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Magalie, infirmière en oncologie pédiatrique : « Mon métier m’apprend à mieux me connaître »

Magalie, infirmière en oncologie pédiatrique : « Mon métier m'apprend à mieux me connaître »

Pendant 2 ans, Magalie a travaillé en tant qu’infirmière auprès des personnes âgées. Aujourd’hui, après une spécialisation en pédiatrie, elle prend en charge des enfants atteints d’un cancer en milieu hospitalier. Focus sur son parcours atypique et son approche du métier d’infirmière.

« Quand je travaillais en gériatrie, je n’étais pas très épanouie dans mon métier, je recherchais d’autres choses »

Le Guide Social : Magalie, peux-tu te présenter ?

Magalie : Moi c’est Magalie, j’ai 24 ans, je suis française. J’ai fait 3 ans d’études d’infirmière en France, je suis diplômée depuis 2019. J’ai travaillé pendant 2 ans en gériatrie, au sein de différents services puis dans un EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). J’ai ensuite repris une formation en Belgique pour faire une spécialisation en pédiatrie et en néonatologie. J’ai été diplômée en 2022. Depuis, j’ai commencé à travailler en oncologie et hématologie pédiatrique.

Le Guide Social : C’est un revirement assez intéressant, passer de la gériatrie à l’oncologie pédiatrique.

Magalie : C’est vrai. Quand je travaillais en gériatrie, je n’étais pas très épanouie dans mon métier, je recherchais d’autres choses. Il y avait un décalage par rapport à l’idée de base que je me faisais du métier, du “pourquoi je suis devenue infirmière”. Maintenant je suis heureuse, j’ai trouvé le service où je voulais atterrir.

J’ai vraiment trouvé ma place en tant qu’infirmière.

Le Guide Social : Du coup, avant toute chose… Pourquoi es-tu devenue infirmière ?

Magalie : Quand je suis sortie des études secondaires, je savais que je voulais faire un métier de contact. J’ai toujours aimé les relations humaines. Le fait de prendre soin des autres, je trouve cela très nourrissant. Les personnes dont tu t’occupes te renvoient plein de choses positives. J’avais même hésité à devenir psychologue. Dans ce métier, il y a toute cette dimension de développement psychique, de prendre soin “de l’âme”, qui me passionne.

En même temps, j’étais très intéressée par les sciences. Je me suis dit qu’en tant qu’infirmière, je pourrais pratiquer tous ces gestes techniques, avoir cette approche scientifique, tout en ayant ce côté relationnel, humain, qui est la base du métier.

Et puis j’aime être au cœur de l’action. C’est une chose que j’ai découverte au fil de mes études et de mes expériences, qui est particulièrement marquée aujourd’hui. Au sein du service, on est un pilier. Si le médecin a une question, il vient nous voir, si la famille a une question, elle se tourne aussi vers nous, de même pour les aides-soignantes…

Nous sommes vraiment au cœur de la situation, qui gravite autour de l’enfant, de la famille.

C’est cette notion que j’aime dans mon métier, cette place centrale dans le suivi de l’enfant.

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« Accompagner des personnes vers la mort soulève plein de questionnements éthiques et je trouvais ça très intéressant. »

Le Guide Social : Et donc tu as terminé tes études. Pourquoi avoir été en gériatrie ?

Magalie : Quand j’ai commencé à travailler, je ne savais pas exactement dans quel domaine exercer. Les études m’avaient transmis une vue globale de la profession. J’ai commencé en gériatrie pour “dépanner”, parce qu’il y avait une demande, sans vraiment me poser de questions. Même si je n’étais pas complètement épanouie, ces deux années m’ont beaucoup appris. J’y ai notamment découvert l’accompagnement en fin de vie.

Prendre en charge la personne, qui est alors tout à fait dépendante et vulnérable, apaiser ses souffrances tout en associant la famille, arriver à créer quelque chose avec eux lors de ces moments si particuliers… C’est très riche.

Accompagner des personnes vers la mort soulève plein de questionnements éthiques et je trouvais ça très intéressant.

D’autant plus que dans notre société la mort reste un sujet dont on parle peu.

Mais je savais que je n’étais pas complètement à ma place, qu’il manquait quelque chose par rapport au métier que moi, je voulais faire. Au bout de deux ans, je suis partie.

