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L'ado, responsable du succès des mesures d'aide ?

26/03/18
L'ado, responsable du succès des mesures d'aide ?

Qu’il s’agisse de l’Aide à la Jeunesse ou de structures issues du secteur de la Santé Mentale, la question de l’engagement et de la responsabilité du jeune dans le processus d’aide se pose différemment. Réflexion.

Face à l’adolescence en détresse, la mise en œuvre d’une aide adaptée peut se faire sous plusieurs formes qui peuvent relever de logiques différentes.C’est sans doute le cas des services issus de l’aide à la jeunesse et de la santé mentale (les seconds relevant d’ailleurs d’une autre législation).Par « logique différente », on peut entendre l’existence de bases éthiques qui ne reposent pas sur la même manière de considérer l’aide.

Contexte

Après les services de premières lignes (PMS, Centre de Guidance, AMO…), l’offre d’aide pour les ados peut se présenter sous deux grandes formes reliées à des législations différentes : l’Aide à la Jeunesse et la Santé Mentale. D’une part, le décret de l’Aide à la Jeunesse envisage une forme d’aide plutôt interventionniste, bien que visant à la « subsidiarité de l’aide contrainte par rapport à l’aide volontaire » et, d’autre part, la loi relative à la Santé Mentale s’attelle à organiser les soins psychologiques basés (hormis les cas spécifiques appelés « médico-légaux ») sur le principe d’engagement du patient.

Qui (s’) aide ?

D’une certaine manière, on pourrait dire que les législations et le politique entérinent la différence qui existe entre les deux univers : dans l’Aide à la Jeunesse, l’adolescent est considéré comme étant un adulte en devenir, nécessitant un soutien de la société ou un recadrage. Il n’est, ainsi, pas forcément l’activateur de l’aide et, quelle que soit son adhésion au dispositif, il est « tenu » de le suivre, si l’adulte qui l’accompagne estime que c’est la voie à prendre. C’est, bien sûr, particulièrement le cas de l’aide contrainte (SPJ). En Santé Mentale, qu’il soit adulte ou adolescent, l’individu est au centre du processus de soin. Autrement dit, si l’on veut que la thérapie soit « opérante », il faut que ce dernier soit demandeur et partie prenante de cette évolution… D’une part, on a donc le jeune qui « subit » ou qui suit les décisions de l’adulte et de l’autre, on a l’adolescent à qui on demande d’être acteur d’un processus de soin.

Qui dit mieux ?!

Si d’un côté, le caractère « interventionniste » peut donner l’impression de priver l’ado de son esprit libre et critique, le terrain nous apprend que certains adolescents « perdus » ou en mal de repères trouvent, en fait, une certaine sécurité dans l’avis tranché d’un adulte. De l’autre côté, il peut sembler ambitieux (voire peu réaliste ?) d’attendre l’engagement d’un adolescent en crise dans un processus thérapeutique. En proie aux mutations que l’ont connaît à l’adolescence et rattrapé par le mal-être qu’elles occasionnent parfois, difficile pour l’adolescent de prendre pleinement ses responsabilités face au soin… Et en même temps, la décision personnelle qu’implique ce genre d’engagement peut être un gage de résilience non négligeable…

En pratique

Sur le terrain, ces deux logiques se rencontrent souvent et peinent parfois à trouver un terrain d’entente. En tant qu’intervenante sociale, il m’est arrivé d’accompagner des adolescents vers une structure psychiatrique. Traversée par une certaine inquiétude, il me paraissait nécessaire de répondre rapidement à ce qui me paraissait être leur besoin. Lorsqu’on participe au système de l’Aide à la Jeunesse, on est guidé par une pensée protectionnelle qui enjoint, parfois, à penser pour le jeune… Là où le monde psychiatrique s’attache au désir propre du jeune. Et pour que ce désir émerge, il faut parfois 2 à 3 entretiens d’évaluation de la demande… Un vrai dos d’âne pour les acteurs du réseau « AJ » pris par l’urgence de certaines situations.

Pour un même but

Certes, l’urgence de l’un n’est pas celle de l’autre, et il faut parfois accepter le rythme de celui qu’on sollicite. Si le monde psychiatrique présente parfois le réflexe de tempérer les choses à notre insu, il nous apprend aussi à nous, soldats du protectionnels, qu’en prenant le temps de discuter de ce qui se passe (au sens de « méta-communiquer »), on donne à l’ado l’opportunité de puiser dans ses propres ressources pour se positionner. Il m’est ainsi arrivé de participer à la procédure de pré-admission d’un jeune dans un hôpital psychiatrique et de voir, au travers de l’écoute d’une équipe tierce, la crise s’estomper. Evoquer la piste d’une hospitalisation n’est pas sans conséquences et le fait de les mesurer a parfois valeur pour le jeune de prendre une autre direction.
A la différence que cette fois, c’est lui qui la choisit.

Complémentarité

Le paradigme de l’aide, le secret professionnel ou la législation qui diffèrent peuvent sans doute être source de crispation lorsque ces deux univers se rencontrent. Cela dit, une fois ces états de faits dépassés, on ne peut que constater le caractère complémentaire de l’aide à la jeunesse et la santé mentale dans certaines situations. Puisque l’intérêt du jeune est au centre des pratiques de chacun, ce caractère complémentaire devient un essentiel pour offrir au jeune une aide spécialisée et humaine.

L.T. Assistante en Psychologie

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