Devenir psychologue indépendant : les conseils de Quentin Vassart
Tout juste diplômé ou déjà expérimenté, le psychologue peut se lancer sur la voie de l’activité libérale, soit à titre principal soit à titre complémentaire. Quentin Vassart a choisi la seconde option. Coûts financiers, démarches administratives, constitution d’une patientèle… : celui qui est également président de l’UPPCF revient pour le Guide Social sur son parcours professionnel.
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Guide Social : Vous êtes à la base infirmier de formation. Vous avez également en poche un Master en Psychologie clinique, un certificat inter-universitaire en tabacologie et un troisième cycle en psychothérapie approche intégrée. Pour vous, ces formations sont-elles suffisantes pour vous lancer comme psychologue libéral ?
Quentin Vassart : Pour recevoir des gens en cabinet, c’est totalement insuffisant. C’est notamment la raison pour laquelle le législateur a introduit, en Belgique, une sixième année de pratique professionnelle supervisée qui verra le jour en 2022. Je pense que c’est véritablement au terme de mon troisième cycle de psychothérapie de trois ans que j’ai eu un background un peu plus conséquent pour pouvoir prendre en charge plus efficacement les gens. Le certificat inter-universitaire en tabacologie m’a aussi permis d’avoir des outils pratiques auprès d’un public cible avec une demande bien spécifique.
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"En tant qu’indépendant, vous fixez votre propre cadre"
Guide Social : Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?
Quentin Vassart : Après mes études, je souhaitais mettre en place un centre d’aide aux fumeurs en milieu hospitalier. Le directeur médical de l’époque m’a dit que, effectivement, c’était un chouette projet mais qui ne pourrait se faire que si j’avais le statut d’indépendant. A l’époque, je travaillais, en activité principale, en tant que salarié. En effet, j’ai combiné mes études de psychologie avec mon travail d’infirmier. Je n’ai pas eu de souci à adopter une activité complémentaire indépendante en tant que psychologue. Par la suite, cette activité de tabacologie m’a ouvert des portes : l’hôpital m’a proposé un temps plein de salarié dans une équipe mobile. J’ai fait pendant six ans des visites à domicile auprès de publics plus précarisés qui ne vont pas vers les soins obligatoires traditionnels.
Guide Social : Puis vous avez quitté cette équipe mobile pour aller pendant un an en activité indépendante complète.
Quentin Vassart : Mais le travail d’équipe me manquait… Aujourd’hui, je retravaille en activité salariée dans l’équipe mobile « Sur la Route ». Je fais toujours des visites à domicile dans une équipe pluridisciplinaire et j’ai gardé depuis 2012 mon activité complémentaire indépendante.
Guide Social : Qu’est-ce qui a motivé votre choix de créer votre propre cabinet ?
Quentin Vassart : La motivation principale était de pouvoir avoir une autonomie de pratique et toucher un public que je ne rencontrais pas en équipe mobile. Le but était aussi d’avoir une prise en charge plus spécifique, notamment par la psychothérapie, et pouvoir utiliser mon troisième cycle en psychothérapie parce qu’il est clair que vous n’avez pas les mêmes activités en tant que psychologue dans une équipe mobile qu’un psychologue en cabinet privé. Je voulais donc davantage de variété dans ma pratique.
"D’entrée de jeu, vous payez des cotisations sociales trimestrielles : en activité complémentaire c’est plus ou moins 80 euros, en activité principale c’est 700 euros"
Guide Social : Avez-vous eu des craintes, des interrogations avant de vous lancer ?
Quentin Vassart : Les contraintes ou les freins ne m’ont pas spécialement mis en difficulté parce que je ne prenais pas beaucoup de risques en me lançant en activité accessoire. Qui plus est, mon cabinet est à mon domicile donc je ne me suis pas plié à des contraintes financières ou des contraintes horaires comme c’est le cas pour les gens qui louent un cabinet. Si on veut vraiment faire cette activité clinique, il n’y a pas beaucoup d’autres choix que de se lancer en tant qu’indépendant. Je pense aussi à une autre difficulté que les psychologues rencontrent, et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai fait ce certificat inter-universitaire d’un an en tabacologie : quand vous sortez du Master en psychologie clinique, vous savez ce qu’il ne faut pas faire mais vous ne savez pas spécialement ce qu’il faut faire de manière plus spécifique.
Guide Social : C’est-à-dire ?
Quentin Vassart : Au travers de ce certificat inter-universitaire, l’idée est de pouvoir avoir des compétences spécifiques pour pouvoir prendre en charge un public bien déterminé. C’est aussi la raison pour laquelle j’étais motivé à faire un troisième cycle en psychothérapie : être à l’aise aussi dans la prise en charge d’un public tout venant avec des problématiques très diversifiées. C’est un processus d’intervision, de supervision, de travail du développement personnel, d’analyse des cas plus poussés, ce qui est indispensable non seulement pour se lancer seul dans l’activité de psychologue mais également tout au long du parcours professionnel dans le cadre de la formation continue des psychologues.
Guide Social : Cela fait donc près d’une dizaine d’années que vous travaillez en tant que psychologue à votre domicile. Quels sont les avantages et les inconvénients d’exercer de la sorte ?
