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Camille, infirmière en maison médicale : « Il y a tellement de manières d'être infirmière ! »

Camille, infirmière en maison médicale : « Il y a tellement de manières d'être infirmière ! »

La reconversion professionnelle demande du courage et de l’audace. Elle peut être la solution à des maux plus profonds, un certain mal-être dans son métier. Camille, ancienne professeure d’histoire-géo, a repris des études pour devenir infirmière. Celle qui ne se reconnaissait pas dans son ancienne profession est aujourd’hui épanouie au sein d’une maison médicale, où elle alterne entre soins à domicile et soins en dispensaire. Témoignage d’une infirmière passionnée, qui s’est reconvertie pour exercer un métier dans lequel elle se reconnaît véritablement.

Ancienne professeur d’histoire-géographie, Camille a décidé de reprendre des études à 27 ans, en promotion sociale. Durant cinq années, elle a concilié les études d’infirmier avec son métier d’enseignante. Après avoir obtenu son diplôme, celle qui, plus jeune, ne se destinait pas aux métiers du soin, a directement entamé sa nouvelle carrière professionnelle. Aujourd’hui, elle exerce dans une maison médicale, intervient à domicile et assure des formations à des aides-soignantes.

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« Le côté humain, le fait de prendre soin des autres… J’ai compris que c’était cela que je voulais faire »

« En tant que prof, j’étais dans une école très élitiste et je m’ennuyais un peu donc j’ai eu envie de voir de nouvelles choses. J’ai démissionné pour pouvoir aller enseigner dans d’autres univers », entame Camille. Ce sont des activités de bénévolat à la Croix-Rouge qui ont révélé son attrait tout particulier pour le secteur du soin. Elle poursuit : « Je n’avais pas de compétences techniques. J’avais envie de savoir faire des choses, être utile. Une amie, qui est médecin, m’a suggéré de devenir infirmière. J’ai répondu : “Non, je n’aime pas le sang. Ce n’est pas mon truc”. Plus tard, j’ai réfléchi et, en avançant à la Croix-Rouge, je me suis rendu compte que toutes ces barrières que je me mettais, je pouvais les faire tomber. Maintenant, je trouve cela génial de faire des soins ! »

Toutefois, à l’âge de 18 ans, Camille n’envisageait pas de devenir infirmière un jour, ni même de travailler dans la santé. « Je ne viens pas du tout d’une famille où il y a du médical, personne n’a fait de sciences. Tout le monde est soit artiste, soit professeur. Pourtant, j’avais des amies qui étaient infirmières et je me suis dit : “Elles sont très scientifiques, pourquoi pas”. Je n’y pensais vraiment pas pour moi », explique-t-elle. Celle qui, aujourd’hui, prodigue des soins au quotidien ne voyait le métier d’infirmière que sous un angle scientifique. « Je ne voyais pas du tout le côté humain, cela ne m’était pas venu à l’esprit. Quant aux défauts de la profession, j’en avais connaissance, mais de loin. C’est en me lançant dedans que je me suis dit : “Je verrai bien ce que c’est” ».

Les stages sont un élément essentiel et primordial au cours des études, plus spécifiquement dans la santé. Camille retient certaines paroles d’infirmières vis-à-vis de sa reconversion. « Au cours d’un stage en gériatrie, la plupart des infirmières sur le terrain me disaient : “Mais tu es prof, fuis, pourquoi tu veux faire ce métier ? C’est super dur !” Ces personnes se dévalorisaient beaucoup dans leur métier. Je ne comprenais pas pourquoi elles me disaient cela. On devient des spécialistes de la santé, c’est quand même incroyable ! » Ses diverses expériences lui ont permis de réaliser que la hiérarchie au sein du monde hospitalier, dont la faible reconnaissance du rôle des infirmières, constitue l’une des raisons principales de ce mal-être ressenti dans la profession.

Déterminée, Camille n’a pas abandonné ses ambitions pour autant. « Le côté humain, le fait de prendre soin des autres… J’ai compris que c’était cela que je voulais faire. » Et de poursuivre : « Je pense que pour les stages, il faut prendre sur soi. On est de la main-d’œuvre gratuite. Bien sûr, il y a de bons hôpitaux universitaires où ils ne vont pas te lâcher sur une technique que tu n’as jamais faite, mais très vite quand on sent que tu as compris, on est bien content que tu sois là pour soutenir une équipe. La plupart des stages se font dans le monde hospitalier. Moi, ce n’est pas le monde dans lequel j’avais envie de travailler. Je savais que j’avais une vocation plus sociale. »

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« J’ai vu des médecins demander conseil à l’infirmière sur un soin de plaie. Cela, à l’hôpital, on ne l’imagine pas »

Le dernier stage de Camille, dans une maison médicale, à Forest, a été une révélation pour elle. La jeune diplômée s’est rendu compte qu’elle ne voyait pas exercer ailleurs qu’en maison médicale. La multidisciplinarité des équipes l’attirait déjà fortement au cours de ses études. « En maison médicale, on fait beaucoup de domicile. A l’époque, je les faisais à vélo dans Bruxelles. Il y a également le côté dispensaire, les patients se rendent au cabinet et on leur prodigue des soins, on leur fait des prises de sang et des vaccins… Au cours de mon premier remplacement dans une maison médicale, j’ai trouvé cela super varié et je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup les soins à domicile », raconte-t-elle. « J’aimais bien l’idée de devoir improviser avec ce qu’on a sur place. Les gens sont chez eux, plus à l’aise pour se confier. Pour les personnes, on est plus qu’un soignant. Il y a le côté récurrent, parfois ils nous attendent ».

