Éducateur spécialisé, le parent pauvre
Je suis éducatrice spécialisée et je n’ai jamais eu l’impression d’exercer un métier ayant peu de valeur ou une utilité toute relative. Pourtant, c’est de cette manière que mon métier est souvent perçu, en ce compris par mes collègues du secteur socio-éducatif. Et c’est sans doute cela le pire : cette catégorisation entre professionnels du même secteur, cette hiérarchisation que nous nous infligeons à nous-mêmes.
Notre secteur est riche de professions diverses, supposées travailler en harmonie afin d’aider au mieux les bénéficiaires. La plupart du temps, cela se passe très bien et c’est particulièrement enrichissant. Ceci dit, parfois, souvent insidieusement, cette harmonie est subtilement hiérarchisée : tous les professionnels ne sont pas considérés comme des pairs, chacun ayant son expertise. Au contraire, certaines professions sont perçues comme plus expertes que d’autres. Malheureusement pour tous.
Spécialisation de l’éducateur
Prenons l’exemple de l’éducateur spécialisé. Notre formation est essentiellement pratique, on nous enseigne énormément de techniques d’animation, de gestion de groupes et de gestion de suivis individuels. Nous sommes également formés en législation, psychologie, psychopédagogie, sociologie, etc. Ceci dit, notre travail est de suivre les personnes dans leur quotidien, pour penser et mettre en place des accompagnements spécifiques, dans le but de les aider dans leur chemin de vie.
Injustement perçus
Les ateliers que nous animons, les projets que nous mettons en place, les actes du quotidien que nous aidons à réaliser ont tous un objectif social et pédagogique spécifique. Pourtant, nous sommes souvent perçus comme des animateurs chargés d’occuper les journées des bénéficiaires, des professionnels sans connaissances spécifiques. Malheureusement, souvent, nous parlons peu en notre propre faveur : nous sommes souvent plus pratiques que théoriques, moins dans le verbe et plus dans l’action, ce qui est souvent compris comme une carence en expertise de la part de collègues aux formations plus étoffées théoriquement.
Titre non protégé
Nos études ouvrent la porte à très peu de passerelles universitaires. Nous sommes souvent hiérarchiquement subordonnés à des collègues ayant suivi une formation au cursus de même durée que le nôtre. Le comble : notre titre n’est pas protégé. N’importe qui peut prétendre à un emploi d’éducateur spécialisé. On penserait bien que les employeurs feraient la différence et engageraient des éducateurs pour des postes d’éducateurs, malgré l’absence de protection du titre. En fait non. Ce sont régulièrement des non éducateurs qui sont engagés pour des postes d’éducateurs. Comme si le fait d’être assistant en psycho, assistant social ou logopède pouvait faire de vous un « meilleur » éducateur qu’un éducateur formé et / ou expérimenté. Dit comme cela, c’est d’une logique imparable.
Une réelle expertise et une plus value non négligeable
Pourtant, nous avons une réelle expertise à partager et une réelle plus value à apporter au sein d’une équipe pluridisciplinaire ou lors de partenariats. Nous sommes plus que de simples exécutants ou agents de liaison entre les différents mondes (social, médical, juridique, etc.) qui gravitent autour de la personne. Au même titre que chaque professionnel accompagnant, nous avons une connaissance spécifique du bénéficiaire. Nous le voyons dans son quotidien, sur son territoire et de manière répétée sur le long terme, ce qui est rarement le cas des autres professions.
MF - travailleuse social
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