Non, tout le monde ne peut pas être éducateur
Présent dans de nombreuses structures, l’éducateur est un acteur clé de l’aide sociale en général. Pour mieux comprendre la diversité des missions, mais aussi les enjeux autour de la formation, Fabian, éducateur spécialisé, revient sur son quotidien.
Comme beaucoup de travailleurs sociaux, les éducateurs peuvent travailler dans de nombreuses structures, aussi bien dans l’Aide à la Jeunesse que dans les maisons de repos, ou encore dans les hôpitaux, les écoles, les CPAS... Si on ajoute la diversité des formations des éducateurs, ainsi les expériences variées du fait des reconversions professionnelles, on se rend vite compte que leur quotidien peut varier du tout au tout. Et pourtant, certains objectifs demeurent communs : accompagner les personnes et donner du sens aux actions réalisées avec elles. Une mission loin d’être aisée, et qui justifierait une meilleure reconnaissance du métier.
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Une mission, donner du sens
Parfois, les missions de l’éducateur peuvent paraître assez simples. Il peut s’agir de créer des projets pédagogiques, participer à différentes activités avec les personnes aidées, prodiguer des soins de la vie quotidienne... Et pourtant, le travail d’accompagnement de l’éducateur dans ces actions fait l’objet d’une formation complexe, qui continue tout au long de la vie professionnelle. C’est que l’éducateur ne se contente pas d’accompagner et d’aider : il donne du sens aux actions dans le cadre d’une prise en charge. En tant que professionnel, Fabian explique : "C’est facile de cuisiner avec un enfant ou avec une personne âgée. Mais mettre un sens derrière ce moment, cet échange, ce moment passé à deux ou à plusieurs, c’est quelque chose de différent. Ce qu’amène l’éducateur c’est du sens dans ce qui est fait tous les jours, pour aider à reconstruire, à activer la résilience des personnes qu’on accompagne".
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Parfois aussi, affronter l’échec
Dans l’Aide à la Jeunesse, où Fabian a travaillé pendant un certain temps, c’est la même chose. "Si on se contente du conditionnement opérant, le ’Tu fais ça sinon tu es puni’, le problème c’est que l’enfant ne va pas internaliser le cadre, il va le subir le cadre. Il va simplement obéir parce que sinon, il y a une répression", indique-t-il. Le rôle de l’éducateur est alors de donner un sens au cadre proposé par l’institution, de travailler avec les jeunes et de leur expliquer les raisons de cette répression pour qu’une fois sortis, ils puissent s’intégrer normalement. La mission est difficile, notamment quand l’éducateur manque de moyens ou de personnel pour soutenir son action. Fabian raconte ainsi que parfois, certains jeunes passent d’institutions en institutions et ne parviennent jamais à se stabiliser. Une situation particulièrement éprouvante psychologiquement. "Là effectivement on a un sentiment d’échec, je dirais même d’échec cuisant parce qu’on essaie vraiment de mettre des choses en place, mais c’est le système qui ne permet pas de mettre réellement de le faire", regrette-t-il.
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La diversité des parcours, une richesse ?
Pour mener à bien ses missions, une autre difficulté s’impose à l’éducateur : la diversité des parcours. En effet, toute personne disposant d’un bachelier paramédical, social ou pédagogique peut travailler comme éducateur spécialisé. "Donc une infirmière qui a travaillé en gériatrie peut travailler en tant qu’éducatrice spécialisée auprès des enfants. C’est une aberration parce que les cours, la théorie ne sont pas là derrière. La pratique, au niveau des stages, au niveau de l’apprentissage, n’est pas la même non plus", dénonce Fabian, qui prend délibérément un exemple caricatural pour illustrer son propos. Derrière le grand nombre de reconversions, c’est encore une fois l’idée que "tout le monde peut le faire" que dénonce Fabian, et le manque de reconnaissance de sa profession. Si cette diversité peut aussi être une richesse, en encourageant la pluridisciplinarité, elle est pourtant bien souvent un choix pratique pour les structures. "Si les structures nécessitent (et c’est le cas !) des postes dans la pluridisciplinarité, la société doit mettre en place des engagements dans cette dynamique, en respectant le diplôme et les capacités de chacun", affirme Fabian.
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Difficile de trouver du travail comme éducateur A1
En conséquence du grand nombre de reconversions professionnelles, les offres d’emploi pour le métier d’éducateur sont rapidement saturées de demandes. Ainsi, beaucoup d’éducateurs diplômés demeurent au chômage. Les différents niveaux de formation ont aussi une incidence sur la difficulté de trouver du travail. "Vu les taux de budget, il y a aussi malheureusement beaucoup d’aides à l’emploi, dont les employeurs sont friands dans beaucoup d’institutions. Sachant que pour certaines aides à l’emploi, il ne faut pas avoir plus haut que le CEES, et 2 ans de chômage, ils engagent majoritairement des personnes qui ont un niveau A2, donc qui ont un niveau secondaire supérieur", déplore Fabian. Ce sont donc des éducateurs plus jeunes, qui n’ont pas le même niveau de formation que les éducateurs A1, qui sont normalement prioritaires.
La rédaction
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