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Financement de l'associatif : le prix de l'autonomie

25/04/18
Financement de l'associatif : le prix de l'autonomie

Récemment, la direction de l’association dans laquelle je travaille m’a demandé de mettre en place une campagne de crowdfunding pour réunir une partie des fonds nécessaires à l’achat d’un nouveau véhicule de service. Les possibilités de financement plus traditionnelles ayant déjà été sollicitées, je vais devoir m’y atteler. Nécessité fait loi, mais quel est le prix de l’autonomie ?

La survie de l’associatif est de plus en plus difficile. Faute de financements publics structurels, de plus en plus d’acteurs du secteur se tournent vers des financements privés, par définition non pérennes. Il est en effet difficile pour une association qui ne rentre pas dans une « case » déterminée de voir sa sécurité assurée et de pouvoir pérenniser ses actions. Malheureusement, le prix à payer pour conserver son autonomie est parfois bien élevé.

Financements publics existants, mais limités

Le Gouvernement, qu’il soit fédéral, régional ou communautaire, finance bon nombre d’acteurs de l’associatif. Malheureusement, aucun de ces financements n’est garanti à vie, tous sont soumis aux évolutions budgétaires et aux changements de directions décidés par les diverses alliances politiques. Des rapports, au minimum annuels, conditionnent l’octroi de ces subsides, aux montants souvent conséquents. Il est d’ailleurs tout à fait légitime qu’une institution, quelle qu’elle soit, justifie de l’usage fait des deniers publics. Les associations qui sont subsidiées de cette manière répondent à des critères stricts et voient leur survie assurée a minima. Jusqu’à ce que …

Que faire lorsqu’on ne rentre pas dans une case ?

D’autres associations ne répondent pas à ces critères stricts, que ce soit parce qu’elles sont trop petites pour avoir la possibilité matérielle d’y répondre (manque de personnel pour effectuer les prestations demandées, nécessité d’investir pour être subsidié etc.) ou parce que leur objet social ne rentre dans aucune case définie. C’est le cas de celle qui m’emploie : nous effectuons des petits travaux au domicile de personnes précarisées. Notre grille tarifaire est trop basse pour être reconnu IDESS et nous peinons à remplir les critères nécessaires pour devenir APL. Pourtant, le travail que nous effectuons est nécessaire : les tarifs maximaux pratiqués par les IDESS sont trop élevés pour le public le plus précarisé, ce qui amène à des situations parfois ubuesques de bénéficiaires du RIS endettés auprès de leur propre organisme de payement.

La chasse est ouverte !

Dès lors, afin de conserver notre objet social, nous n’avons d’autre choix que de nous tourner vers des financements au lance-pierre : demandes de montants peu élevés à renouveler chaque année auprès de pouvoirs locaux, recherches minutieuses et répétées d’appels à projets pouvant correspondre à nos activités, recherche de dons de particuliers, actions diverses menées afin de récolter des fonds, tentatives de sponsoring par des organismes privés, etc.

Une activité chronophage…

Le prix à payer pour toutes ces recherches est, dans un premier temps, justement, le temps. Cette recherche perpétuelle et ces formulaires remplis maintes et maintes fois demandent du temps, même lorsqu’on dispose d’une bonne organisation. C’est mathématique. Ce temps consacré à ces recherches ne peut être alloué à d’autres tâches, comme par exemple, la mise en place d’activités permettant une reconnaissance et un agrément. Les petites associations tournent donc souvent en rond, tout comme les personnes précarisées qu’elles soutiennent. Sublime ironie.

…Et psychologiquement usante

Au-delà des considérations liées au travail quotidien, la question se pose également en termes d’impact psychologique que cette recherche perpétuelle peut avoir sur les travailleurs, ou responsables, qui en sont chargés. Savoir que son emploi, les conditions minimales pour l’exercer ou les outils nécessaires à son activité sont perpétuellement sur le fil du rasoir est proprement usant. Le stress généré par cette incertitude pèse sur les épaules du travailleur, de l’équipe, de la direction, de manière insidieuse, souvent non-dite, mais clairement très lourde. De nouveau, le parallèle est à faire avec la pression psychologique subie par les personnes précarisées aidées par ces associations.

Le prix à payer pour l’autonomie

La conclusion de cette réflexion est plus qu’amère … Notre société prend de moins en moins soin de ses éléments les plus vulnérables, c’est un fait connu. Elle s’attelle également à dissuader, décourager, les acteurs qui tentent de s’en charger sans rentrer dans les cases qu’elle a déterminées, parfois en inadéquation totale avec la réalité. Il y a un prix à payer pour l’autonomie et, malheureusement, ce dernier est bien trop élevé. Beaucoup d’associations qui ne sont plus ou qui voient leur survie menacée à très court terme sont bien placées pour en parler.

MF - travailleuse sociale

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