Le Guide Social : Et tu t’es dirigée vers une spécialisation en pédiatrie…

Magalie : De base, j’avais toujours plus ou moins voulu faire de la pédiatrie. Mes stages m’avaient beaucoup plus. J’y avais découvert une approche de prise en charge globale de l’enfant, de sa famille, et je trouvais que cette combinaison était très intéressante. Je suis donc partie en Belgique pour me spécialiser.

C’est pendant cette spécialisation, au fil des différents stages, que j’ai compris que les situations d’accompagnement de fin de vie, qui m’avaient beaucoup marquée auparavant, pouvaient donner plus de richesse à mon métier, même dans un service de pédiatrie.

Pendant mon année d’études, j’ai réalisé différents stages, notamment dans les domaines du palliatif et de l’onco-hématologie. Quand j’ai été diplômée, j’ai pris le temps de faire le tri dans ma tête. Je me suis dit : “en fait j’ai vraiment envie de faire ça ! “. Il y a quelque chose qui m’attire dans ce domaine précis sans vraiment pouvoir l’expliquer. Nous avons tous une personnalité, on est tous “faits” pour quelque chose. Il y a des infirmiers qui sont plus épanouis dans les soins intensifs, d’autres pour les urgences, etc…

Pour moi, la valeur de mon métier prend encore plus de sens dans l’accompagnement des enfants atteints de maladies parfois incurables.

Le Guide Social : Ce n’est pas déprimant, de travailler en soins palliatifs ?

Magalie : Je pense qu’on se fait souvent une fausse représentation de l’accompagnement des soins palliatifs.

Je n’ai encore qu’une petite expérience du milieu, mais j’ai été très agréablement surprise de la façon dont on accompagnait les enfants, les familles, de toutes ces choses qu’on pouvait mettre en place. Et contrairement à ce à quoi on peut s’attendre, on passe des moments très gais. Il y a vraiment des instants de joie et de partage avec les familles, les enfants,... Ce sont des expériences très enrichissantes qui t’apprennent aussi ce que c’est la vie, au final. Moi ça m’a permis aussi d’avancer personnellement, de remettre en question certaines questions existentielles, comme mes conceptions de la vie et de la mort.

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« Pour moi, enfant malade ou non, il n’y a pas de distinction à faire. »

Le Guide Social : Aujourd’hui, qu’est-ce que tu aimes dans ton métier ?

Magalie : D’abord, ce côté “personne de référence”, qui me permet de toucher à tout dans mon métier, d’y retrouver un aspect scientifique, humain, technique, psychologique.

Et puis, la prise en charge globale. Quand tu t’occupes d’un enfant malade, c’est comme si tu prenais ses frère et sœur en charge, tu dois les prendre en considération. Dans la famille d’un enfant malade, les frères et sœurs “sains” peuvent se sentir délaissés, parfois oubliés. C’est pour ça qu’on doit, dans notre suivi, aussi les considérer, leur donner de la place. Bien entendu il y a les parents. 80% du temps, on ne gère pas les émotions de l’enfant, mais des parents. C’est un gros travail. Les parents sont pleins d’anxiété, d’angoisse et vont parfois les transmettre aux enfants.

Et bien sur, il y a le contact avec l’enfant. Un enfant c’est authentique, c’est pur, c’est vrai. Travailler avec un enfant c’est très ressourçant. Les petits ont une capacité qu’on appelle “résilience infantile”, qui leur permet de surmonter la maladie, tout en restant des enfants. Quand tu vas voir un petit patient pour lui faire un soin, tu as en face de toi un enfant avant tout. Pas un enfant malade. Et ça, il te le montre bien, il te le fait comprendre.

C’est super gai de travailler avec cette authenticité. Les enfants sont dans le moment présent et ils te ramènent sans cesse à cette réalité. Ils te montrent un peu ce qu’est la “vraie” vie : c’est le moment présent.

On devrait tous être capables de vivre à l’instant T, sauf qu’en grandissant, les peurs se créent et on a de plus en plus de mal à être dans le présent. On rumine le passé et on angoisse sur le futur.

Et eux te renvoient à ça, ils te le rappellent chaque fois que tu vas les voir. C’est ce qui est très nourrissant dans ce métier.

Le Guide Social : Travailler en oncologie, pour toi c’est accompagner des enfants en fin de vie ?

