Educateur spécialisé : toujours mal considéré...
Être éducateur spécialisé, c’est avoir une multitude de cordes à son arc : il faut être capable de travailler dans le quotidien des bénéficiaires, les comprendre et les accompagner dans leur milieu de vie, avec toute la délicatesse que cela suppose. Il faut également maîtriser les codes et le langage institutionnel, pouvoir traduire son travail de terrain en mots et en chiffre, accrocher les bénéficiaires, créer et maintenir un lien parfois ténu. Et pourtant, cette profession est toujours aussi mal considérée.
[DOSSIER]
– Educateur spécialisé : à quand la reconnaissance du titre ?
– Educateur spécialisé 2.0, un être hybride
C’est trop souvent le cas dans certains milieux pluridisciplinaires : les éducateurs y sont souvent relégués au rang d’exécutants, alors que leur connaissance des bénéficiaires et leurs apports peuvent être extrêmement riches. Souvent considérés comme des couteaux suisses, les équipes gagneraient à leur reconnaître plus de valeur. En effet, ils ont une connaissance des bénéficiaires très intéressante et une réelle expertise professionnelle. Pourtant, cette dernière est peu valorisée.
Chacun sa place et son rôle
Au sein d’une équipe pluridisciplinaire, chacun a sa place et son rôle, et c’est extrêmement important, afin que le service tourne correctement et que le travail soit fait de manière satisfaisante. Dans certains milieux, la place de l’éducateur est parfaitement claire et valorisée au même titre que les autres postes : il travaille au quotidien avec les bénéficiaires et permet à ses collègues de bénéficier de cette connaissance essentielle. Il enrichit dès lors les réunions et échanges de son expertise, de la même manière que les autres spécialités. Il permet souvent d’ouvrir des portes qui resteraient fermées autrement et cela est parfaitement reconnu.
Pas toujours définis
Dans des milieux plus « techniques » ou encore traditionnellement plus hiérarchisés, tel le secteur médical par exemple, c’est parfois une autre paire de manches ! L’éducateur y sera plus facilement perçu comme un poste « fourre-tout », qui viendra en renfort ou s’occupera d’activités annexes au « travail indispensable » : diagnostic, soins, gestion etc. Un fait assez révélateur est d’ailleurs le manque de participation des éducateurs aux réunions d’équipe : souvent ils n’y sont pas conviés, ou leur domaine d’expertise n’y est pas sollicité.
Une expertise peu reconnue
Une des hypothèses pourrait être que les traditions de formation de ces métiers plus techniques laissent peu de place au travail social, systémique, environnemental. Ces aspects commencent à être plus valorisés, mais pas encore suffisamment pour modifier en profondeur les habitudes de travail. Les éducateurs, qui ne peuvent démontrer d’une utilité technique claire et précise, peinent donc à y trouver leur place. On ne comprendrait tout simplement pas en quoi leur travail relève d’un domaine d’expertise : ils ne démêlent pas des imbroglios administratifs, ne participent pas à la rééducation, ne sont pas les garants de la sécurité...
Difficultés à trouver sa place
Dans ce contexte, il est difficile de trouver sa place et de faire entendre sa voix : se contenter d’un rôle d’exécutant des tâches surnuméraires, voir son domaine de travail peu représenté et entendu peut devenir assez frustrant professionnellement. Sans parler du fait que la richesse potentielle de tous ces apports est mise de côté. J’ai vu beaucoup d’éducateurs spécialisés travaillant en milieu hospitalier ou carcéral se décourager et s’étioler professionnellement à cause de ce manque de considération.
Pourtant, ce travail est fondamental
Ce sont pourtant des milieux qui gagneraient énormément à bénéficier des apports d’un travailleur social centré sur le quotidien des personnes. En effet, si l’on veut pouvoir aider durablement les bénéficiaires, et que les effets perdurent une fois ces derniers de retour dans leur milieu de vie, il faut un travail sur le quotidien … Dont l’éducateur spécialisé est le garant.
MF - Travailleuse sociale
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