Chronique d’un psy : "Un psy pour sauver les indépendants en détresse ?"
Alors que le Cabinet du Ministre Clarinval avait annoncé il y a peu une aide psychologique gratuite pour tout indépendant en détresse, le projet semble sur les rails et fait déjà grincer des dents, surtout celles de T. Persons.
Sachez-le, d’une nature calme et sereine, il y a peu de choses qui m’horripilent dans la vie, en dehors des ananas sur la pizza, des gens qui se curent les ongles en public et de la voix de Kate Bush. Je suis compréhensif, j’ai tendance à prendre du recul, à essayer d’analyser les comportements qui échappent à mon entendement, à dialoguer, à trouver un consensus, à m’adapter ou à renoncer. Parmi mes nombreuses qualités, on dira de moi que je suis réfléchi, juste et bienveillant. Bref, il faut y aller pour me faire perdre patience et pourtant, notre Ministre David Clarinval, avec sa nouvelle convention, y est royalement arrivé.
Depuis quelques jours, on nous présente cette nouvelle « offre » de l’INAMI, qui n’a de neuf que le nom, tant elle ressemble à la convention des psychologues de première ligne… Vous me direz, de quoi vous plaignez-vous ? Vous l’avez eu votre rawette… C’est pas une belle victoire, ça ? Alors, on se congratule, on se tape la cuisse et zou, au travail les psychologues ! Sauf que, à bien des égards, cette nouvelle convention me pique aux yeux aussi ardemment que des chaussettes dans des sandales.
On prend le psychologue de première ligne pour une bille
Tout d’abord, il y a le fait que l’on pense à la place des indépendants. De quoi ont-ils besoin, à l’heure actuelle ? Certes, pour certains, d’un suivi psychologique, mais en quoi cette nécessité est-elle spécifique aux indépendants par rapport au reste de la population qui est également en souffrance ? Pourquoi créer un système à deux vitesses avec des rémunérations différentes ? Parce qu’en effet, on prend le psychologue de première ligne pour une bille. Financièrement, on revalorise légèrement le tarif de cette convention, sans changer celle de la première ligne. Ça sent le sapin pour nos psychologues conventionnés, non ? Vous me direz, ils étaient approximativement 8 sur toute la Wallonie et 3 sur Bruxelles. On aurait pu tirer un constat : ça ne fonctionne pas… Pécuniairement, ce n’est pas vivable et la charge administrative est aussi lourde qu’un Gérard Depardieu post-repas.
Soit, on refait la même erreur, mais cette fois, on la confie aux mains d’une ASBL Wallonne : « un pass dans l’impasse » qui, il faut bien le dire, est à l’organisation des soins psychologiques ce que Doclr est à la vaccination. Sur papier, c’est beau, ça sent le propre, mais concrètement, sur le terrain, en dehors d’une expertise sur le suicide, en quoi ont-ils une quelconque compréhension des logiques nébuleuses du monde des indépendants ? En rien !
Néanmoins, si malgré tout, l’envie de rejoindre l’aventure vous titille, sachez qu’en plus des trois années d’expérience nécessaires, il faudra vous munir de votre visa du SPF santé et… de votre numéro d’enregistrement à la Commission des psychologues. Étrange, me direz-vous. En quoi le visa n’est-il pas suffisant, puisqu’il est le garant de l’exercice légitime de la psychologie clinique ? Faut-il rappeler que la Commission des psychologues est sous la tutelle du Ministre Clarinval ? Une coïncidence ? Évidemment, voyons…
Précariser encore plus les psychologues cliniciens...
Puis, il y a le nœud du problème : la possibilité d’ouvrir cette convention aux structures qui emploient des psychologues, me semble compliquée, voire paradoxale. En effet, un Ministre des indépendants qui propose de les mettre en concurrence avec de plus grosses structures subsidiées, c’est un peu comme si un politicien libéral se mettait à chanter l’Internationale au cercle de Lorraine. C’est inconvenant, c’est particulier, ça fait tache, même s’il a trois degrés d’alcool dans le sang. Comment expliquer cette mégarde du coup, sans remettre en cause la sobriété du Cabinet du Ministre, du SPF santé et de l’INAMI ? Incompétence ? Manque de considération du terrain ?
En conclusion, on peut donc se dire que le projet du Ministre Clarinval visant à soutenir les indépendants semble précariser encore plus les psychologues cliniciens indépendants avec une convention qui leur est impossible de tenir, tout en les mettant en concurrence avec les services de santé mentale, qui eux, se frottent déjà les mains. Bref, sur la liste des choses qui m’horripilent, cette nouvelle convention vient tout juste de trouver sa place, pile entre le bruit des tongs des vacanciers nonchalants et la publicité des cuisines Dovy.
T. Persons
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