Magalie : Non, pas du tout. On est loin de n’avoir que des enfants en fin de vie, mais il y a cet aspect là dont il faut être conscient. Travailler dans ce service, c’est faire face à l’incertitude du lendemain, s’adapter en permanence. Tu as des enfants qui reviennent parce qu’ils sont en rechute, d’autres qui guérissent de façon impressionnante et imprévue. C’est impossible de savoir comment la situation va évoluer, on ne sait pas ce qui va se passer.

Mais c’est là tout l’intérêt de cette approche, du moment présent, de la résilience infantile. Quel que soit le stade ou la gravité de leur maladie, il faut qu’ils aient des projets, il faut continuer à vivre, faire comme si le lendemain sera toujours là. Pour moi, enfant malade ou non, il n’y a pas de distinction à faire. L’enfant doit vivre chaque instant, chaque moment de sa vie, pleinement. C’est ce regard là qu’il faut porter sur eux, pas un regard triste. Parce qu’eux n’ont pas ce regard sur eux-mêmes !

Finalement, travailler avec les enfants, c’est toujours, en permanence, être ramené à cet instant présent, c’est presque de la pleine conscience. Et c’est ça la force de la résilience infantile, c’est ce qui fait qu’ils arrivent souvent à évoluer de manière très positive. Je pense que cette force mentale est un élément vraiment très favorisant de la guérison.

En tant qu’adulte, c’est vraiment très riche. Travailler dans ce service, ça m’a appris à me connaître moi-même, aussi à développer cette résilience, cette gestion émotionnelle.

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« Il y a mille et une visions du soin. À toi de trouver la tienne ! »

Le Guide Social : Cela ne devient pas trop difficile, toutes ces émotions à gérer parfois ?

Magalie : Bien sûr, ça peut arriver. Tout d’abord, c‘est important de se rendre compte au plus profond de nous que la situation est trop difficile à gérer, que ça dépasse les limites de ce qu’on peut supporter au niveau émotionnel. S’en rendre compte, c’est déjà énorme. Ça demande beaucoup de connaissance de soi.

Si c’est le cas, mieux vaut passer la main à un collègue. C’est ce qui arrive parfois. Le matin au rapport, on se dispatche les patients. C’est important de savoir dire : “Ok, moi cet enfant je préfère te le laisser, parce que je suis trop impactée par la situation”.

On est tous humains, c’est normal qu’on ressente des choses, on ne sait pas mettre un filtre sur toutes les situations. Dans ce métier, tu en apprends beaucoup sur toi. Il faut savoir observer ce qui se passe en nous, s’écouter et puis parfois, passer la main. C’est vraiment très bien de le faire. Ce sont nos limites professionnelles, il faut savoir les mettre.

Le Guide Social : Quel conseil donnerais-tu aux personnes qui hésitent à devenir infirmiers, ou qui sont aux études ?

Magalie : Ce que je dirais, c’est qu’il ne faut pas se décourager. Il y a tellement de services différents, il faut vraiment trouver sa voie. Et trouver sa voie c’est aussi se connaître soi et trouver la concordance entre différents questionnements.

La notion du soin est très large et surtout, propre à chacun. Ça demande du temps. C’est des essais et des erreurs. C’est pour ça qu’il ne faut pas se décourager parce que les 2, 3 premiers stages, ou jobs, ne se sont pas passés comme on le souhaitait.

Si tu veux faire ce métier, parce que tu as envie de prendre soin de l’autre, parce que ce métier a du sens pour toi, alors continue de chercher. Trouve les réponses à ces questions : Pourquoi souhaites-tu devenir infirmier ? Qu’est-ce que tu veux transmettre à tes patients, qu’est-ce que tu as envie de leur renvoyer ? Quelle définition as-tu envie de donner à ton métier ?

Il y a mille et une visions du soin. À toi de trouver la tienne !

Pour moi, le métier d’infirmier ce n’est pas un métier anodin, en tous cas pas dans la position que j’occupe. Il faut être passionné, y trouver un sens profond, en accord avec soi-même.

Le Guide Social : Et pour toi, qu’est-ce que tu vois dans le futur ?

Magalie : Impossible à dire. Je ne me projette pas. Je vis le moment présent !

Propos recueillis par Mathilde Majois

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