Quentin Vassart : L’avantage, c’est que vous pouvez déterminer vos propres horaires, vous fixer votre propre cadre ; c’est vraiment un confort de travail. L’inconvénient, forcément, c’est que si votre patient ne vient pas et bien vous n’êtes pas payé. Il y a aussi toutes les contraintes inhérentes à la vie : une maman seule dont l’enfant est malade le matin même donc forcément il faut annuler la consultation pour s’occuper de son enfant. Ce sont ces moments de difficultés que peuvent rencontrer les psychologues indépendants. Il y a aussi, ça c’est en train d’évoluer, l’absence de reconnaissance auprès de différentes autorités et notamment au sein de l’assurance maladie invalidité, ce qui fait que la psychologie n’est pas spécialement accessible à tous puisque vous n’avez pas des remboursements suffisamment conséquents pour que les gens puissent continuer leur prise en charge psychologique. C’est donc un autre frein, à la fois pour le prestataire mais également pour le patient.
Guide Social : Vous avez donc dû suivre la procédure d’inscription à la Banque Carrefour des Entreprises...
Quentin Vassart : C’est une obligation légale. Vous vous inscrivez à une caisse d’assurances sociales et la démarche s’effectue automatiquement auprès de la Banque Carrefour des Entreprises. Vous pouvez juste renseigner le titre / type d’activité que vous réalisez et vous avez votre numéro d’entreprise. Toutes les professions de santé sont exemptées de TVA, et à ce jour, les démarches sont assez simples. D’entrée de jeu, vous payez des cotisations sociales trimestrielles : si vous êtes en activité complémentaire c’est plus ou moins 80 euros par trimestre, si vous êtes en activité principale c’est 700 euros. Ça c’est ce qui peut constituer aussi un frein, le premier trimestre peut être particulièrement compliqué si vous devez avancer 700 euros pour vous lancer... Vous avez aussi une assurance professionnelle à contracter. L’enregistrement à la Commission des psychologues est nécessaire si vous voulez porter le titre de psychologue. Il y a une démarche supplémentaire pour pouvoir exercer la psychologie clinique : il faut disposer d’un visa, comme tous les autres professionnels de santé, sur base de votre diplôme et des compétences acquises en psychologie clinique. Cette obtention du visa n’est pas inhérente à la pratique indépendante.
"Le meilleur outil du psychologue, c’est lui-même"
Guide Social : A vos débuts, vous avez dû, pour lancer votre activité et constituer une patientèle, vous faire connaître, faire parler de vous...
Quentin Vassart : C’est un peu le bouche à oreille. Initialement j’ai commencé mon activité en milieu hospitalier, j’étais un peu connu comme psychologue-tabacologue. Progressivement, vous établissez des collaborations avec les médecins généralistes qui sont de gros envoyeurs... Mais rien ne vaut le bouche-à-oreille : vous démarrez avec un ou deux patients et puis ça commence à se savoir. Pour moi c’est comme ça que ça s’est produit. On se fait un peu connaître, vous allez voir un cabinet médical, vous exposez un petit peu vos compétences, voir s’ils savent vers qui ils peuvent orienter les patients. Ce sont deux freins principaux : outre l’aspect financier, il y aussi le manque de visibilité de l’offre des soins psychologiques. On ne peut qu’encourager les psychologues à aller vers les autres professionnels de santé pour pouvoir se faire connaître.
Guide Social : Vous combinez deux activités différentes, vous recevez des patients au profil très varié... En somme, vous n’avez pas de journée-type...
Quentin Vassart : Mon travail en équipe mobile est très varié, on touche un public tout venant avec des problématiques très diversifiées. Forcément, j’ai des horaires de travail dans mon activité salariée et je dois aussi définir un horaire de travail dans l’activité indépendante parce que sinon je pourrais recevoir à toute heure du jour et de la nuit, sept jours sur sept. Il y a une forme de routine qui peut s’installer. Je partage le cabinet avec un confrère donc forcément, on a défini des jours. En ce qui concerne l’activité indépendante, tout dépend de ce que vous faites comme activité. Je fais essentiellement de la psychothérapie et des soins psychologiques de première ligne donc, à ce titre-là, il y a un suivi qui s’instaure, c’est toujours hyper varié. Forcément, vous n’avez jamais deux fois la même problématique à rencontrer et l’approche est toujours individualisée donc c’est très diversifié. C’était propre à moi ce besoin de sortir des murs, d’avoir une activité en dehors de mon cabinet, au travers de la pratique de l’équipe mobile et des visites à domicile.
Guide Social : Quel budget faut-il prévoir quand on veut se lancer dans la pratique de psychologue à domicile ?
Quentin Vassart : Tout dépend de votre lieu de pratique, si vous avez un loyer à payer... C’est fort variable d’un endroit à l’autre. Difficile de répondre à cette question car chaque situation est unique. Moi, c’est mon cabinet privé. Mon associé rétrocède une partie de ses honoraires. On a défini cela en fonction de ses rentrées donc on il n’est pas confronté à devoir anticiper et payer d’emblée un loyer. Après, ça ne se pratique pas partout de la même manière. Si vous avez une location, les prêts sont fixes mais cela dépend d’un endroit à l’autre, vous n’allez pas avoir le même loyer si vous êtes à Waterloo, Lasne ou Liège... Bref, le budget est très variable en fonction d’une série de facteurs.
Guide Social : Est-ce que vous auriez des conseils à donner à des psychologues qui chercheraient à ouvrir leur propre cabinet ?
Quentin Vassart : Prendre soin de soi ! C’est le premier conseil à donner. L’outil principal du psychologue, c’est lui-même. Il doit être en bonne santé mentale pour pouvoir être efficient et pour cette raison, c’est indispensable de prendre soin de soi. Autre élément important : continuer à se former. On apprend tous les jours. C’est la remise en question de sa pratique. Il ne faut pas rester dans son coin parce que souvent, en cabinet privé, on peut éprouver cette difficulté d’être seul face à des situations parfois bien complexes. Dernier conseil ? Il faut se dire qu’on n’est pas magicien et qu’on ne résout pas des problèmes complexes comme ça seul.
E.V.
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