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Travailler avec la plainte

29/05/18
Travailler avec la plainte

Nous y sommes tous confrontés : certains de nos bénéficiaires sont particulièrement enclins à la plainte systématique et au rejet des solutions proposées pour les aider à améliorer leur situation. Comment travailler avec eux de manière efficace et respectueuse à la fois d’eux et de nous ? Comment les rejoindre sans nous épuiser au passage ?

Nous connaissons tous ces personnes qui se plaignent souvent, voire systématiquement, de leur situation, sans pour autant chercher à l’améliorer. Au contraire, elles sont plutôt enclines à rejeter nos tentatives d’aide, au point qu’on pourrait en venir à s’épuiser. Comment accompagner ces personnes efficacement et respectueusement, sans nous épuiser ? Dans un premier temps, il importe de comprendre le mécanisme de ceux qu’on appelle parfois « plaignants ».

Le problème de la solution

Nous sommes, en tant que travailleurs sociaux, formés à l’écoute active, à faire preuve d’empathie, à mettre en oeuvre diverses techniques pour essayer d’aider les personnes. Cependant, au fil du temps et de notre pratique, certains d’entre nous voient leur « naturel » revenir au galop : l’envie d’aider et de voir les situations se débloquer fait que nous proposons rapidement et facilement des solutions aux problèmes dont la personne se plaint. Certaines personnes, dans certaines situations, vont accrocher à ces solutions, parce qu’elles sont dans une démarche de résolution du problème et que notre aide arrive au bon moment pour elles. Ce n’est pas le cas de tous, et c’est à nous de faire la différence.

Ecouter pour répondre

Revenons aux bases : la plainte est la manifestation d’une souffrance, qu’elle soit physique, psychologique ou autre. Exprimer sa souffrance en se plaignant revient à la partager au monde extérieur. La plupart du temps, l’objectif premier d’une plainte est, pour son auteur, d’être entendu dans sa souffrance. Nous pensons, parfois à tort, entendre et écouter nos bénéficiaires. Or, dans notre volonté d’aider les personnes, nous les écoutons parfois uniquement pour diagnostiquer le problème et y proposer une solution. Nous n’écoutons donc pas pour écouter, mais pour répondre.

Faire plus de la même chose

Lorsque la personne refuse une solution proposée, le message qu’elle nous envoie est « Vous ne m’avez pas entendu », alors elle raconte à nouveau. Nous pensons que notre proposition ne convenait pas à ses attentes, alors nous en formulons une nouvelle … qui est rejetée, tout comme la première. Le cycle peut continuer indéfiniment, jusqu’à épuisement d’un des participants. Comme pour tout, faire plus de la même chose ne peut qu’engendrer frustration, voire colère. Ce que nous faisons aussi, pour tenter autre chose, c’est essayer qu’elle formule elle-même des solutions à son problème. Or, cette attente est, dans bien des cas, disproportionnée par rapport aux possibilités de la personne et la place en situation d’échec.

Reconnaître et valider

Ce que la personne qui se plaint systématiquement et souvent attend de nous, c’est non seulement d’être entendue, mais au-delà : elle a besoin d’être reconnue, que sa souffrance soit validée. Le besoin de reconnaissance est l’un des plus puissants au monde et sa satisfaction est primordiale. Nous ne pouvons pas nous contenter d’écouter pour répondre, nous devons littéralement marcher avec les chaussures de cette personne. Afin de répondre aux besoins de reconnaissance et de validation exprimés par la plainte, nous devons faire preuve de l’empathie la plus pure.

Empathie

Il s’agit donc pour nous de revenir aux bases de notre travail d’accompagnement social. Rejoindre cette personne où elle se trouve au niveau de son expérience, de son vécu émotionnel et des pensées qui l’accompagnent. Cela suppose de se plonger dans son système de valeurs, dans son vécu, ses émotions, ses pensées, son mode de fonctionnement. Et ce, en muselant notre tendance à vouloir répondre, proposer. Il s’agit de comprendre pour rejoindre la personne, pouvoir marcher à ses côtés, de telle sorte qu’elle ressente notre reconnaissance et notre validation. Ce n’est qu’à ces conditions que l’accompagnement peut véritablement prendre sens. Et encore une fois, pas question de proposer des solutions ou de l’inciter à en trouver. Avant d’en arriver là, d’autres étapes sont à franchir pour aider cette personne.

MF, travailleuse sociale

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