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UNE AUTRE VIE DE PSY - Épisode III : au chômage...

03/02/20
UNE AUTRE VIE DE PSY - Épisode III: au chômage...

Un nouvel épisode de la bouillonnante vie de T. Persons où l’on y trouvera une astuce implacable pour trouver un emploi.

- Ceci est une fiction. Toute ressemblance avec une quelconque réalité serait purement fortuite… -

Certains y verront un retour à la case départ : le chômage… D’autres diront que plus on se plante, plus on devient compétent et que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ou que l’erreur est humaine… Il paraîtrait même que c’est de ses échecs que l’on apprend le plus… En tous cas, c’est typiquement le genre de phrase que l’on retrouve dans les cadres poussiéreux pendus aux murs des salles d’attente de certains psy et qui sont censées nous indiquer la marche à suivre pour être heureux…

Qu’avais-je retenu de ces derniers mois ? Il me fallait trouver un sens à ma vie. J’avais pas mal creusé la question, cherchant une signification à mon mal-être, tout en m’abrutissant à coup de téléfilms allemands mal doublés. J’avais besoin d’un job, mais ma récente expérience m’avait démontré que sauter sur n’importe quelle proposition n’était pas forcément la solution à mon problème. Puis le principe de réalité, incarné par le regard hargneux de mon ex-épouse est venu me happer aussi violement qu’une vague déferlant sur l’estacade de Blankenberge un soir de tempête. En disant à Marie que j’avais malheureusement perdu mon nouvel emploi, celle-ci vint subtilement titiller une corde tissée par une éducation judéo-chrétienne bien ancrée : la culpabilité.

De fait, être universitaire et sans emploi, dans un monde où tout doit être utile, rapide, efficace, ça fait tache. Je la voyais déjà me juger, reflétant une image négative de moi-même… Alors que je lui parlais du sens à donner à ma vie, elle me claquerait certainement que mes réflexions sur l’hédonisme et la valeur de mon existence devrait passer après mes obligations familiales… Elle me dépeindrait comme si j’étais le cliché du père célibataire qui n’assume pas financièrement et qui n’est pas fichu de subvenir aux besoins de son fils… Bref, je ne sais pas si c’était cette fichue culpabilité, l’anticipation de son discours-type qu’elle allait me sortir ou si, simplement, j’avais besoin d’exprimer mon ressenti à la seule personne qui avait encore un lien avec moi, mais j’ai pris ma plus belle voix pour me lancer dans un long monologue.

"Oui, clairement, je plaide coupable de tout"

Vous voyez le moment où vous êtes sous la douche et que vous vous refaites la dispute tout en vous disant : « J’aurais dû lui dire ça ! » ? Figurez-vous que, pour moi, c’est plutôt l’inverse… D’où vient ce besoin pathologique de dire tout et n’importe quoi ? Je ne saurais vous répondre... Ma psy vous dirait qu’il est possible que j’aie passé ma petite enfance à me taire et que cela a laissé des traces… Elle postulerait que derrière cet être qui ne demande qu’à aider son prochain, se cache une personne qui se déteste suffisamment pour s’auto-saboter … Oui, clairement, je plaide coupable de tout.

Si l’on devait résumer ma pensée, tout est parti des yeux de Marie lorsque je lui ai dit que j’étais à nouveau sans emploi. J’y ai vu un sentiment de médiocrité, j’avais l’impression de la dégoûter, d’être un vil personnage qui profitait de la collectivité pour ne pas travailler et c’était profondément injuste. Je lui ai dit que le chômage existait pour ce genre de situation. Je lui ai fait une diatribe violente sur le fait que si les gens se mettaient à travailler à tout prix sans prendre le temps d’utiliser le chômage pour savoir ce qu’ils veulent faire de leur vie de manière constructive, sans pression, alors plus personne n’utiliserait ces allocations. Or, on vit dans une société où lorsque l’on cesse de recourir à un service, celui-ci disparaît. Donc, au nom des plus démunis, c’était un devoir d’utiliser mon droit à ne pas travailler. Ensuite, j’en suis venu à critiquer son travail, son mode de vie et finalement, comme un con, j’ai exigé des excuses.

Bien évidemment, après m’avoir côtoyé pendant plus de 10 ans, mon ex-épouse avait compris la manière dont je fonctionnais… Elle a donc pris le temps de me sourire, de me traiter de triple buse et de m’expliquer que le mari d’une de ses collègues travaillait aux ressources humaines d’un hôpital Bruxellois… Fait assez rare, on avait découvert qu’ils recevaient des subsides pour engager deux équivalents temps plein de psychologue et qu’ils ne l’avaient pas encore fait…

C’est de cette manière qu’en deux minutes, je suis passé de l’altermondialiste prêt à se sacrifier pour défendre jusqu’au dernier souffle la sécurité sociale à l’opportuniste de première à qui l’idée de se faire pistonner pour obtenir un job, ne le gênait pas le moins du monde, tant l’idée d’avoir une pratique clinique me manquait… Bref, à la question de savoir si l’on apprend de ses erreurs, je vous dirais que cette affirmation est valable, si la réflexion et l’autocritique sont de mise. Et malheureusement pour moi, j’étais à l’introspection ce que le raffinement et le bon goût sont à Christian Clavier…

T. Persons

[La première saison]

 Épisode I : la nouvelle demande
 Épisode II : la patiente de 15 heures, le mardi
 Épisode III : de l’art de la supervision
 Épisode IV : un heureux hasard
 Épisode V : le nouveau venu
 Épisode VI : une coïncidence douteuse…
 Épisode VII : une question de choix
 Épisode VIII : le poids des secrets
 Épisode IX : la ligne rouge
 Épisode X : autour d’un verre
 Épisode XI : savoir dire non (partie I)
 Épisode XII : savoir dire non (partie II)
 Épisode XIII : un métier dangereux
 Épisode XIV : les idées noires...
 Épisode XV : l’effet papillon
 Épisode XVI : un état de choc
 Épisode XVII : une rencontre inopinée
 Épisode XVIII : démêler le vrai du faux
 Épisode XIX : un retour à la réalité
 Épisode XX : la disparition
 Épisode XXI : l’appel à l’aide
 Épisode XXII : la déposition
 Épisode XXIII : et soudain, la lumière…
 Épisode XXIV : l’amour fou

[La deuxième saison]

 Épisode I : en thérapie...
 Épisode II : l’art de coller des étiquettes



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