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"Ma mission d’éducatrice spécialisée : combattre l’isolement des personnes âgées"

Nina George ne s’était jamais imaginée travailler auprès des personnes âgées. Aujourd’hui, cette éducatrice spécialisée de 30 ans ne se verrait pas ailleurs que dans une maison de repos et de soins. À travers son expérience, la professionnelle nous aide à lever les tabous autour de sa profession et du secteur dans lequel elle l’exerce.

Quand Nina George raconte ses débuts comme éducatrice spécialisée, elle le fait sans détour : elle ne s’imaginait pas un instant travailler dans une maison de repos avant d’y mettre les pieds. «  J’avais des œillères et je me disais que je ne voulais pas être dans un lieu avec des personnes âgées avec qui on ne pouvait rien faire  ».

Le destin en a voulu autrement pour cette professionnelle de 30 ans. Arrivée en troisième année de bachelier en éducation spécialisée en accompagnement psycho-éducatif à l’IPSMA Charleroi (devenu l’Institut Provincial Lise Thiry), Nina George ne parvient pas à obtenir un stage dans le judiciaire comme elle le souhaitait. Elle finit donc par se tourner vers une maison de repos à Bruxelles, en dernier recours. «  Je suis arrivée là-bas avec des stéréotypes. J’ai même demandé à mon maitre de stage pourquoi il travaillait là. Si c’était par dépit...  », confie-t-elle en souriant. Si ce souvenir l’amuse, c’est qu’après cinq ans de carrière elle ne se verrait plus travailler ailleurs. Après son stage, la maison de repos l’a embauchée pour remplacer l’éducateur spécialisé qui partait en congé sabbatique. Aujourd’hui, elle travaille au sein de la Résidence Trèfles à Anderlecht (groupe Novadia) où elle est également référente pour la démence.

«  Ce n’est pas forcément un truc calme où on joue au bingo  »

Lors de notre entretien, Nina George démonte un à un les clichés qui pèsent sur le secteur. «  J’ai réalisé qu’on peut être soit même avec les personnes âgées et transmettre du dynamisme. Ce n’est pas forcément un truc tout calme où on joue au bingo toutes les semaines  ». Ces clichés sont notamment nourris par la méconnaissance du secteur et de cette tranche de la population. De plus, selon elle, la société pousse les personnes âgées à se replier sur soi. «  Quand on est vieux notre avis ne compte plus trop, on est moins présent physiquement  », explique-t-elle.

Ainsi, en tant qu’éducatrice, sa mission est de combattre l’isolement des personnes âgées, de créer des ponts entre elles mais aussi vers l’extérieur et de s’assurer qu’elles gardent des relations avec la famille et les proches. Une mission d’autant plus cruciale en période de crise sanitaire.

Concrètement, cela passe par un travail de réseaux. «  On va trouver des partenaires pour faire venir des gens de l’extérieur dans les résidences et qu’ils voient que ce n’est pas un mouroir comme beaucoup le pensent. On fait aussi sortir les résidents afin de leur montrer qu’ils sont encore des adultes et qu’ils peuvent aller au musée, au théâtre, au cinéma...  ». Elle contribue également à créer des relations entre les bénéficiaires qui ont parfois des origines, des cultures ou des classes sociales différentes. «  Quand un résident entre en maison de repos, je le rencontre et je fais son histoire de vie. Grâce à cela, je sais trouver des liens communs entre les résidents et j’organise des activités pour qu’ils puissent se rencontrer sur ces points ».

Référente en démence

En plus de sa casquette d’éducatrice spécialisée, Nina George est également la référente pour la démence. Elle a pu obtenir cette position grâce à une formation de 6 mois – donnant droit à un congé-éducation payé - au sein du CPSI, à Woluwe-Saint-Lambert. « C’était ma deuxième année de carrière et j’étais déjà en contact avec des résidents qui présentaient une démence mais je ne savais pas quelle attitude à avoir et quelles activités proposer  », raconte-t-elle. Si elle se souvient avoir évoquer cette thématique lors de sa formation d’éducatrice spécialisée, celle-ci a toutefois été survolée. «  Le métier d’éducateur touche tellement de secteurs qu’on ne sait jamais tous les voir en profondeur  », explique-t-elle.

Aujourd’hui, Nina George est la responsable des deux unités protégées de la maison de repos dans laquelle elle travaille et qui accueillent des personnes souffrant de troubles cognitifs (maladie d’Alzheimer, Parkinson...). Là aussi, l’éducatrice a pour mission de créer des ponts à travers des activités au sein de la résidence mais aussi avec la famille : «  Je leur explique la maladie, je dédramatise. Parfois, les proches ont perdu le lien à cause de la démence alors je vais les aider à rencontrer leur parent. Cela peut être à travers une musique qui provoque une émotion liée à un souvenir ».

