Précarité du travailleur social : l'enfer du décor, encore et toujours
Malheureusement, en cette fin d’année 2019, en Belgique, le travailleur social continue d’être frappé par l’incertitude et la précarité relatives à son emploi. Il est toujours en proie à des exigences de plus en plus nombreuses et souvent incompatibles avec ses valeurs. On le somme parfois d’être un gendarme déguisé, un dresseur de pauvres. Bis repetita non placent.
L’année dernière, j’écrivais cette carte blanche. En cette fin d’année, j’ai eu envie de me replonger dans ce texte, et de voir s’il était toujours d’actualité. Malheureusement, il semblerait que ce soit le cas …
Des emplois toujours précaires
Nos emplois sont, pour la plupart, précaires. C’est un fait, depuis le changement de législation en ce qui concerne les périodes d’essai, la norme est à la multiplication des CDD avant un hypothétique CDI, et ce, dans tous les secteurs. Quand le travailleur ne passe pas par une (trop) longue période d’intérim avant de décrocher un contrat. Dans tous les cas, il vit une longue période d’incertitude, qui conditionne et impacte également sa stabilité personnelle.
Les politiques sociales en cause
Les politiques sociales sont directement responsables de cette incertitude. En cause, la réduction du financement structurel des institutions, remplacé par un financement par projets. Certains emplois ont dès lors pour vocation de développer des projets particuliers, chers aux cabinets du moment. Le financement de ces projets est, bien entendu, temporaire … A charge de l’institution de trouver les fonds pour poursuivre la prise en charge de l’emploi du travailleur. Et ça, ce n’est pas toujours possible. Rappelez-vous : le secteur est « non-marchand ».
Avec un soutien structurel en baisse, c’est la quadrature du cercle dans toute sa splendeur. De l’emploi est ainsi crée, le temps d’une législature, parfois moins. Ces emplois servent à développer des projets dont la théorie rencontre à certains moments la réalité de terrain, mais pas toujours …
Pion politique et dresseur de pauvre
Avec une telle conjoncture, il est beaucoup plus aisé de faire du travailleur social un pion politique et un dresseur de pauvres. En effet, celui qui craint pour son emploi et qui sait qu’il aura des difficultés à en trouver un autre aura à coeur de le conserver, parce qu’il faut bien payer les factures … Pour ce faire, au travailleur de prouver qu’il est utile, notamment en présentant des indicateurs de réussite positifs pour les fameux projets qu’il doit mettre en place. Que ces mesures soient controversées ou non, qu’il soit possible de biaiser ou non, que la marge de manoeuvre soit limitée ou non. Ajoutez à cela la multiplication de CDD, de contrats de remplacement, et autres, avec en ligne de mire un hypothétique CDI, et vous obtenez une main d’oeuvre qui s’éloigne du contre pouvoir qu’elle est censée représenter.
Des précaires au service de précaires
Au fil du temps, il me semble que la situation ne s’améliore pas, bien au contraire. Chaque année, en Belgique francophone, ce sont des centaines de jeunes diplômés éducateurs, assistants sociaux, etc. qui tentent de s’insérer sur un marché de l’emploi de plus en plus saturé. Les entretiens d’embauche ressemblent à s’y méprendre à des examens aux multiples phases. Pour la moindre annonce, les employeurs ont le choix entre une bonne centaine de candidatures. Un tel contexte est préjudiciable à tous points de vue … également au niveau de la rémunération du travailleur : ceux d’entre nous qui changeront d’employeurs, et ne feront pas leur carrière au sein d’une institution publique, ne verront pas souvent leur niveau de rémunération augmenter, au contraire. Là aussi, la marge de négociation est faible …
Il semble que de multiples facteurs soient réunis pour que nous, travailleurs sociaux, soyons des précaires au service de précaires, avec la menace d’un jour, venir grossir leurs rangs.
MF - travailleuse social
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