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Fiona, assistante sociale : une reconversion professionnelle au service des SDF

Fiona, assistante sociale : une reconversion professionnelle au service des SDF

Eclectique, c’est le mot qui pourrait définir le parcours de Fiona. Après s’être dirigée vers des études en tourisme, en art et avoir travaillé au sein d’une entreprise spécialisée en informatique, c’est dans le social qu’elle semble s’épanouir. Assistante sociale depuis novembre 2020 pour l’ASBL Rolling Douche, elle nous a confié son parcours, sa reconversion professionnelle à 30 ans, ses doutes et sa passion pour ce métier dans le secteur du sans-abrisme.  

Fiona est comme un poisson dans l’eau. Elle discute chaussettes sans élasthanne, partage la joie d’un usager invité à un brunch, gère les passages de douches, recherche le prochain de la liste, lance des blagues au bénévole. C’est une belle énergie qu’il y a par ici !  La jeune femme est depuis peu assistante sociale pour l’ASBL Rolling Douche, un service d’hygiène mobile créé en 2017 qui permet aux sans-abris de profiter d’une douche gratuite, de vêtements propres, d’un café, d’un thé et d’une soupe, mais surtout d’échanger, de créer du lien avec l’équipe. 

Ce lundi-là, Fiona est sur le pied de guerre dans le mobil-home récemment acquis par l’équipe. "Sur l’ancien, il y avait un truc qui pétait tous les jours. Je ne sais pas comment on a fait pour le tenir aussi longtemps. Au moins, on apprend le bricolage. Cependant, il était temps d’avoir quelque chose de fonctionnel, ce qui n’a pas était une mince affaire. Avec le Covid, tout le monde s’est rué sur les mobil-homes", lance Fiona.  

Le rendez-vous que donne Rolling Douche tous les lundis place Flagey permet de créer du lien avec les usager.ère.s et de répondre aux demandes. “Le boulot d’assistant social, c’est être un soutien pour la personne. C’est faire un cheminement à partir d’une problématique d’une personne. Cette dernière vient avec une demande et non le contraire. Et l’AS est là pour l’assister dans ses démarches et pour arriver à une solution."

 Découvrez aussi le podcast de Fiona, assistante social dans le secteur du sans-abrisme en cliquant sur ce lien

Une vocation qui refait surface à 30 ans

Après des études en tourisme, en histoire de l’art et quelques années dans une entreprise spécialisée en informatique, la vocation sociale de Fiona, enfouie depuis plusieurs années, a ressurgi sans crier gare. “J’avais besoin de me plonger dans le social. C’était un vrai besoin.” Et ça se voit. Elle précise  : “ Ca m’a rattrapé. Je pense que j’ai toujours été faite pour ce métier. A 22 ans, quand je suis arrivée à Bruxelles pour mes études en Histoire de l’art, je parlais avec les personnes sans-abris. C’était quelque chose qui me tenait à cœur. Je n’avais pas le temps de faire du bénévolat car je travaillais pour payer mes études et en fait, je voulais être là pour soutenir ces personnes. Mais je n’avais pas de légitimité, ni les outils dont ont besoin les assistants sociaux pour travailler. C’est pour cela que je me suis lancée dans les études, à 30 ans à l’IESSID.”  

Le retour aux études s’est fait avec une vraie envie, sachant la voie qu’elle voulait emprunter.  Ce choix a été le résultat d’une longue réflexion. " A 30 ans on n’envisage pas les études de la même façon qu’à 18 ans. Quand on fait ce choix à 30 ans, il est maturé. Il faut être prêt à poser les bonnes questions, prêt à se prendre des baffes car on peut avoir tendance à idéaliser le travail d’AS. Les jeunes de 18 ans que j’ai pu voir dans ma promo, pour certain.e.s, étaient là car le métier peut sembler pas trop compliqué et qu’il y a de la demande sur le terrain, ce qui assure un emploi. Je trouve cela dommage de voir le métier à travers ce regard-là car c’est un métier merveilleux, il faut vraiment avoir envie d’être AS. Personnellement, j’ai beaucoup de fierté à le dire. "

Et pour la jeune femme, c’est une réussite. Cette reconversion professionnelle est un choix qui se révèle être le bon, qui correspond à ses aspirations profondes.  "C’était trois années incroyables ! Les cours étaient vraiment super, la grande majorité en tout cas. Ils étaient très pointus et en lien avec le boulot. Beaucoup de mes cours m’ont formée. Evidemment le terrain aussi."