Dans une maison médicale, les tâches sont particulièrement diversifiées. « Il n’y a pas de journée type ! C’est cela qui est vraiment bien. Le lundi, je fais des visites à domicile toute la matinée, on a une réunion du secteur infirmier pour parler de l’organisation de la maison médicale. Enfin, j’ai des heures de promotion à la santé et je dois encoder tous mes soins que j’ai faits le matin », détaille-t-elle, avant de préciser : « Le mercredi je commence plus tard, je fais le dispensaire des patients qui viennent dans la maison médicale. Le soir, je fais les visites à domicile. Le vendredi c’est le dispensaire toute la matinée : la plupart ce sont des prises de sang, puis des heures d’encodage, réunion avec des médecins… »

Dans son travail en maison médicale, Camille ne ressent pas de hiérarchie entre les professionnels. « En maison médicale, tout le monde est sur un pied d’égalité : les secrétaires sont aussi importantes que les infirmières, les médecins et les kinés J’ai vu des médecins demander conseil à l’infirmière sur un soin de plaie. Cela, à l’hôpital, on ne l’imagine pas. »

« Notre métier peut être une vocation, mais il ne doit pas représenter toute notre vie »

Toutefois, Camille n’a pas toujours travaillé dans une maison médicale. Elle a notamment postulé dans d’autres structures pour trouver ce qui lui conviendrait le plus. « J’ai fait un jour d’essai dans une structure qui accueille des enfants avec des pathologies plus ou moins lourdes. Je me suis rendu compte que cela m’impactait trop. Quand je rentrais chez moi, je repensais aux histoires de ces gamins. C’était trop lourd pour moi. » En fonction des structures au sein desquelles les infirmiers et infirmières exercent, le travail, tout comme la charge mentale diffèrent. « Bien sûr, en maison médicale, on peut être affecté par le décès d’une personne ou des choses qui se sont passées dans la journée », précise Camille. Pour son bien-être, il est essentiel de pouvoir couper avec son travail en rentrant. « C’est un milieu où on est habitué à pouvoir être appelé plus tard pour remplacer un collègue qui n’est pas là, ou pour nous poser une question sur un patient…. C’est une profession qui peut être prenante, c’est pour cela qu’il faut être passionné », pointe Camille. Elle insiste cependant : « Travailler dans la santé et le social, ce n’est pas un don de soi. C’est un travail. Cela vaut aussi pour les aides-soignantes. On n’est plus des bonnes sœurs qui prennent soin des gens, on a des horaires, un salaire qui est mérité et des actes qui sont posés et qui sont faits. Notre métier peut être une vocation, mais il ne doit pas représenter toute notre vie ».

Se lancer dans les études d’infirmier doit être le résultat d’une mûre réflexion. « Il faut être sûr de son choix, faire de son temps libre des activités qui sont en lien avec le fait de prendre soin de l’autre, comme du bénévolat, se passionner… De nombreux livres ou des comptes Instagram de soignants montrent du positif. Il ne faut pas écouter les personnes qui sont lassées de leur métier », pointe-t-elle. En effet, le métier d’infirmière comporte de nombreux débouchés dans de nombreuses structures différentes. « On peut intervenir auprès de jeunes ou d’un public handicapé, de bébés… Il y a tellement de manières différentes d’être infirmier.ère ! Il y a des infirmières scolaires, des infirmières plus administratives, des infirmières communautaires… Il ne faut pas rester dans cette idée stéréotypée du métier, mais se dire qu’avec ce diplôme-là, il y a plein d’autres possibilités que l’hôpital. »

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Trouver un sens au métier

Bien que le métier d’infirmier.ère ne soit pas suffisamment valorisé à bien des égards, Camille ne regrette en rien de s’être reconvertie. « Pouvoir prendre soin des gens, discuter avec eux et être à l’écoute, l’aspect technique, comprendre comment le corps humain fonctionne, comment on le répare, quel est l’effet des traitements sur les personnes... Je trouve tout cela passionnant » témoigne-t-elle, insistant sur l’importance de trouver un sens au métier.

Si, en tant qu’infirmier, cela se passe mal dans son travail, des solutions existent. « Il faut demander à changer de service. En Belgique, on a quand même la facilité de changer d’emploi, il y a des débouchés en tant qu’infirmier. Ici, si on est infirmière, ils embauchent. Cela fait partie du métier de faire bien les choses et d’être à l’écoute des autres. Si on le fait plus bien, on peut faire mal aux patients… Il faut alors arrêter ou trouver autre chose. » Ainsi, il y a toujours moyen de se repentir. « Ce qui me touche le plus, c’est quand je finis un soin de longue durée chez des patients et que je ne devrai plus venir chez eux, ils sont tristes. Ils me demandent : “Tu reviendras me voir ?” ou alors ils me prennent la main, me regardent dans les yeux et me disent : “Merci”. »

Mélissa Le Floch avec Emilie Vleminckx

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