L’impact que Nina George parvient à avoir, elle le voit quotidiennement auprès des bénéficiaires. «  Parfois un résident qui est très loin dans la démence vous tient la main parce qu’il sent que vous lui voulez du bien ou se souvient de vous, et là on se rend compte qu’on a réussi à entrer dans sa tête  ». Le souvenir qui l’a le plus marquée, c’est lorsqu’elle a quitté son premier poste. Le jour du départ, deux résidents qui ne sortaient jamais ont décidé de traverser la rue, l’un à pied, l’autre en chaise roulante, pour lui acheter un cadeau de départ. «  Cela m’a beaucoup touché qu’ils aient voulu sortir pour montrer leur affection  ».

Elle forme aussi ses collègues

Parallèlement à son action auprès des bénéficiaires, Nina George s’occupe de former tout le personnel (des soignants et soignantes aux techniciennes et techniciens de surface) sur les thématiques autour de la démence. Elle leur explique alors les pathologies et les bonnes attitudes à avoir. «  Je réponds à leurs questions, les soutiens et les aide à prendre du recul car ça peut être difficile de travailler avec ces personnes. On peut faire face à de l’agressivité, à des crises de pleurs...  », explique-t-elle.

Depuis quelques temps, des auto-formations sont également mises en place. Ainsi, chaque professionnel ou professionnelle qui se sent d’expliquer son rôle et d’apporter quelque chose à l’équipe peut donner une formation au personnel. «  Récemment, l’ergothérapeute en a fait une sur son rôle en maison de repos et les aspects bénéfiques pour les résidents et pour le travail pluridisciplinaire  ».

Travail en réseau

En effet, l’une des grandes caractéristiques du travail de Nina George est qu’il s’exerce en réseau avec différentes figures professionnelles  : kinésithérapeutes, infirmières, ergothérapeutes... «  Selon moi c’est une richesse. On a une vision très élargie sur le résident  », assure-t-elle. La difficulté toutefois, c’est de trouver le temps de se rencontrer et d’échanger.

Une autre particularité liée au travail en équipe pluridisciplinaire mais aussi à son métier d’éducatrice est la nécessité de se former continuellement. «  Quand on est en briefing le personnel soignant parle de pathologies, utilise des termes médicaux et il faut pouvoir suivre pour comprendre de quoi on parle. Pour ça il faut se former, se renseigner  ».

La curiosité est donc une qualité importante selon la professionnelle. C’est d’ailleurs ce qu’elle aime dans son métier. «  J’apprends beaucoup grâce aux relations avec les bénéficiaires et avec le personnel  ». Parmi les autres qualités qu’elles citent  : la polyvalence et la patience. «  Mais attention, ce n’est pas synonyme de passivité, au contraire il faut être dynamique pour entrainer les foules  ».

« Je suis une professionnelle qui a de l’empathie, pas une amie qui a de la sympathie »

Parallèlement, l’éducatrice reconnait que son métier est très fatigant aussi bien sur le plan physique que psychologique. «  Dernièrement avec la crise sanitaire on a eu beaucoup de décès les uns après les autres. Il faut réussir à recevoir les émotions et à prendre du recul tout en restant humain. C’est un équilibre à avoir  ». Cet équilibre, Nina George en a pris conscience dès son premier stage où elle a travaillé auprès d’enfants abandonnés ou éloignés des familles après des cas de violences. «  Dès le début on se dit ‘je suis une professionnelle qui a de l’empathie et pas une amie qui a de la sympathie  ».

Pour réussir à prendre du recul, «  les vacances sont toujours bienvenues  », assure-t-elle en riant. Et surtout, Nina George échange beaucoup avec ses collègues. «  Parfois on ne se rend pas compte qu’ils vivent la même chose.  »

Pour la professionnelle, la fatigue vient aussi du manque de connaissance et de reconnaissance du métier. «  J’ai l’impression de devoir toujours expliquer et justifier la profession  ». Elle raconte avoir vu parfois des offres d’emploi pour des positions d’éducateur spécialisé dans lesquelles il était spécifié que les assistants sociaux et les ergothérapeutes pouvaient aussi postuler. « Est-ce qu’on cherche vraiment un éducateur ici ou on cherche quelqu’un qui travaille avec les gens ?  », se désole-t-elle. Des confusions qui émanent parfois même des autres membres de l’équipe. «  Les gens ne connaissent pas toujours le rôle de l’éducatrice spécialisée en maison de repos et souvent on va dire ‘Ah voilà l’animatrice’  ».

Ainsi, le conseil que Nina George veut donner aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans une telle carrière est «  de ne pas s’arrêter aux clichés sur le métier et le secteur  ». Garder l’esprit ouvert. Pour elle, la force de cette profession c’est qu’elle peut s’exercer dans beaucoup de structures. On peut même partir avec des préjugés sur un secteur et s’y épanouir. «  J’en suis la preuve vivante  ».

Caroline Bordecq

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