Evidemment, ça dépend du projet de la maison médicale. Il y a des politiques salariales assez variables, mais ça se réfléchit démocratiquement entre les soignant.es.

Le Guide Social : Est-ce que toutes les maisons médicales fonctionnent en autogestion  ?

Fanny Dubois  : Pour être membre de notre fédération, il faut que l’assemblée générale soit composée majoritairement de travailleur.euses, donc plus de 50%. Même principe pour recevoir l’agrément en Wallonie.

Maintenant il y a des structures qui ne font pas partie de la fédération et qui ne sont pas agréées et qui décident de fonctionner avec une direction indépendante des travailleurs.euses.

"Dans les maisons médicales on trouve des personnes qui ont vraiment envie de travailler en cohérence avec les enjeux de santé publique"

Le Guide Social : Est-ce qu’on peut espérer faire la même carrière dans une maison médicale que dans une autre structure  ?

Fanny Dubois  : Les projets de carrière sont différents. Ça c’est sûr. Toutefois, notre secteur est très diversifié donc il y a des personnes qui ont fait plusieurs maisons médicales avec des projets différents en fonction de la sociologie de la patientèle, des dynamiques d’équipes, etc. La fédération engage aussi des personnes venant de maisons médicales pour faire des études sur le système de santé. On peut travailler aussi dans le lobbying pour défendre la première ligne de soins et les principes de promotion de santé et de prévention.

Les professionnel.les qui veulent travailler dans notre secteur doivent davantage être animé.es par la curiosité de voyager dans différents mondes de soins que l’envie de monter des échelles hiérarchiques car ce n’est pas notre structure.

Le Guide Social : A ce sujet, qu’est-ce qui motive les professionnel.les à travailler dans une maison médicale  ?

Fanny Dubois  : Dans les maisons médicales on trouve des personnes qui ont vraiment envie de travailler en cohérence avec les enjeux de santé publique.

On ne va pas travailler dans une maison médicale si on a fait la médecine pour gagner beaucoup d’argent. Même si on considère que les travailleur.euses doivent avoir de bons droits, ils/elles sont payé.es très correctement dans les maisons médicales, et qu’il faut défendre de bonnes qualités de conditions de travail.

Nous défendons la santé publique donc tout acteur qui a les mêmes principes de santé publique que nous est bienvenu dans le mouvement.

Le Guide Social : Les revenus sont-ils tous les mêmes dans les maisons médicales  ?

Fanny Dubois  : Comme tout employeur il peut y avoir des différences mais les maisons médicales sont obligées au minimum de payer à l’IF-IC. Je sais que dans certaines structures on place les travailleur.euses dans un échelon supérieur.

Il y a même des maisons médicales qui sont en égalité salariale totale, mais c’est plus rare.

"Il faut être ouvert sur le fait que d’autres professionnels avec d’autres formations peuvent nous apprendre"

Le Guide Social : Quelles sont les difficultés spécifiques aux maisons médicales  ?

Fanny Dubois  : Quand vous travaillez en maison médical il faut aimer travailler en collectif. Si vous préférez travailler seul.e, c’est plus difficile.

Une bonne maison médicale, c’est une structure qui sait que travailler en collectif peut être énergivore et donc qui s’accorde dès le début sur le projet pour délimiter les rôles, les responsabilités de chacun.e afin que les choses roulent.

Ensuite, la pénurie des professionnel.les de santé c’est une réalité, même dans les maisons médicales. Il y a une souffrance  : ça prend de l’énergie et ça cause tous les effets dont la surcharge sur les autres travailleur.euses.

Le Guide Social : Qu’est-ce qu’on attend d’un.e travailleur.euse pour intégrer une maison médicale  ?

Fanny Dubois  : Il faut être sensible sur le fait que prévenir est plus intelligent que d’être uniquement dans le guérir, même si bien sur on fait aussi des soins curatifs.

Il ne faut pas être trop fermé.e sur sa pratique mais être ouvert.e sur le fait que d’autres professionnel.les avec d’autres formations peuvent nous apprendre.

Aussi, quand vous créez une ASBL, une maison médicale, il faut acquérir des compétences administratives. Même si on rejoint une maison médicale déjà existante, les soignant.es peuvent intégrer les organes de gestion et il faut quand même comprendre les notions budgétaires, les droits du travail, etc. C’est important d’avoir quelques notions quand on intègre une maison médicale pour être partie prenante des débats.

Enfin, c’est important d’avoir un esprit critique par rapport au système dominant. On ne doit pas être dans une tendance individualiste mais il faut savoir travailler en équipe de manière intelligente.

Caroline Bordecq

[Découvrez les professions du secteur psycho-médico-social] :
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"J’aime mon métier" : un focus sur les professionnels du social et de la santé

www.jaimemonmetier.be



Commentaires - 2 messages
  • Bonjour,

    Une coquille s'est glissé dans cette interview.

    Dans le premier paragraphe dédié au forfait, ce n'est pas "la maison médicale qui accepte de payer un forfait mensuel à la structure" mais l'organisme assureur/mutuelle.

    Alexis LEMAIRE mardi 7 juin 2022 17:06
  • Bonjour,

    Un grand merci pour votre signalement. Nous avons corrigé la coquille qui s'était glissée dans l'article.

    Bien à vous,

    La rédaction du Guide Social

    Rédaction du Guide Social mercredi 15 juin 2022 17:07

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