Un site de l'Agence pour le Non-Marchand
Informations, conseils et services pour le secteur associatif

Chronique d’un psy : '' Comment vont les psy ? ''

01/04/21
Chronique d'un psy : '' Comment vont les psy ? ''

Alors que la crise sanitaire dure depuis plus d’un an, la santé mentale des professionnels des soins de santé n’est pas épargnée. Dans son style bien particulier, T. Persons fait l’état des lieux du bien-être chez les psychologues cliniciens.

Il y a un peu plus de deux semaines, Safia Kessas s’interrogeait sur la santé des psy dans une lettre émouvante qui nous était destinée. Sur le coup, ça m’a fait réfléchir… Après tout, on va comment, nous ? Un an, bordel. Il faut dire, on est passé par plein d’étapes. Il y a d’abord eu l’effroi au mois de mars. Un manque de communication qui a poussé certains d’entre nous à fermer nos cabinets alors que d’autres devaient faire face à cette première vague dans leur institution, sans préparation, sans matériel, sans soutien. En effet, on ne sait jamais trop quoi faire d’un psy. Il n’est pas médecin, il n’est pas paramédical. Il est entre les cases et en général, ce qui déborde, ça embête. Alors, on occulte, on scotomise. On fait comme s’il n’existait pas.

Un métier essentiel ? Ça dépend...

Puis, il faut dire, un psy, ça a l’art de ne pas trop faire de bruit. Ça concilie, ça s’adapte, ça fait des vidéo-consultations, ça dispatche des malades, ça coud des masques, ça fait la secrétaire, le café, voire même des actes infirmiers. Alors, on a comblé les trous, on s’est conformé, on a pris certains relais qui ne nous étaient pas destinés. On est cool, non ? Certes, sympathiques, mais transparents, surtout quand il s’agit de primes, d’aides gouvernementales. Essentiels ? Pas essentiels ? Et bien, figurez-vous que ça dépend. Si on parle du droit passerelle, vous êtes essentiels, vous pouvez continuer à bosser et donc n’êtes pas éligible pour les étrennes de survie. Par contre, si on parle de prime pour les soignants, là, faut pas déconner, non, vous n’êtes pas essentiels, en première ligne, au front. En fait, nous sommes là où l’on dérange le moins, là où on ne coûte rien. Tu l’as vu mon psy ? Inusable, chic et pas cher !

A-t-on réellement besoin d’un psy ?

Ensuite, il y a eu un revirement : la deuxième vague. Et là, le politique s’est dit qu’il fallait qu’on parle du tabou de la santé mentale. Après tout, on distribue bien des masques toxiques, on peut pas faire quelque chose de similaire pour le bien-être psychique de la populace ? Oh ! Le coup de projecteur qu’on s’est pris dans la gueule ! Alors que la plupart des Élus confondaient le psychologue et le podologue, - après tout, ça sonne pareil - , il n’y avait plus un seul peigne-cul qui ne voulait pas distribuer des soins psychologiques à tour de bras. Comment ? Mais quelle question, voyons. On s’en fout du comment, l’important, c’est la communication. Puis, est-ce réellement nécessaire ? A-t-on besoin d’un psy ou d’un coiffeur ? On en est réduit à cela. Un levier pour que les gens ne pètent pas un câble. Or, depuis quelques mois, ils le font allègrement.

En effet, le psychologue est, pour le moment, fort occupé. Oh que oui, elle serait fière de nous Maggie ! Ils bossent, les feignasses ! Et c’est pas l’État qui paye, ou partiellement… 200 millions d’euros, des aides ponctuelles, des initiatives dans tous les sens, souvent sous-payées, des contrats temporaires, mais bon, par temps de crise, vous allez pas vous plaindre non plus ? Le psy ne se plaint pas, il accepte, il prend, il se met au service des autres et puis : il craque.

Toujours pas considérés...

Ah, donc les psy ne vont pas bien ? On est loin de l’étude empirique, certes, mais je me suis dit : et si je faisais mon répertoire pour prendre des nouvelles. Résultats ? Il faudrait en faire une vraie étude mais que l’on soit indépendant ou salarié, les psy sont débordés, épuisés et surtout, ils ne sont toujours pas considérés. On en parle tout le temps, mais on fait sans eux, on décide à leur place, on sait mieux qu’eux, on se fiche du terrain, on crée des projets qui ne répondent qu’aux besoins du politique…

En conclusion, à l’heure où un porte-conteneur de 400 mètres de long bouge plus facilement qu’un gouvernement, je me dis qu’il est peut-être temps que nos amis politiques prennent conscience que les psy sont leur dernière cartouche. Il va falloir bosser vos powerpoint, faire une belle communication, ou alors - au hasard - prendre en compte la réalité des psychologues, avant qu’ils ne tombent comme des mouches.

T. Persons

[Sur le même sujet] :



Commentaires - 4 messages
  • Excellent propos - j'adhère!
    Cordialement
    YH Haesevoets - Psychanalyste

    Yves-Hiram Haesevoets lundi 5 avril 2021 13:27
  • Bravo ! J'adore !

    Chhyvert mercredi 7 avril 2021 22:27
  • Merci ????

    Philomene2009 vendredi 9 avril 2021 16:55
  • Super!!!

    SofPadpanic samedi 10 avril 2021 22:38

Ajouter un commentaire à l'article





« Retour