Dans nos formations, on nous apprend beaucoup à travailler en équipe, à utiliser le collectif et ses ressources pour enrichir notre pratique et proposer un accompagnement de meilleure qualité. Toutefois, ce n’est pas toujours possible, que ce soit en raison de la fonction en tant que telle, ou encore des choix d’organisation de l’institution où l’on exerce.
Exigeant et questionnant
Travailler en solo dans l’accompagnement de personnes en difficulté est très exigeant et questionnant. Tout d’abord, et avant tout, car la prise de recul est rendue malaisée par le rapport dual, là où elle est facilitée par la triangulation de la relation. Avec la difficile prise de recul viennent les difficultés d’analyse, et donc de pertinence des choix d’accompagnement posés et des actions mises en place. Un « effet tunnel » est plutôt fréquent lorsque les relations d’aide sont exclusivement duales.
Des réunions pas toujours suffisantes
Certaines professions imposent le travail en solo : le thérapeute libéral, le coach ou l’accompagnant en milieu de vie sont de bons exemples. Parfois, ce sont certaines institutions qui font le choix du fonctionnement en solo pour leurs travailleurs, notamment en ce qui concerne l’accompagnement en milieu de vie. Dans ces cas, il existe pourtant des réunions d’équipe, qui sont censées aider les travailleurs au niveau de cet accompagnement, en apportant le recul nécessaire. Le travailleur peut certes y déposer ses perceptions et analyses, mais cela reste son seul regard porté sur la situation, et c’est parfois là que le bât blesse.
Connaître ses limites pour choisir son terrain
En effet, nous ne sommes pas tous égaux en ce qui concerne la capacité à travailler seul. Avec le temps, la pratique et l’expérience, nous acquerrons généralement une certaine connaissance de nos compétences, que nous développons et affinons, ainsi qu’une certaine confiance en nous en tant que professionnel. Pour autant, certains d’entre nous auront plus de difficultés à fonctionner en solo, sans l’aide apportée par un collègue directement impliqué dans la situation.
C’est là que la connaissance de ce que nous sommes et de nos limites devient primordiale. Une personne qui a besoin de fonctionner en équipe ne saurait s’épanouir dans un milieu où elle devra travailler seule, et inversement. Pour que nous puissions révéler, et offrir, le meilleur de nous-mêmes, il est important que nous exercions dans un environnement qui nous convient, cela semble évident. Malheureusement, ce n’est pas toujours facile à mettre en place.
Alléger la pression
Toutes les institutions qui proposent un accompagnement à domicile n’appliquent pas le principe du binôme. En général, dans les CPAS, ainsi que dans les services sociaux de première ligne, les assistants sociaux reçoivent seuls et gère chacun leurs dossiers jusqu’au bout. Il en va de même pour les thérapeutes, qu’ils soient libéraux ou non. Dans la plupart des institutions, des réunions d’équipe permettent d’instaurer une certaine triangulation. Il est aussi possible de passer le relai, ou d’intervenir en binôme pour un certain temps. Tout ceci allège la pression liée à l’accompagnement solo.
Ne pas s’enfermer dans ses difficultés
Parfois, rien de ceci n’existe, car le professionnel opère seul. Ce qui peut sembler un choix idéal a priori s’avère parfois complexe et difficile à tenir sur le long terme, pour celui qui n’y était pas convenablement préparé à la base, ou qui s’y épanouit moins que prévu … Ne pas oublier que les supervisions existent pour cela : aider à prendre du recul en triangulant une relation duale. Autant faire appel à l’équipe plutôt que de s’enfermer dans ses difficultés en croyant pouvoir les dépasser seul.
MF - travailleuse social
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