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"C’est très gratifiant quand le patient ou la patiente se sent vite bien"

Quand il a commencé ses études, François Chavepeyer n’était même pas sûr de vouloir devenir kinésithérapeute. Après neuf ans de pratique en tant qu’indépendant dans la commune de Pont-à-Celles, il l’affirme sans hésitation  : il aime son métier. Pour nous, il revient sur son parcours, ses difficultés et surtout son rapport à l’humain et à la science.

Depuis 2013, François Chavepeyer travaille comme kinésithérapeute indépendant à Pont-à-Celles. Cette même commune qui l’a vu grandir. Aujourd’hui âgé de 34 ans, il revient sur ses études qu’il a commencées sans grande conviction. Il nous parle de sa relation avec les patient.es et de ce qu’il préfère dans son métier.

"J’ai des patient.es de tous les âges  : du petit bébé, à une personne de 98 ans"

Le Guide Social : Comment définiriez-vous le métier de kinésithérapeute  ?

François Chavepeyer : C’est un métier de contact. En tant que kinésithérapeute, on soigne les gens de manière scientifique, on fait des recherches autour de la pathologie, et sociale car on parle beaucoup avec le ou la patient.e. Il y a même un peu de psychologie.

Par exemple, dans le cas d’une revalidation on doit remotiver la personne qui peut être découragée. Ça fait partie de la rééducation.

Le Guide Social : Comment se passent vos journées de travail  ?

François Chavepeyer : Généralement, je suis au cabinet de 8h à 12h, puis je pars à domicile de 13h à 16h et enfin je retourne au cabinet de 16h à 20h. Normalement, je travaille du lundi au vendredi mais ça arrive que je travaille le weekend si la personne n’est vraiment pas bien. C’est le cas parfois pour un patient palliatif que je suis. Ça reste rare car les gens ont aussi envie d’être tranquilles le weekend.

J’aime bien alterner entre le cabinet et à domicile car ça change un peu et ce n’est pas le même public. Au cabinet, ce sont généralement des patient.es plus jeunes alors qu’à domicile les personnes sont souvent plus âgées. Ce ne sont donc pas les mêmes pathologies et les mêmes traitements.

J’ai des patient.es de tous les âges  : du petit bébé, à une personne de 98 ans.

"Je me suis fixé une limite  : pas plus tard que 20h"

Le Guide Social : Ce sont de grosses journées, est-ce que vous fixez vous-mêmes vos horaires  ?

François Chavepeyer : Oui, mais c’est assez variable. Par exemple, il y a encore quelques semaines je finissais plus tôt et j’avais quelques trous dans la journée. Tandis que ces jours-ci c’est 8h – 20h. Il y a beaucoup de travail même si nous sommes de plus en plus de kinésithérapeutes, même à Pont-à-Celles.

Toutefois, je me suis fixé une limite  : pas plus tard que 20h. Je veux quand même garder une vie de famille et avoir une vie tout simplement.

Le Guide Social : Jusqu’où vous déplacez-vous pour les patient.es  ?

François Chavepeyer : Je ne vais pas très loin, je reste dans l’entité de Pont-à-Celles. Si je vais plus loin je vais commencer à perdre du temps dans les trajets et c’est quand on court qu’on bâcle les patient.es. Ça je n’ai pas envie, j’aime bien prendre le temps.

"J’aime le contact avec les gens et j’aime ce travail de recherche pour régler un problème"

Le Guide Social : Comment avez-vous choisi ce métier ?

François Chavepeyer : Quand j’ai fini mes secondaires je ne savais pas quoi faire. J’aimais bien les sciences, le contact avec les gens, le sport. J’ai donc pensé à pompier et à kinésithérapeute car c’est un métier qui allie un peu tout ça. Puis en rhéto j’ai fait deux semaines d’observation chez un kiné et j’ai décidé de me lancer dans ces études, à l’Institut Provincial de Kinésithérapie (IPK) à Montignies-sur-Sambre (aujourd’hui HEPH-Condorcet), sans grande conviction.

Jusqu’à la troisième année, je n’étais toujours pas convaincu que ça allait me plaire car on n’avait toujours pas eu de stage. On s’entrainait sur les copains, les copines mais ce n’est pas pareil. Heureusement, mon premier stage, en soins intensif à Tivoli, m’a vraiment plu. On y fait beaucoup de kinésithérapie respiratoire pour soulager le patient, et il se sent très vite mieux. Mais ce n’était pas le plus joyeux. En sept semaines, il y a eu dix patients qui sont décédés. Il faut être costaud pour faire toute une carrière là-dedans.

Ensuite, j’ai fait un stage chez un indépendant, dans un centre de revalidation, etc. On voyait un peu de tout. Au total, on avait trois ou quatre fois sept semaines de stage la 3e et la 4e année.

Aujourd’hui, j’aime vraiment mon métier. Finalement ça a été un coup de chance.

Le Guide Social : Qu’est-ce que vous aimez dans votre métier  ?

