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Chronique d’un psy : "Le savoir-faire du psychologue"

05/01/21
Chronique d'un psy:

En vertu d’une prétendue inquiétude quant à l’hypothétique sort juridique de notre profession, on voit fleurir en plein hiver des pensées par rapport à la pratique de la psychologie clinique qui n’ont visiblement pas laissé T. Persons indifférent…

200 millions d’euros. Oh, le beau budget, me direz-vous, la larme à l’œil, en lisant la presse nationale. Enfin une opportunité majeure de rendre les soins psychologiques accessibles à la population ! Tous les psychologues devraient s’en réjouir, s’y intéresser et agir afin que cet argent soit vaillamment utilisé. Or, il n’en est visiblement rien, vu la priorité du moment de certaines associations professionnelles : alerter contre le risque de paramédicalisation du psychologue.

Ah. Le mot qui fâche est lâché. Complot ! Instrumentalisation ! Il faut se méfier du Médical, avec sa rigueur scientifique, sa blouse blanche et sa volonté d’asservir le monde. De fait, cela fait plus de trente ans que l’on entend la même rengaine où les vilains psychiatres font main basse sur le pauvre psychologue démuni qui se voit privé de toute autonomie. Loin de moi l’idée de balayer d’un revers de la main cette tragique situation qui doit certainement encore être vécue par une infime partie de nos psychologues, mais je me pose néanmoins une question : à partir de quand naissent les stéréotypes ?

Le problème, en dehors du fait que cette paramédicalisation soit marginale, c’est qu’elle est la base d’un argumentaire qui me parait singulièrement dangereux. De fait, on nous explique que le médical passe à côté de son Sujet. Et, du coup, on en vient à créer une fracture entre la Science froidement rigoureuse et l’Art du savoir-faire psychologique qui sent bon comme une tarte au four. Dans ce contexte, on fait la part belle à l’expérience du thérapeute avec pour adage : c’est en forgeant que l’on devient forgeron.

Mais de là à se définir comme artisan ou artiste...

Malheureusement, le danger, quand on considère que le savoir-faire du psychologue prime sur tout et qu’il faut s’éloigner d’un modèle médical où la science est omniprésente, c’est de lui fermer complètement la porte, tout en l’ouvrant à toute une série de pratiques - certes ancestrales – qui n’ont aucune validation scientifique. Puis, admettons, il y aurait un artisanat de la psychologie où le savoir-faire se brasserait comme une bière trappiste. N’y aurait-il pas un danger à considérer que l’on ressert toujours la même recette ? Le progrès ? Les nouvelles pratiques ? La société qui change ? Et bien, on l’enterre au pied de sa tour d’Ivoire et on fait comme on a toujours fait, pardi ! Oui, cela fonctionne, si on fait du fromage. C’est un peu plus complexe quand on est, aux yeux de la loi, une profession de soins de santé.

Non, mais T. Persons est complètement à côté de la plaque, dira-t-on. Certes, je n’y comprends rien, mais je ne suis pas certain que les auteurs de ce genre de propos arrivent eux-mêmes à se comprendre. On me reprochera certainement de styliser le discours, de faire des raccourcis, de mettre en exergue le ridicule d’une pensée simplifiée, et pour le besoin de la caricature, je le concède, c’est - à peine – le cas.

En conclusion, il m’est évident que l’on ne peut pas « penser sa pratique » en la réduisant uniquement à quelque chose de purement scientifique, mais de là à se définir comme artisan ou artiste, il y a un pas que je ne ferai jamais. L’humain est au cœur de notre noble travail, c’est pourquoi il est essentiel que la science soit notre boussole et notre garde-fou. L’opposer, sous couvert d’une peur de la paramédicalisation, à la pratique de la psychologie est un non-sens absolu. Nous sommes le produit de la science et n’en déplaise à ceux qui aiment se considérer comme le Marcolini ou le Mozart de la psychologie, il vous reste à quémander un budget au ministre de la Santé pour inscrire notre profession au patrimoine immatériel de l’UNESCO…

T. Persons

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