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UNE AUTRE VIE DE PSY - Épisode I : en thérapie...

20/01/20
UNE AUTRE VIE DE PSY - Épisode I: en thérapie...

Il est de retour, il est en forme et il parle de lui à la troisième personne. La vie de T. Persons est décidément bien compliquée… Et ce n’est pas près de changer.

- Ceci est une fiction. Toute ressemblance avec une quelconque réalité serait purement fortuite… -

— Qu’est-ce qui vous amène dans mon cabinet ?

— Oh, pour faire court, nous sommes confrères. Enfin, nous l’étions, jusqu’à ce que j’enfonce sans le vouloir une paire de ciseaux dans la cuisse d’un de mes patients... Mais, c’était juste avant de me taper la tête contre le coin de ma table de consultation. Puis surtout, une autre de mes patientes avait kidnappé mon fils… Donc heu, voilà… Depuis, j’ai un peu de mal…

— …

— Ah oui, aussi, j’ai cru avoir des sentiments pour une de mes patientes ! Justement, la femme du gars que j’ai poignardé… Enfin, on se comprend…

Le premier réflexe de la thérapeute que je consultais, fut de jeter un coup d’œil - qui se voulait furtif – à sa vieille paire de ciseaux qui traînait dans un pot, parmi les crayons sur son bureau. Quand elle vit que je l’avais vu, elle se contenta de sourire, nerveusement…

Cela faisait maintenant six mois que j’avais arrêté mes consultations… Il faut dire, faire la une des faits divers de la presse locale n’était pas idéal pour se faire connaître en tant que psy…Mes patients annulèrent tour à tour. Puis, ce fut moi qui n’eus plus la force de continuer, seul, dans ce cabinet lugubre qui me rappelait à quel point j’étais un piètre clinicien, m’évoquant les souvenirs d’Anita, de Marthe, de Georges… Et la famille ? Oh, elle se porte à merveille depuis que mon épouse à unilatéralement décidé de se séparer de moi, tout en ayant eu la garde de notre fils. En soi, mon quotidien ressemblait étrangement à un film de Ken Loach sublimé d’une bande son composée par Thom Yorke et interprétée au piano par Wladyslaw Szpilman…

Vous me demanderez : que font les psy quand ils tombent dans les abysses de la dépression ? Premièrement, on use son propre canapé, du matin au soir, sans se laver. Ensuite, au bout d’un certain temps, la culpabilité vient frapper à la porte de notre marasme : on se donne pour mission de bouger. On commence les antidépresseurs, on prend dix kilos dans la gueule et puis, un beau jour, on se dit qu’il serait peut-être temps de consulter.

Avec ma psy, on a fait le bilan de ma vie et on en est arrivé à une conclusion simple : en dépit du fiasco des derniers mois et du fait qu’il fallait sérieusement que je repense ma pratique de psychologue, j’étais taillé pour la relation d’aide… Il était donc fondamental pour moi de remonter en selle : il me fallait un nouveau job…

"Pas de relation d’aide, pas de thérapie"

Sachez-le, il n’y rien de plus cynique qu’un recruteur qui vous invite à reconsidérer vos attentes lorsque vous aspirez à travailler en qualité de psychologue alors que vous n’avez que le diplôme requis… En effet, avec mes petites lunettes rondes, mon début d’obésité morbide et ma licence en psychologie, je ne faisais pas le poids face aux jeunes loups bardés de diplômes et prêts à revoir leur salaire pour s’aligner sur celui d’un vendeur de chez Zara. Bref, lorsque sur le marché de l’emploi on pèse autant qu’une goutte d’eau dans le canal, on a vite tendance à baisser les bras…

J’entends déjà vos remarques acides : encore un psy qui va plus mal que ses patients… Clairement, la route a été longue, mais aujourd’hui, je vais mieux. La recette magique, en dehors des petites pilules et d’une thérapie hebdomadaire ? Trouver un sens à sa vie. Pour être transparent, au bout de quelques mois à jongler avec des offres d’emploi pour lesquelles, soit je me sentais aussi légitime qu’un bourgmestre de village propulsé à la tête de l’Europe, soit j’avais l’impression, en faisant défiler le descriptif de la fonction, que je perdrais mon énergie dans un travail qui n’aurait d’avantage que de ramener un salaire en fin de mois, j’ai trouvé une alternative qui sentait bon comme un compromis à la belge… C’est-à-dire que j’y étais perdant, mes employeurs l’étaient aussi, mais finalement en prenant un peu de recul, tout le monde s’y retrouvait pas trop mal.

C’est donc ainsi que j’ai commencé à travailler dans une structure de consultance, spécialisée dans la réalisation de testing psychologique… Pas de relation d’aide, pas de thérapie. Juste voir défiler des patients, leur administrer une batterie de test qui leur filerait le mal de crâne de leur vie et les revoir pour leur donner les résultats, sans rien travailler. A priori, il y quelques années, je vous aurais dit qu’un tel boulot me donnerait l’envie de pleurer en position fœtale sur un disque de Cat Stevens. Et pourtant, c’était exactement ce qu’il me fallait : un job tremplin, pour me reconstruire et pour rebondir…

Si j’avais su qu’en acceptant ce poste, j’écrivais le début d’une histoire que je qualifierais de plus horrible expérience de ma vie, je vous l’assure, je serais resté quelques mois de plus dans mon fauteuil… Malheureusement, à l’époque, je n’avais pas la moindre idée de ce qui allait m’arriver…

T. Persons

[La première saison]

 Épisode I : la nouvelle demande
 Épisode II : la patiente de 15 heures, le mardi
 Épisode III : de l’art de la supervision
 Épisode IV : un heureux hasard
 Épisode V : le nouveau venu
 Épisode VI : une coïncidence douteuse…
 Épisode VII : une question de choix
 Épisode VIII : le poids des secrets
 Épisode IX : la ligne rouge
 Épisode X : autour d’un verre
 Épisode XI : savoir dire non (partie I)
 Épisode XII : savoir dire non (partie II)
 Épisode XIII : un métier dangereux
 Épisode XIV : les idées noires...
 Épisode XV : l’effet papillon
 Épisode XVI : un état de choc
 Épisode XVII : une rencontre inopinée
 Épisode XVIII : démêler le vrai du faux
 Épisode XIX : un retour à la réalité
 Épisode XX : la disparition
 Épisode XXI : l’appel à l’aide
 Épisode XXII : la déposition
 Épisode XXIII : et soudain, la lumière…
 Épisode XXIV : l’amour fou



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