Les stages, un moment-clé dans la formation des métiers de la santé et du social
Les stages sont une partie très importante des études pour se former aux métiers du secteur psycho-médico-social. Ils permettent de se confronter à la réalité du terrain, d’échanger avec les collègues et ainsi d’emmagasiner un grand nombre de connaissances. Dans cet article, une série de professionnels et professionnelles reviennent sur leurs expériences ! Entre confrontation avec le terrain, découvertes et prises de conscience.
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« J’ai vu une vraie différence entre la personne que j’étais en entrant dans ce stage et celle que j’étais en partant. C’était chez Infirmiers de rue. Pour moi, depuis toujours, c’était le sans-abrisme. Donc dès le mois de mai de ma deuxième année de formation, j’ai contacté l’association que je connaissais depuis longtemps. Ce fut un stage extraordinaire ».
Pour Fiona, ce stage fut une évidence. Grâce à cette expérience de terrain, cette assistante sociale qui a repris des études à 30 ans a eu la confirmation que le secteur qui l’attirait depuis de nombreuses années était le bon. Ce stage qu’elle a pu entreprendre lui a permis de développer des compétences professionnelles qui lui servent encore aujourd’hui dans son emploi au sein de l’ASBL Rolling Douche. Elle a trouvé le moyen de façonner son cadre de travail, à travers les conseils et l’expérience acquises durant son stage.
Mais, les stages peuvent aussi être une manière de remettre en question les certitudes de certains et certaines, comme le rajoute Fiona : « En deuxième, c’était dans un espace rencontre à la Hulpe. Et cela, je n’ai pas du tout aimé car il y avait énormément de problématiques intrafamiliales et surtout des conflits parentaux qui étaient imposés aux enfants. L’aide à l’enfance et à la jeunesse m’attirait, je pensais que ça pouvait être intéressant pour moi. Mais c’est un secteur qui ne me convient pas ». Car, la confrontation au terrain n’est pas toujours tendre pour les futurs professionnels. Une chose est certaine : il y a souvent un avant et un après.
La richesse qui se cache derrière les récits de travailleurs sont à prendre en considération et peuvent servir d’appui pour les futures générations de stagiaires, à la recherche d’un endroit où se former.
C’est quoi un stage ?
Mais commençons d’abord par rappeler ce qu’est un stage concrètement. Un stage est une pratique professionnelle qui permet à l’étudiant-e de mettre en application ses connaissances et ses capacités sur le terrain. En tant qu’apprenti-e, il-elle réalise cette immersion afin d’acquérir une expérience professionnelle qui lui servira pour sa future profession. On peut considérer que le stage est la clé de voute qui relie le débutant vers le professionnalisme.
Qu’en est-il donc de ces aspirant-e-s qui se forment dans des métiers tels que l’éducation, la petite enfance, les soins infirmiers ou la psychologie ? La théorie, acquise pendant la formation, suffit-elle à mettre en pratique les compétences nécessaires à la réalisation de certaines tâches quotidiennes ? Les témoignages des multiples acteurs et actrices du PMS indiquent que les stages sont une “phase d’apprentissage”, dans laquelle le-la stagiaire commence à percevoir toute la richesse et l’épanouissement personnel que peuvent offrir ces insertions au monde professionnel. Ou au contraire, toute la dureté et la complexité que peuvent rencontrer ces professionnels au quotidien.
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Premiers contacts à l’humain
Prenons l‘exemple de la nécessité d’un jeune stagiaire à devoir effectuer une immersion professionnelle dans les milieux du PMS (psycho-médico-social), grâce à un stage d’insertion. Notons que cette immersion permet d’apercevoir les tenants et aboutissements du métier dans lequel il- elle sera confronté-e à l’avenir, d’où l’importance de promouvoir l’inclusion des stages car ceux-ci sont directement liés au contact de “l’humain”. C’était le cas de Charlyne, infirmière à domicile, qui nous raconte les stages qu’elle a pu effectuer avant de devenir une spécialiste des soins à domicile : “Ils sont clairement un moment important et fondateur de l’apprentissage. Pour moi, ils ont été parfois assez éprouvants mais, surtout, ils ont été nécessaires pour savoir comment je voulais exercer le métier. Par exemple, j’ai compris grâce aux stages que je ne souhaitais pas travailler dans le secteur hospitalier. Pourquoi ? Car j’ai eu le sentiment de ne pas être là en tant qu’étudiante qui apprend, mais en tant qu’étudiante qui doit savoir ce qu’elle fait. A l’hôpital, pour moi, on a des responsabilités que des stagiaires ne devraient pas avoir. Et cette situation m’a gênée... ».
