Infirmiers en colère : "c'est au tour des gilets blancs de descendre dans la rue"
A la veille des élections, le temps est propice pour faire entendre ses revendications ! Delphine Haulotte est la présidente de l’Association belge des praticiens de l’art infirmier (acn). Et, elle en a des choses à dire ! Au cœur de son message, une réforme du plan d’attractivité infirmier. Son souhait ? Une revalorisation de sa profession.
[DOSSIER]
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L’Association belge des praticiens de l’art infirmier, dont vous êtes la présidente, veut un nouveau plan d’attractivité. Pourquoi est-ce si important ?
Delphine Haulotte : Lorsqu’on voit le cadastre de 2016, on se rend compte qu’énormément d’infirmières se trouvent dans la tranche d’âge 45-65 ans. La tranche d’âge inférieure est beaucoup moins représentée. Si on ne fait rien, dans dix ans, on va avoir de sévères problèmes de personnel.
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Est-ce qu’il existe une raison à cette sous-représentation ?
D.H : Le métier d’infirmière a une charge physique et psychologique. Aujourd’hui, beaucoup des jeunes sortant des différentes Hautes Ecoles laissent tomber la profession après trois ou quatre ans. Le métier est trop lourd pour eux. Si on veut arrêter ce turn-over, il faut changer absolument le plan d’attractivité.
« Nous voulons une valorisation de la profession »
Vous voulez donc un nouveau plan d’attractivité...
D.H : Oui et on a trois revendications principales. Premièrement, nous voulons une valorisation du statut d’infirmières. Aujourd’hui, il existe deux types d’infirmières. Les brevetées (formation professionnelle) et les bachelières (Haute Ecole). Or, elles n’ont pas le même niveau de compétences et d’autonomie. Pour le futur, nous voulons que l’appellation « infirmière » soit destinée qu’aux travailleurs ayant suivi une formation de bachelier. Les personnes détenant le brevet seraient appelées « assistant de soins ».
Deuxièmement, nous voulons être payés en fonction de notre diplôme.
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C’est-à-dire ?
D.H : Aujourd’hui, l’IFIC calcule nos salaires en fonction de nos tâches et non de notre formation ! Par exemple, en ce moment, une infirmière brevetée, une bachelière et une infirmière spécialisée en gériatrie, peuvent être payées pareil alors qu’elles ont des niveaux de compétence différents. Ce n’est pas juste.
Quelle est la troisième revendication ?
D.H : Il faut revoir les normes d’encadrement, c’est-à-dire le nombre d’infirmières par patient. Le travail infirmier porte une grosse charge physique et psychologique. La loi encadrant ces normes date de 1989, elles ne sont plus d’actualité. Il faut absolument augmenter le nombre d’infirmières. Selon la loi de 1989, 30 lits équivalent à 12 ETP (équivalent temps plein). Ça serait bien de monter à 15. Mais aussi, d’arrêter de tenir compte de l’infirmière en chef dans l’équipe d’encadrement.
« En 2014, nous étions ravis d’avoir une Ministre de la Santé médecin. Mais, elle ne nous a jamais entendus »
Est-ce que vous pensez qu’un nouveau plan d’attractivité va voir le jour après les élections ?
D.H : On ne sait pas. Au niveau fédéral, nous sommes en communication avec la NVKVV, notre pendant néerlandophone. Nous défendons les mêmes idées. Mais, il ne faut pas trop rêver ! En 2014, nous étions ravis d’avoir une Ministre de la Santé médecin. Or, depuis 2008, il n’y a pas eu de grandes avancées, au contraire... Ni au niveau fédéral, ni au niveau régional ou communautaire.
Vous parlez de la Région Wallonne. En quoi rentre-elle en compte dans le dossier ?
D.H : Car certaines compétences ont été transférées aux entités fédérées. Il faut donc que le fédéral et les entités fédérées puissent communiquer sur certains dossiers. Par exemple, l’enseignement est communautarisé. Or, si nous voulons le changement d’appellation pour les infirmières brevetées, il faut que le fédéral et les communautés se mettent d’accord. Les psychomotriciens ont connu le même problème. La communauté dit oui, puis le fédéral dit non. Il faut plus de communication.
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Un dernier mot ?
D.H : Pour l’instant, on entend parler des gilets jaunes. C’est au tour des gilets blancs de descendre dans la rue. On ne peut pas laisser une catastrophe arriver sans rien faire. Si nous manifestions, je pense que beaucoup d’étudiants en science infirmière se joindraient à nous.
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