François Chavepeyer : J’aime le contact avec les gens et j’aime ce travail de recherche pour régler un problème. Quand un.e patient.e vient pour une douleur au niveau de la cuisse, je ne vais pas forcément travailler cette partie-là du corps car cela peut venir du dos, de la hanche... Il faut trouver ce qui cause le problème et c’est assez chouette.

"J’aime travailler en indépendant car je peux décider la manière dont je veux organiser mes journées mais aussi le type de patient.es"

Le Guide Social : Une fois diplômé vous vous êtes immédiatement lancé en indépendant  ?

François Chavepeyer : Oui. J’ai eu beaucoup de chance car un kiné avait contacté mon école pour demander qu’on lui communique trois élèves de confiance et mon professeur m’avait cité. J’ai donc passé un entretien avec lui et je l’ai remplacé pendant son congé paternité. Puis, j’ai eu une proposition du Sporting de Charleroi qui avait besoin d’aide pendant les vacances d’été.

J’ai aussi travaillé pour un kiné du village qui voulait diminuer ses horaires et en parallèle je lançais déjà mes patients à domicile. Enfin, j’ai appris que mon ancien chef louveteau remettait son cabinet pour ouvrir une maison d’hôtes et je lui ai proposé de le racheter, ce qui m’a permis de partir avec une bonne partie du matériel.

J’aime travailler en indépendant car je peux décider la manière dont je veux organiser mes journées mais aussi le type de patient.es. Dans un hôpital, tant qu’on reste dans un service on fait tout le temps les mêmes pathologies.

Aussi, je suis très attaché au village dans lequel j’ai grandi et où je travaille aujourd’hui. J’aime le fait de connaitre beaucoup de patient.es, il y a une bonne ambiance dans le cabinet, la musique bat tout le temps. C’est convivial.

Le Guide Social : Parallèlement, en tant qu’indépendant il y a aussi beaucoup de choses à faire.

François Chavepeyer : Le côté administratif est très pénible. Il aurait fallu une formation juste pour la paperasse. J’ai dû apprendre sur le tard et heureusement les kinés chez qui j’ai travaillé m’ont aidé.

Par exemple, le plus simple c’est de faire payer le ou la patient.e tout de suite, quand on a sorti l’attestation et la facture. Mais souvent, si c’est un public plus précarisé, je leur dis d’attendre d’être remboursé pour me payer même si en fait je n’ai aucune garantie que la personne va le faire. Ça m’ait d’ailleurs déjà arrivé qu’on ne me paie pas et souvent je dois envoyer des rappels.

C’est un système ultra mal fait.

Normalement, à partir de 2022 tout devrait se faire par la carte d’identité et c’est la mutuelle qui nous paiera directement. Espérons que ce sera vraiment en 2022.

Pour mon organisation, je devrais faire un peu de papier tous les jours mais en réalité je consacre un dimanche par mois pour tout mettre en ordre. Dans tous les cas, il faut faire régulièrement sinon on est vite dépassé et ça fait beaucoup d’argent qui traine.

Le Guide Social : A part l’administratif, est-ce que vous rencontrez d’autres difficultés  ?

François Chavepeyer : Les papiers c’est vraiment le gros point noir.

Ensuite, on peut avoir des frustrations quand on ne trouve pas la solution au problème et qu’il faut renvoyer chez le spécialiste, faire des examens... Il y a aussi des patient.es avec qui ça ne passe et donc on arrête. C’est frustrant car c’est un échec.

Enfin, quand on est indépendant, on a toujours une épée de Damoclès sur la tête. Même si tout va bien et qu’on a des patients, on a toujours la pression de savoir si le lendemain on en aura encore.

"Il faut avoir de l’empathie, de la patience car on ne voit pas toujours les résultats tout de suite"

Le Guide Social : Comment est-ce que vous avez trouvé vos premier-ères patient.es  ?

François Chavepeyer : D’abord il faut aller se présenter chez les médecins  : dire sa formation, le type de patient.e qu’on peut prendre en charge... C’est beaucoup de bouche à oreille. L’avantage c’est qu’en étant du village je connaissais déjà des médecins.

Le Guide Social : Selon vous, quelles sont les qualités essentielles dont doit faire preuve un kiné ?

François Chavepeyer : Il faut avoir de l’empathie, de la patience car on ne voit pas toujours les résultats tout de suite et il faut permettre au patient.e d’être autonome.

Il faut de la patience aussi avec les personnes. Il faut savoir cerner leur caractère et s’adapter. Par exemple, j’avais une patiente avec qui la 1ere séance avait été une catastrophe  : elle ne savait pas bouger, ni se mettre debout... En discutant avec son mari, je me suis rendu compte qu’en réalité elle savait faire beaucoup plus et que je m’étais fait complètement arnaquer  !

Le Guide Social : Comment faites-vous face aux patient.es plus difficiles  ?

François Chavepeyer : Généralement, ils/elles sont assez cool.

