Rencontre avec Sarah, éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie
L’éducateur spécialisé peut intervenir auprès de nombreux publics différents, au sein de structures tout aussi variées. Dans son quotidien d’éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie, Sarah intervient auprès d’enfants âgés de 5 à 12 ans. Des jeunes qui présentent des troubles autistiques ou encore psychotiques, au vécu parfois difficile, ce qui requiert une forte adaptabilité de la part de l’éducatrice. Témoignage.
Sarah est éducatrice spécialisée depuis 12 ans, au sein de l’unité pour enfants de l’hôpital psychiatrique “La Petite Maison”, à Chastre. Au sein d’une équipe pluridisciplinaire, elle encadre quotidiennement des enfants de 5 à 12 ans. Ces derniers souffrent de certaines pathologies, allant des troubles graves du développement aux pathologies sévères de la personnalité et de l’humeur. Des sorties en randonnée avec les enfants, aux camps de vacances en passant par la gestion des jeunes en équipe, son quotidien est particulièrement diversifié. Un métier où chaque jour est différent, qui nécessite d’être « touche-à-tout ».
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« J’aimais déjà la dynamique de groupe, rencontrer les jeunes, discuter… Sans savoir que j’en ferai un jour mon métier »
Quand elle était plus jeune, Sarah ne s’est pas immédiatement tournée vers la profession d’éducatrice spécialisée. Après avoir débuté un bachelier en infographie puis en psycho, ce sont des tests passés au SIEP qui lui ont fait découvrir le métier. « On a déterminé que l’aspect social et pratique était important pour moi. Il fallait que je puisse bouger, pratiquer. Je suis tombée sur la formation d’éducateur, qui me convenait bien », raconte Sarah, avant de poursuivre : « J’aimais déjà la dynamique de groupe, rencontrer les jeunes, discuter… Sans savoir que j’en ferai un jour mon métier. » Au cours de ses études, elle a réalisé l’un de ses stages en unité ado. Une expérience qui lui a permis de décrocher son premier emploi : « L’institution m’a tellement plu que je l’ai recontactée. J’y ai ensuite reçu un CDD à la fin de mon stage ! ». L’éducatrice spécialisée en pédopsychiatrie insiste par ailleurs sur l’aspect pratique de la formation, d’une importance toute particulière pour un métier aux champs d’intervention aussi variés. « Pendant trois ans, on a le temps de se planter, d’apprendre et de chercher le public qui pourrait potentiellement nous plaire par la suite. C’est une formation qui nous fait nous remettre en question aussi sur notre manière de fonctionner », détaille-t-elle. « Ce que je retiens de ma formation, c’est que sans elle, je n’aurais pas les bases pour faire ce que je fais. Quand on rencontre vraiment un psychotique ou un autiste, on a une autre vision de la pathologie et alors on peut faire le lien avec ce qu’on a appris. », déclare Sarah.
Certains clichés gravitent autour de la profession d’éducateur spécialisé. Cependant, Sarah, dès le début, s’est sentie attirée par cette profession : « Je n’en avais pas une image négative. C’est quelque chose que je voulais faire. » Elle regrette néanmoins le salaire des éducateurs, trop faible par rapport au travail fourni. « Je trouve que les éducateurs sont sous-payés par rapport à ce qu’ils sacrifient. Il y a un aspect bénévole quand on est éducateur : on ne peut pas finir à l’heure », pointe-t-elle. En effet, s’agissant d’un métier doté d’un fort contact humain, il n’est pas possible d’anticiper certaines réactions des bénéficiaires. Les crises, entre autres, peuvent être difficiles à gérer. Il est parfois difficile de respecter ses heures de travail.
Par ailleurs, ce n’est pas donné à tout le monde d’être éducateur… D’où l’importance de suivre une formation. Toutefois, la profession ne dispose pas d’un titre protégé. Ainsi, toute personne ayant une formation dans le secteur social a la possibilité d’exercer en tant qu’éducateur. « En raison de l’augmentation des quotas infirmiers dans les secteurs médicaux, nos postes d’éducateurs sont donnés à des infirmiers qui n’ont pas du tout été formés comme nous. Pourtant, on fait le même job. Eux ont une spécificité en plus, c’est qu’ils s’occupent de toute la partie médicale du travail. » Et de poursuivre : « Tout le monde peut être éduc, mais nous on ne peut pas être autre chose. »
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« Je pense que tout éducateur passe par des phases d’espoir et de désespoir. On a tous un peu un idéal de travail, qu’on perd avant d’y retrouver du sens. »
Le métier d’éducateur se trouve marqué par un quotidien diversifié, tantôt simple, tantôt plus difficile. « Chaque jour de la semaine est différent. Les journées sont rythmées par les prises en charge et par les ateliers. On peut faire des nuits, des week-ends, des jours fériés… » Néanmoins, après des années au cœur de la profession, l’éducatrice ressent toujours le besoin d’extérioriser avant de pouvoir entrer dans sa vie personnelle : « Tous les soirs, dans ma voiture, en rentrant, je raconte ma journée à ma mère. Je pense que tout éducateur passe par des phases d’espoir et de désespoir. On a tous un peu un idéal de travail, qu’on perd avant d’y retrouver du sens. » Au cours de sa carrière, Sarah a notamment remarqué l’impact proéminent du cadre au sein duquel l’enfant grandit sur le développement de ce dernier. « On a de plus en plus d’enfants dont les troubles proviennent du milieu dans lequel ils ont vécu », regrette-t-elle. « Moi, ce qui me nourrit, c’est de me dire que, chez chaque enfant, je dépose une graine. Je ne sais pas comment elle va germer. » Régulièrement confrontée à des enfants au vécu difficile, elle a appris à se construire une carapace. « On ne peut pas s’apitoyer sur chaque cas clinique, ce n’est pas possible. Un enfant qui a été abusé, maltraité, c’est terrible… On n’assimile pas l’enfant à son vécu. On accueille l’enfant tel qu’il est. »
