Médiation : mission d'équilibriste ou mission impossible ?

La médiation a parfois été présentée comme la panacée en cas de conflit. Pourtant, dans certaines situations les différentes parties ne semblent pas être satisfaites (médiateurs inclus).
La médiation est une pratique qui se retrouve dans de nombreux domaines. Si chaque domaine d’action (dettes, voisinage, rapports entre travailleurs, etc.) a ses particularités, il reste toujours un point commun : le conflit. Faire tiers ou trianguler peut présenter un risque et n’est pas toujours facile. Ça l’est encore moins dès lors qu’une partie s’exprime mieux que l’autre, que nous avons des a priori, que notre employeur pèse dans la balance ou qu’un bourreau et une victime ont été définis. La médiation n’est peut-être pas une bonne piste pour deux parties qui se méconnaissent et se confrontent.
Triangle dramatique
Un constat que j’ai souvent fait en parlant avec des personnes sortant de médiation, c’est qu’elles ont été mises dans une position de victime ou de bourreau. Plus particulièrement dans le milieu scolaire et le milieu professionnel, où le médiateur a un lien avec l’institution (voire avec une des parties), son indépendance est plus théorique que concrète. Un médiateur se laissant embarquer dans une dynamique malsaine (ce qui arrive plus vite qu’on ne le croit et rarement consciemment) peut, à mon sens, nuire bien plus qu’aider.
Une médiation mais pour quoi ?
Le mot médiation couvre de nombreuses applications mais certaines devraient en être exclues. La « médiation auteur victime » ne sert pas à résoudre un conflit, les personnes n’y sont pas sur un pied d’égalité. L’ensemble des médiations cherchant à résoudre un conflit pour éviter l’action en justice ne sont pas vraiment des médiations vu qu’en cas de non résolution, cela se terminera devant un tribunal. Selon moi, la médiation sert plus à permettre aux gens de communiquer, d’échanger et de collaborer (ce qui pourra résoudre bien des désaccords ou les accepter). Elle s’applique dans un cadre bienveillant où les personnes sont réellement parties prenantes de la démarche et aimeraient sincèrement avoir des rapports paisibles.
Un exercice difficile
La médiation s’inscrit dans une dynamique difficile à gérer. De fait, le médiateur n’est pas un juge et ne tend pas à trancher entre deux personnes. Il est supposé permettre le dialogue et les échanges sereins. Pourtant, il est nécessaire pour lui de poser un cadre. Il est donc en permanence dans un équilibre précaire entre le fait de rester neutre et le besoin de cadrer (qui peut être ressenti comme une prise de parti). Le risque majeur étant que le médiateur édicte des lois subjectivement et/ou s’improvise juge.
Ce qui permet à un juge de trancher entre deux parties, c’est la loi. En l’absence de loi, c’est le chaos. D’une certaine manière, le médiateur est pris dans une dynamique chaotique, il n’a pas le temps de co-construire les règles, mais il doit quand même poser un cadre. Il doit concilier les parties, mais n’a pas l’occasion de les faire collaborer. Au final, le médiateur doit prendre le pouvoir ou est forcé de se référer à la loi quand les parties ne s’entendent pas.
Les cas où ça fonctionne
La médiation fonctionne lorsque les deux parties sont pleinement prenantes (comme dans les cas où les deux font appel ensemble à un tiers). Cela peut aider lorsque cela sert à rapprocher les personnes et à entrevoir le point de vue de l’autre (sans pour autant chercher à résoudre le conflit). Enfin, cela a un impact positif dès lors que personnes désirent collaborer même si elles ne s’entendent pas. Dans tous les cas, le mot est parfois galvaudé ou utilisé à tort et à travers dans les résolutions informelles des conflits.
Les dangers de la médiation
Le danger de la médiation c’est de renforcer certaines parties dans un rôle de « méchant » ou de « faible ». Celui qui résiste ou pour qui la médiation ne convient pas, sera alors responsable de l’échec du dispositif. Il sera celui qui ne permet pas la conciliation. Selon mon expérience, c’est souvent le cas dans les médiations prof/élève. Soit le professeur est en position forte du fait de son statut et le médiateur s’évertue à faire comprendre à l’élève qu’il a tort, soit l’élève est considéré comme la victime d’un enseignant tyrannique (tout cela dépend souvent de la personne qui fait appel au médiateur). N’oublions pas le danger pour le médiateur lui-même qui se retrouve embarqué dans des dynamiques lourdes à porter et dont il peut se sentir responsable (à tort ou à raison).
Perceval Carteron, éducateur.
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