Si ce n’est pas le cas, il faut être tolérant. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai repris des patient.es d’un autre kiné qui étaient habitué.es à lui et sa manière de faire. L’un d’eux n’était absolument pas tolérant quand j’arrivais trente minutes en retard et il faisait la tête toute la séance. Il faut savoir être patient face à des gens qui peuvent être exigeants.

"Quand une personne chez qui je vais depuis des années décède c’est toujours un peu un choc"

Le Guide Social : A travers votre travail, vous entrez dans la vie des gens. Comment faites-vous pour garder du recul  ?

François Chavepeyer : Il y a des gens chez qui je rentre comme si je rentrais chez moi. J’y vais tous les jours, j’ai même les clés de chez eux. Je fais partie des personnes les plus proches.

Quand une personne chez qui je vais depuis des années décède c’est toujours un peu un choc car on s’attache aux gens et on a un contact assez fort avec eux.

Il faut se mettre une barrière, sinon mentalement ce ne serait pas évident. Récemment, il y a une de mes patientes qui est décédée. Chez elle, je rentrais comme chez moi. J’avais un super contact avec elle, elle me faisait chaque année des cadeaux pour le petit. Ça a été un choc mais il faut faire la part des choses  : on s’entend bien avec elles/avec eux mais on met une barrière.

Le Guide Social : Est-ce que vous parlez de votre travail chez vous  ?

François Chavepeyer : Non, quand la journée est finie ou le weekend je ne parle plus boulot. Je déconnecte. J’ai ma vie à côté  : mon enfant, le tennis, le trail... Quand je fais une activité avec un ami kiné souvent je coupe court à la conversation s’il commence à parler du travail.

Le Guide Social : Y a-t-il une anecdote, une histoire qui vous a particulièrement marqué ?

François Chavepeyer : J’ai eu une patiente qui avait une grosse pathologie et qui ne bougeait plus de son lit. On a commencé par des exercices dans son lit, puis assise, puis debout, puis elle est allée au restaurant. Malheureusement, elle a attrapé d’autres pathologies et elle a reperdu ce qu’on avait gagné mais c’était une battante incroyable. On avait une super relation et on progressait à deux. J’étais content d’aller là-bas car je savais qu’on allait bien bosser, dans la bonne humeur et ça c’est chouette.

"En kiné, on pourrait passer notre vie à faire des formations"

Le Guide Social : En tant qu’indépendant, est-ce que vous travaillez avec d’autres professionnel.les  ?

François Chavepeyer : Je travaille en équipe avec ma collègue avec qui je partage les patient.es. On se donne des feedbacks, les résultats, ce qu’on a fait... mais on travaille seul.e quand on va chez les personnes.

Après on a des contacts avec les médecins, les infirmier-ères qu’on croise beaucoup. C’est important d’avoir un contact avec eux/elles pour voir l’évolution du patient.e, ce qu’il faut adapter ou changer.

Le Guide Social : Est-ce que vous avez une spécialité ou bien un domaine qui vous intéresse davantage  ?

François Chavepeyer : J’ai fait une formation en thérapie manuelle et j’ai commencé une formation en ostéopathie que j’ai dû interrompre en 3e année car il y a eu le Covid et puis j’ai eu un enfant.

J’aime beaucoup ces disciplines. Ce qui me plait dans la thérapie manuelle, par exemple, c’est le fait de pouvoir voir des résultats très rapidement. On peut avoir un.e patient.e qui entre dans le cabinet plié.e en deux et après quelques manipulations il/elle se sent directement mieux.

La kiné respiratoire aussi c’est très gratifiant au niveau du résultat. Le patient se sent vite bien. Même si ce n’est pas très ragoûtant car souvent il faut dégager le/la patient.e et donc faire sortir les sécrétions.

En fait ce qu’on veut, c’est que la personne aille mieux le plus vite possible.

J’ai fait aussi d’autres formations à gauche à droite. En kiné on pourrait passer notre vie à faire des formations. Ça améliore toujours le résultat, c’est toujours un plus.

C’est d’ailleurs la partie intéressante du boulot  : c’est très vaste. Toutefois, on ne sait pas tout faire non plus et il faut cibler ce qui nous plait.

"Au début ça peut être effrayant car il faut investir dans du matériel, la location d’un local... mais il faut oser."

Le Guide Social : Pouvez-vous donner un conseil à celles et ceux qui souhaitent se lancer en tant qu’indépendant.e ?

François Chavepeyer : Au début ça peut être effrayant car il faut investir dans du matériel, la location d’un local... mais il faut oser. Sinon, une autre option peut être de se lancer avec un autre kiné. C’est d’ailleurs ce que beaucoup font maintenant.

Le Guide Social : Et vous, avez-vous des projets pour le futur  ?

François Chavepeyer : J’ai déjà pensé à travailler un peu à l’hôpital car c’est un confort de vie au niveau des horaires. Si je fatigue ou je veux voir autre chose pourquoi pas mais pas maintenant. Pour le moment, je veux plutôt faire d’autres formations, découvrir d’autres traitements.

Caroline Bordecq

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