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L’importance des stages

Les stages sont une partie très importante des études d’assistant social. Ils permettent de se confronter à la réalité du terrain, d’échanger avec les collègues et ainsi d’emmagasiner un grand nombre de connaissances.  "Lors de ma formation, j’ai eu trois stages. En première, mon stage a duré 4 semaines et je l’ai fait dans un service d’aides familiales et ménagères. J’allais avec les AS à domicile et cette expérience a confirmé mon choix de carrière. Quand on est face à la personne il y a quelque chose qui se passe, un lien. On voit la dimension humaine de ce métier. C’est 95% d’humain et 5% d’administratif."

C’est également l’occasion de découvrir les secteurs dans lesquels on ne se sent pas à l’aise. "En deuxième, c’était dans un espace rencontre à la Hulpe. Et cela, je n’ai pas du tout aimé car il y avait énormément de problématiques intrafamiliales et surtout des conflits parentaux qui étaient imposés aux enfants.  L’aide à l’enfance et à la jeunesse m’attirait, je pensais que ça pouvait être intéressant pour moi. Mais c’est un secteur qui ne me convient pas."

Finalement, les stages peuvent également confirmer son intuition concernant les secteurs pour lesquels on a une attirance naturelle. "Le troisième est peut-être celui qui m’a le plus formée, c’était chez Infirmiers de rue. Pour moi, depuis toujours, c’était le sans-abrisme. Donc dès le mois de mai de ma deuxième année de formation, j’ai contacté l’association que je connaissais depuis longtemps. J’ai rencontré ma maîtresse de stage et ça a été un stage extraordinaire."

Deux figures essentielles : le maître de stage et le maître de formation pratique

La réalité du terrain peut dérouter, poser questions. Pour gérer cela, les étudiants sont encadrés par deux référents  : le maître de stage et le maître de formation pratique. Le premier suit les étudiant.e.s et les soutient dans l’apprentissage du terrain.  "J’ai eu beaucoup de chance avec la mienne, car elle aime beaucoup son travail et cela se ressent. Elle m’a énormément aiguillée au début sur l’attitude que devrait emprunter une assistante sociale, sur les petites choses à dire et à pas dire, comment sentir les choses, comment réagir... Je les ai beaucoup mises en place et elles me servent dans mon travail de tous les jours."

Quant au maître de formation pratique, il propose des supervisions durant lesquelles les étudiant.e.s viennent avec une problématique rencontrée sur le terrain. Ce moment privilégié permet de débattre, de décharger le vécu et d’être rassuré.e. "J’ai vu une vraie différence entre la personne que j’étais en entrant dans ce stage et celle que j’étais en partant. Les collègues aussi nous apprennent beaucoup car ils ne sont pas avares de conseils et d’anecdotes. Ce qui était chouette chez Infirmiers de rue, c’est qu’on se rendait sur le terrain toujours en binôme et donc j’y allais toujours avec une personne différente. Et les personnes que l’on rencontre, nous apprennent beaucoup aussi."

