Hausse du budget des cabinets ministériels : on ne se moquerait pas un peu (beaucoup) de nous ?

22%. C’est l’augmentation du budget des cabinets ministériels décidée par notre gouvernement. En pleine crise économique et sociale. Alors que la santé peine, que la culture est à genoux, que le social mord la poussière, que les indépendants tombent les uns après les autres. Évidemment, la mesure n’a pas été annoncée à grands renforts de battages médiatiques, contrairement à d’autres.
Une telle indécence a de quoi choquer même le plus cynique d’entre nous. À l’heure où nous sommes plongés dans une crise économique et sociale aux conséquences que l’on entrevoit dramatiques, une telle décision, complètement déconnectée de la réalité, fait, au mieux, grincer des dents.
La santé saignée à blanc
Depuis des années, le secteur des soins de santé est saigné à blanc, devenant une machine à qui on impose rentabilité et performances. La sécurité sociale est réduite comme peau de chagrin, son filet, censé être une sécurité pour tous, devient tellement lâche qu’on ne compte plus ceux qui passent à travers ses mailles. Nos institutions de soins sont de plus en plus déshumanisées et les travailleurs qui y sont si essentiels les désertent de plus en plus tôt, ou rechignent à y entrer, tant les conditions de travail sont rébarbatives.
La culture à genoux
Le secteur de la culture est à genoux. Après tout, la culture, par essence, ne saurait être rentable, alors quel intérêt à la financer ? Émancipation, éducation permanente, ouverture de l’esprit et du cœur sont si peu essentiels aux yeux de ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Pourtant, la culture et l’art font partie de la vie humaine depuis la découverte du feu. Sans culture, sans art, nous ne sommes que des machines tout juste bonnes à fonctionner. Et pourtant, ce secteur aussi est saigné à blanc depuis longtemps. Et avec la crise sanitaire, il a complètement disparu des écrans radar.
Le social mord la poussière
Le secteur social mord la poussière. Nous ne sommes plus à genoux, nous plongeons toujours plus bas. Il faut dire que nous aussi, nous ne sommes pas rentables. Du moins pas immédiatement, pas en une temporalité équivalente à une législature. Prendre soin, accompagner les personnes les plus vulnérables de notre société prend du temps et les résultats se mesurent parfois en générations. Pourtant, c’est cette caractéristique, parmi d’autres : prendre soin des plus vulnérables, ne pas les abandonner sur le bas-côté, qui nous distingue des animaux sauvages. Nous faisons partie des oubliés de la crise sanitaire. Du moins l’immense majorité du secteur, à savoir l’associatif.
Les indépendants sombrent, notre économie avec eux
Les travailleurs indépendants tombent les uns après les autres, victimes de mesures contradictoires, d’ouvertures sous conditions d’investissements conséquents suivies de fermetures répétées. Ils reçoivent si peu d’aides au regard de leurs charges que ceux qui n’ont pas une solide trésorerie tombent comme des mouches. C’est là le socle de notre économie qui vacille. Le chômage économique s’installe, en plus des faillites. Il deviendra durable pour beaucoup. Tant de personnes se demandent comment elles vont boucler leurs fins de mois et si elles verront des jours plus sereins.
Et les cabinets ministériels se portent comme un charme
Et au milieu de tout ça, notre gouvernement fraîchement intronisé s’empresse, entre tous les dossiers qui s’accumulent et qui sont en souffrance depuis longtemps, de déposer un projet de loi octroyant des crédits supplémentaires aux cabinets ministériels. Une augmentation de 22% de leur budget. Alors que partout ailleurs, les fonds sont rabotés. Nous voilà revenus aux temps indécents qui ont précédé la Révolution Française … Sans brioche.
MF - travailleuse sociale
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