Des stages d’insertion qui peuvent se finir par des changements de carrière professionnel. Comme ce fut le cas pour Jason Descamps, assistant social pour le Télé-Service à Liège, qui nous livre l’importance des stages qu’il a pu suivre dans sa première année d’étude d’infirmier, avant de se reconvertir vers l’aide sociale : « Je suis allé au bout de la première année puis j’ai arrêté. Au fil des stages, je me rendais compte que l’aspect santé prenait parfois beaucoup le dessus sur l’aspect humain. J’avais envie d’avoir plus de contact avec les personnes et donc je me suis dirigé naturellement vers des études d’assistant social. Cela peut paraitre bateau mais c’est vraiment le contact aux autres qui me motive. Avoir l’impression de pouvoir apporter quelque chose à des gens à un moment donné dans leur vie ».
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La réalité entre la théorie et la pratique
C’est un fait, qui est malheureusement rencontré par beaucoup de stagiaires des secteurs sociaux et médicaux : qu’une fois la blouse blanche enfilée, les connaissances théoriques acquissent ne suffisent pas toujours à répondre aux besoins et attentes du lieu d’accueil mais aussi des personnes prises en charges, bénéficiaires, patients...Anne-Laure Durand, actuellement sage-femme depuis 2018 au Cocon de l’Hôpital Erasme à Bruxelles, revient sur ce moment qui a été des plus marquant pour elle : « J’étais en 2e année lorsque j’ai fait mon premier stage à la maternité. Je suis allée en salle de naissance à Saint-Pierre et j’ai été témoin de naissance pour la première fois. C’était incroyable dans le positif, car je découvrais le monde dans lequel j’allais travailler, et dans le négatif car c’était assez violent. On ne m’avait pas du tout expliqué comme ça allait se passer, je n’étais pas bien accompagnée par rapport à ce que je voyais, à la position à avoir dans cette intimité avec la famille ».
Mais pas de panique non plus : le stage est aussi un moment où l’expérience acquise sur le terrain permet en outre, de faciliter la transition de la connaissance théorique vers un savoir “plus pratique”. Il incite l’étudiant-e lui-même à devenir acteur-rice de son apprentissage, car il ne peut y avoir de bonne pratique sans un support théorique au minimum. Le stagiaire devient en quelque sorte responsable de sa formation lors du stage, et peut laisser la théorie en “stand-by” pour inclure à la place, une passion déjà encrée en soi.
Et Leslie est un parfait cas de figure, éducateur spécialisé au sein de l’ASBL Amarrage, professeur à la Haute Ecole Léonard de Vinci, professeur d’arts martiaux et fondateur de l’ASBL Peach Pack, nous explique comment il a su réunir la pratique des arts martiaux dans le cadre de son travail : « J’aime bien l’action. Je ne me voyais pas faire un boulot derrière mon ordinateur, et puis je n’ai pas aimé l’idée de suivre un programme en tant que professeur. Je voulais aller plus loin..Je remarquais que si on faisait un peu de boxe avant un match de foot, les jeunes étaient beaucoup moins agressifs. Il y avait moins de bagarres. Je pouvais donc associer ma passion avec le fait d’aider les autres. C’est une manière de donner d’autres perspectives aux jeunes, une alternative à la vie qu’ils connaissent. Je leur dis souvent qu’on peut être fort en restant positif ».
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Un développement sur le plan personnel
Le stage est une transition de la vie d’étudiant-e à celui du professionnel-lle, il donne la possibilité au stagiaire de pouvoir commettre des erreurs, en situation d’apprentissage. Car pour améliorer sa confiance, le stagiaire doit les comprendre, les corriger et éviter qu’elles ne se reproduisent. L’amélioration de certaines qualités est très présente en stage dont l’autonomie, le développement des habilitées professionnelles et des qualités personnelles, être capable de se situer professionnellement parlant, ainsi qu’un bref aperçu des différents milieux de travail.