Le premier emploi, une expérience mitigée

Et vient le temps du premier emploi. Armée de ses connaissances et ses expériences, Fiona entre dans un centre pour personnes sans-abris à Bourse. Son secteur, son public... une belle expérience en vue. Malheureusement, tout ne dépend pas uniquement de la motivation et de la passion. La jeune assistante sociale se confronte alors à une autre réalité, celle des infrastructures laissées à l’abandon où plus aucune énergie n’est investie.  "C’était très difficile. Déjà le local était complétement insalubre. Ces conditions pour accueillir le public me rendaient dingue  !  Le public était très compliqué car beaucoup était sans-papiers et malheureusement, on ne peut quasiment rien faire pour les aider.... Du coup, les personnes venaient pour être à l’intérieur, mais comme il n’y avait pas de projets, elles ne faisaient rien."  

Une réalité qui a remis en doute ses choix professionnels... "Cette expérience m’a fait réaliser que le secteur du sans-abrisme est très difficile. A la suite de cela, je me suis arrêtée un petit temps pour réfléchir, savoir si j’étais vraiment adéquate pour ce milieu-là, si j’avais les épaules pour... Et durant ce temps, j’ai rencontré le directeur de Rolling Douche qui m’a proposé un job. Et j’ai dit oui."

Rolling Douche se rend sur des lieux stratégiques et faciles d’accès. Ainsi, le mobil-home se déplace mais les usager.ère.s aussi, ce qui engendre une neutralité du lieu de rencontre. "On n’est pas chez quelqu’un, on n’est pas dans un bureau, ce qui nous met sur un même pied d’égalité. Je ne veux pas que la personne en face de moi se sente inférieure car elle demande de l’aide à une AS ou parce qu’elle est à la rue. Au contraire, ce sont des personnes qui se battent au quotidien, qui rencontrent des difficultés qu’on ne peut pas imaginer."

L’image de l’assistant social super-héros

En tant qu’assistant.e sociale le contact avec l’autre est au cœur du métier. La volonté de résoudre tous les problèmes, de venir en aide à tout prix est alors très fort. Malheureusement, les actions sont gouvernées par une machine administrative infernale et lente rendant la marge de manœuvre très étroite. Les différentes problématiques psycho-sociales des usager.ère.s sont également un élément important dans la gestion des situations.

Fiona insiste : "Ce qui arrive souvent c’est qu’on parle de l’AS super-héros. On va sauver, solutionner tous les problèmes, on va y arriver. Malheureusement, le boulot est fort associé au sentiment de frustration. Car dans le monde du sans-abrisme, le public est bien évidemment très précarisé, fait preuve de troubles de santé mentale, d’assuétudes, parfois de maladies chroniques qui sont difficiles à suivre et qui peuvent très vite s’aggraver et beaucoup sont sans-papiers..." Alors pour faire face à tous ces freins, il faut s’armer de patience. "L’une des qualités indispensables à avoir quand on veut devenir assistant.e social.e c’est la patience. Mais aussi, l’écoute. Il faut écouter la demande et ne peut l’insuffler. Elle doit venir de la personne. Je rajouterais aussi qu’il convient d’être humble et indulgent avec soi-même."

La confrontation à la mort

La grande précarité et les conduites à risques des personnes sans-abris font malheureusement planer le spectre de la mort sur le secteur. Un peu plus enfoncée dans sa chaise, Fiona nous livre : "Les moments les plus difficiles, ce sont les décès. Et malheureusement, on sait qu’on va y être confronté. On sait que cela fait partie de notre boulot. Il faut être armé pour y faire face. Se dire que c’est la vie et ne pas trop s’impliquer."

Mais revenant le buste en avant, elle enchaîne le sourire aux lèvres et l’étincelle dans les yeux : "Par contre, quand une personne nous dit qu’elle a trouvé un logement grâce à certaines associations de terrain, c’est une vraie joie ! Il y a des gens qui disparaissent pendant un temps et reviennent pour nous dire que ça y est, qu’ils ont trouvé un logement." Elle conclut : "Ce que je trouve magnifique dans mon travail, c’est le contact avec les personnes. On crée du lien  !"

A.T.

Et pour aller plus loin :

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 La totalité du podcast d’Aurélie, assistante sociale dans le secteur carcéral en cliquant sur ce lien

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