Pour exercer la profession d’éducateur, il est important de pouvoir faire preuve de créativité, d’autonomie, d’indépendance, mais aussi d’un bon esprit d’équipe. Il faut également pouvoir communiquer facilement. « Quand on est éducateur, on vient avec qui on est. On a chacun nos propres croyances et valeurs. En même temps, en équipe, il arrive que l’on soit obligé de lâcher certaines choses qui sont importantes pour nous parce que le collectif est plus important », relate-t-elle. Elle poursuit, insistant sur le comportement à tenir avec les jeunes : « Il faut être bien ancré et se sentir déjà en sécurité avec soi pour pouvoir aider l’autre. Si l’autre ressent l’insécurité, quel que soit le niveau, il va venir appuyer là-dedans. C’est important d’être là, d’accueillir ce qu’il se passe et de pouvoir être dans l’acceptation, la compréhension. Il faut aussi de la patience, mais avec certaines limites. »
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« Pour moi, les éducateurs sont des soignants car ils soignent les relations »
Au cœur du travail de Sarah, il n’y a pas de journée type ! Et c’est aussi pour cela qu’elle aime son métier. « Je sais à quelle heure je commence, je sais où je vais, avec qui je vais bosser mais je ne sais jamais ce qui m’attend. » Une aubaine pour celle qui, plus jeune, ne se voyait pas rester des journées derrière un bureau. Sarah et les autres membres de l’équipe disposent d’une grande liberté pour varier les activités avec les enfants au sein de la Petite Maison. « Dernièrement, on nous a octroyé une camionnette pour l’unité. Si on veut partir, on part : marcher dans la forêt, aller dans un parc d’attractions, faire une fête pour gagner des sous pour l’unité, faire un camp… Ce qui est assez génial, c’est d’avoir des responsables qui soutiennent ça. Toute initiative est toujours entendue et soutenue. » Dans son quotidien, Sarah se doit aussi d’être “multitâches”. Pour cela, elle s’est dotée de nombreuses cordes à son arc : conduire une voiture, cuisiner, mais aussi être bricoleur, déménageur, ou encore réparateur… « On sait même soigner un bobo ! » Et qui dit sorties avec les jeunes, dit également disposer de certaines conditions physiques. A la Petite Maison, il n’est en effet pas rare que les éducateurs se rendent à la piscine ou en randonnée avec les enfants. Néanmoins, d’autres jours sont bien plus calmes. Des réunions sont régulièrement organisées dans l’équipe pluridisciplinaire. La professionnelle est également amenée à rédiger des rapports, s’entretenir avec les familles des enfants…
Du fait de la grande diversité de la profession, il est difficile de la définir de manière universelle. Sarah le reconnaît : « Le métier d’éduc est indéfinissable. Si on commence à définir le métier d’éduc, on le restreint », avant de continuer : « Être éducateur, c’est tout et hors cadre en même temps. C’est pouvoir être dans les normes et, en même temps, aider les jeunes hors normes. » Le métier varie aussi énormément en fonction de l’institution et du secteur dans lesquels le travailleur exerce. « Pour moi, les éducateurs sont des soignants car ils soignent les relations. Au quotidien, on soigne les liens institutionnels, familiaux, personnels, amicaux de l’enfant avec nous ou des enfants entre eux… On se dit un petit peu les spécialistes de la relation. »
Pour conclure, Sarah narre l’un des moments de sa carrière qui l’a le plus marquée : le premier camp auquel elle a participé avec les enfants. « Ce sont vraiment des moments qui nous ressemblent et où on rencontre les jeunes de manière assez incroyable. On vit des trucs en camp qu’on ne vit pas du tout ailleurs. On vit avec eux pendant cinq jours, on fait tout avec eux. C’est une autre rencontre et ça crée des liens, ça perdure dans le temps pour après. » L’éducatrice anime également des ateliers de yoga avec les enfants au sein de la Petite Maison. Là encore, elle doit adapter sa manière de travailler aux enfants qu’elle encadre, qui sont tous différents. « Cette année, le premier atelier était compliqué. J’ai donc changé ma manière d’agir. J’ai alors eu la surprise d’entendre les gamins, quand ils étaient posés sur leurs tapis, reprendre les trucs que j’avais enseignés durant la séance puis les expliquer à d’autres. Et voir cela, c’est magique », explique-t-elle, avant de lancer : « Quand je vois ou j’entends des enfants reprendre à leur compte des choses qu’on a pu leur dire et qu’ils nous montrent qu’ils ont compris, cela me rend très fière ! »
Mélissa Le Floch avec Emilie Vleminckx
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