Ce développement de soi-même à travers la pratique de stage a permis à Sabri Ben Abdelhafidh et Gabriel Sapronov, deux jeunes psychologues tout juste diplômés de l’Université Libre de Bruxelles, de faire le point sur leurs compétences personnelles. « J’ai réalisé mon deuxième stage au Togo où j’y ai fait mon mémoire. De manière personnelle, j’ai réellement ressenti un choc car c’était la première fois que j’étais confronté à autant de misère et de consommation/addiction. Je n’ai jamais été proche ou confronté à cette réalité. Et là, j’ai été amené dans les histoires, à devoir les écouter. Au début, ça a été très dur. Quand je rentrais chez moi, j’étais dégouté de la vie, je culpabilisais d’être au chaud, d’avoir à manger... Le premier mois a été l’objet de nombreuses réflexions autour de ça. C’était vraiment de l’observation car tout était nouveau. J’ai dû accuser le coup pour ensuite pouvoir me poser des questions professionnelles par rapport à la psycho. En tout cas, quand ils m’ont engagé en tant que remplaçant pour l’été, ça a boosté ma confiance. On me faisait confiance alors je pouvais me faire confiance aussi » s’exprime Sabri.
Quant à Gabriel : « Personnellement, ma première réaction a été “Oula ! “. Je me suis dit que je n’étais pas aussi prêt que je pensais l’être. Et par la suite, je me suis rendu compte que j’avais les outils et que je savais les utiliser. De plus, j’ai eu beaucoup de liberté et de possibilités dans ce premier stage. J’ai donc pu tester pas mal de choses. Donc oui, le premier sentiment était vraiment de ne pas me sentir prêt à une certaine pratique. Pour le deuxième stage, j’ai occupé une place tout à fait différente. On me présentait plus en tant que thérapeute que psychologue. Je ressentais moins de pression. Ce deuxième stage m’a ouvert les yeux sur le grand nombre des possibilités de choses à mettre en place en lien avec la musique notamment ».
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Un engagement à la clé
La fin du stage peut conclure parfois sur un engagement, l’employeur ayant vu en l’étudiant.e, un potentiel bénéfique au sein de la structure. Bon nombre de stagiaires parviennent ainsi à accéder à une sureté professionnelle à la fin du cursus d’apprentissage, sans à devoir passer par la recherche de l’emploi. Séverine Piret, psychothérapeute depuis 25 ans, nous explique comment elle a pu ainsi décrocher son premier emploi : « Mon engagement dans mon premier boulot à l’Oasis m’a beaucoup marqué. C’était un service psychiatrique qui est devenu par la suite l’Hôpital Léonard De Vinci. J’avais réalisé le 3e cycle de mon stage bénévolement et à son terme, on m’a proposé de m’engager comme indépendante, faute de poste disponible en tant que salarié. Ce que j’ai refusé car je trouvais que j’étais trop jeune pour exercer en tant qu’indépendante. Les responsables du service ont fini par réussir à m’engager en temps partiel. C’était une belle récompense. J’ai eu la chance d’avoir beaucoup de liberté et surtout de travailler dans un rapport de confiance mutuelle ».
Il arrive aussi que certain-e-s stagiaires puissent bénéficier de l’accès à l’emploi au cours du stage même ! Ce fut le cas pour Sylvie Adam, psychomotricienne relationnelle de Saint-Josse, qui nous explique : « Je n’étais pas encore diplômée que j’étais déjà engagée là où j’ai fait mon stage de 3e année, à Itinéraires AMO, à Saint-Gilles. Puis, dès que j’ai eu mon diplôme, j’ai ouvert la salle où je suis actuellement ».
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Le stage, un pont vers le professionnalisme moderne
Nombreux spécialistes du secteur psycho-médico-social vous diront que les stages sont une des pierres à l’édifice pour vous former correctement, à ces métiers humains. Ces insertions en milieu professionnel sont aussi le moment propice pour découvrir les secteurs dans lesquels le stagiaire voudra ou pas se diriger à l’avenir.
Les stages sont aussi un moyen pour comprendre la réalité du terrain, pouvant même en dérouter plus d’uns, à un certain moment de l’apprentissage. Heureusement, les maitres de stages et les maitres de formation pratique sont là pour vous épauler durant votre parcours, comme nous le confirme Fiona : « J’ai eu beaucoup de chance avec la mienne, car elle aime beaucoup son travail et ça se ressent. Elle m’a énormément aiguillée au début sur l’attitude que devrait emprunter une assistante sociale, sur les petites choses à dire et à pas dire, comment sentir les choses, comment réagir... Je les ai beaucoup mises en place et elles me servent dans mon travail de tous les jours ».
Nous ne pouvons que vous conseilliez “d’oser” aller à la rencontre de vrais professionnels du métier, pour parfaire vos connaissances tant personnelles, que professionnelles. Comme le disait Aristote : « Ce que nous devons apprendre à faire, nous l’apprenons en le faisant ». Maintenant que vous connaissez la marche à suivre, il ne vous reste plus qu’à trouver votre prochain lieu d’initiation !
Lucas Hurbin
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